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Échouement et renflouement du COSTA CONCORDIA

 



Alors qu'en Italie les audiences techniques sont achevées sur les causes du naufrage du Costa Concordia intervenu il y a juste un an, le 13 janvier 2012 sur un récif de l'île du Giglio et qui a fait 32 victimes, les opérations de renflouage sont bien entamées et devraient s'achever cet été pour un remorquage en septembre prochain. Beaucoup d'hypothèses ont été avancées en ce qui concerne l'échouement du Concordia. Si le virage amorcé bien trop vite et trop près de la côte ne fait pas de doute sur l'origine de la brèche sous la flottaison sur bâbord, il est plus étonnant de voir le Concordia échoué sur tribord, au cap inverse de sa route après avoir heurté les hauts-fonds.

        Les relevés AIS aussitôt accessibles sur Internet, notamment celui de «Marine traffic.com», ont permis de retracer la trajectoire de l'échouement du Concordia.
La vidéo commentée du très sérieux site «gcaptain.com» par John Konrad avance un certain nombre d'hypothèses qui ne sont pas encore vérifiées. Tant que la procédure n'a pas finie d'être instruite, le Bureau d'Enquête Accident mer italien ne diffuse aucun document, notamment les enregistrements du VDR (Voyage Data Recorder), boîte noire du navire. On sait que le navire a fait un black-out complet après avoir heurté les hauts-fonds et qu'un groupe électrogène a pu démarrer pour fournir l'énergie de secours nécessaire dans pareille situation. Le local machine ayant été très vite envahi, la propulsion principale n'a jamais été recouvrée. John Konrad justifie le retournement du navire avec l'utilisation des propulseurs avant, ce qui préjugerait de la disponibilité de groupes électrogènes nécessaires à leur fonctionnement.
L'utilisation seule du propulseur pourrait contribuer à créer ce moment de giration nécessaire à faire girer le navire en plus de lui faire acquérir une faible erre en avant.

J'émets une autre hypothèse; celle que le navire ait lofé avec sa seule erre aidé du vent venant du large puis qu'il ait passé l'axe du vent pour venir ensuite s'échouer à son cap inverse, sans aucun concours de barre ou de propulsion.

Cinématique de la phase d 'échouement.


Le Concordia après avoir heurté le récif sur son bâbord poursuit sur son erre le long de la côte. Suite au choc, sa vitesse chute assez rapidement pour arriver à moins de 3 nœuds au niveau de la pointe où il va venir s'échouer.
Le vent souffle du large, perpendiculairement à la côte pour une quinzaine de nœuds (hypothèse prise pour la simulation)


Le Concordia accélère sa dérive travers au vent jusqu'à 1 nœud ). Sous l'effet du vent qui vient frapper le navire sur son tribord avant et en réaction de l'eau sur la carène qui agit sur son avant bâbord, le navire a une tendance naturelle à lofer. Pendant cette lente phase de giration, le navire se retrouve en marche oblique et perd concomitamment de la vitesse.
Il continue à lofer jusqu'à arriver dans une phase «d'équilibre» face au vent. Il aurait très bien pu dériver de nouveau cap au Nord Ouest, mais son inertie en giration lui fait passer le lit du vent.

La composante latérale du vent devient alors de plus en plus importante au fur et à mesure que le navire vient travers au vent jusqu'à se stabiliser à sa position d'équilibre stoppé, cap au Sud Est.
L'arrière tribord du Concordia heurte la côte en premier, et le vent finit par le drosser sur son flanc tribord où il s'échoue puis coule.

 

Position d'équilibre en marche avant.

Dans notre exemple, le vent vient de l'avant bâbord. Un navire en marche avant, dans notre cas à faible allure, la barre étant à zéro, il est alors soumis aux actions suivantes:
  1. L'action F du vent sur le fardage entraîne une abattée, dont l'intensité varie avec la force et l'incidence du vent apparent (le vent apparent se rapproche de l'axe du navire lorsque la vitesse du navire augmente). Son point d'application se déplace également vers l'avant,
  2. La résistance de carène R qui augmente avec le carré de la vitesse du navire et dont le point d'application se déplace vers l'avant, ce qui tend à faire lofer le navire.
  3. Quelle que soit leur voilure, les navires ont une tendance à lofer quand ils sont en marche avant. C'est surtout vrai pour le paquebot considéré comme navire à fardage homogène. Le navire peut fort bien trouver un cap «d'équilibre» lorsqu'il est propulsé. On note alors une différence de cap entre la route fond et celle surface; c'est l'angle de dérive. L'eau étant un fluide 850 fois plus dense que l'air, l'effet des résistances de carène devient néanmoins rapidement prédominant dès que le navire prend suffisamment d'erre. Dans certains cas, lorsque le navire résiste bien à la dérive, il peut, sur son inertie, franchir le lit du vent sans action de la barre.
 
  Cette explication permet également de justifier qu'un navire est en équilibre lorsqu'il navigue à une certaine vitesse face au vent. En effet, si le navire s'écarte légèrement de son cap initial, il subit de la dérive mais la résistance à la marche oblique tend à le ramener vent debout.
Il faut également tenir compte des alvéoles qui forment «des pièges à vent». Elles augmentent le coefficient aérodynamique. Par exemple, elles sont créées entre les conteneurs lorsque le chargement est incomplet, ou par les terrasses des cabines sur les paquebots. Les murailles des grands paquebots modernes sont largement couvertes de balcons qui forment des alvéoles. Ils ont un coefficient aérodynamique latéral Cy qui peut atteindre 1,4.
 

Les coefficients de traînée aérodynamiques.


On peut noter qu'entre 35° et 60°, le Coefficient longitudinal Cx est positif, ce qui revient à dire que le navire se comporte comme un voilier. Les œuvres mortes deviennent propulsives. La courbe du coefficient latéral Cy montre également que la force transversale exercée par le vent, et qui induit la dérive, est maximale dès 50° et non travers au vent comme on pourrait s'y attendre. En observant le moment de lacet Cn, on constate que l'effet d'embardée du navire est le plus fort quand le navire fait un angle de 45° avec le vent, ce qui favorise son auloffée. Quand il est plein travers, le navire ne fait que dériver.

Les différentes phases du renflouement du Concordia.


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Le coût des travaux, qui devraient être achevés à la fin de l'été 2013, est estimé à 236 millions d'euros.
Le navire sera alors remorqué pour destruction.
Le site Internet suivant est dédié au suivi des opérations de renflouement :
http://www.theparbucklingproject.com

Référence:
Traité de Manœuvre H.Baudu: pages 176,177 et 254, 255.
Hervé BAUDU
Professeur en Chef de l'Enseignement Maritime.
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