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Quelques réflexions à la suite d'un incendie
à bord d'un porte-conteneurs (classe 8000 teu)



 
         Un incendie dans des containers en pontée s'est déclaré sur le Charlotte Maersk, le 7 Juillet 2010 au soir, alors qu'il était dans le détroit de Malacca. La suite des évènements a mis en évidence les difficultés de la lutte contre un incendie dans des containers, ainsi que le temps nécessaire pour combattre un tel incendie sur ce type de navire avec une pontée de cinq hauteurs, même au voisinage de la terre et des moyens qui s'y trouvent. Heureusement, l'incendie, se situant à plus de 100 m des emménagements, a été contenu et n'a pas vraiment été dangereux pour le navire ou le personnel.

       Le navire a pu, après près de deux semaines de lutte contre l'incendie, entrer au port de Tanjung Palepas. Durant ce temps, l'incendie a atteint 150 containers. Le navire, déclaré en avarie commune, est prévu être déchargé, et Maersk indique envisager un mois de réparations. Bien qu'il y ait eu aide extérieure, le succès de la lutte contre l'incendie a été reconnu comme résultant d'une action déterminante de l'équipage, sans avoir à déplorer de blessé ni intoxiqué.

       L'aide extérieure "classique" a été sans doute utile, mais que peuvent faire un ou plusieurs remorqueurs, même équipés de puissantes lances, pour inonder un container au milieu du navire à une telle hauteur ? Il y a eu intervention d'un avion bombardier d'eau, mais il n'a pas été constaté de résultat probant à ce sujet. L'armateur a envoyé de l'aide, entre autres un chimiste, des spécialistes de la compagnie et du matériel.

       Maersk n'ayant pas l'habitude de communiquer plus que nécessaire, les articles disponibles ne donnent pas de détails sur les procédés ou moyens utilisés. Mais on note que l'extinction a été longue et difficile, on l'imagine, et aussi qu'une fois l'incendie sous contrôle - ce qui a nécessité plusieurs jours -, l'extinction des containers un par un a pris beaucoup de temps. Comme indiqué, il y a eu 150 containers touchés, avec en plus des avaries au navire (panneaux, points de saisissage…).

         Le début d'incendie est probablement dû à un container d'hypochlorite de calcium, cause suffisamment plausible pour que Maersk, avant même l'extinction complète de l'incendie, ait communiqué aux chargeurs de Chine et Hong-Kong qu'il refusait dorénavant (sauf déjà engagé) tout transport de ce type de produit, afin "d'assurer un voyage sûr à nos navires" (ceci diffusé par London's Containerisation International).

       Ce produit (poudre ou comprimés), élaboré principalement en Chine, fait l'objet de transports de plus en plus importants; il est très utilisé pour le traitement d'eau des piscines, pour purifier/désinfecter l'eau (certains pays ayant des problèmes d'eau en demandent des quantités assez importantes, particulièrement en cas de catastrophes). Ce produit (Classe 5.1; UN N° 1748, 2208, 2880 selon la teneur en humidité), en plus de l'étiquette classe 5.1 "comburant", doit avoir les étiquettes "corrosif" et "nocif pour l'environnement"; les P&I ont mis en garde leurs membres depuis plusieurs années sur ce transport (circulaires 20/99 et 13/00 par ex.).

       Le produit réagit violement, avec production de chaleur et d'oxygène, à une contamination par un produit organique pouvant être une impureté de fabrication, ou une présence d'humidité due à une dégradation de l'emballage. Il réagit aussi à la température avec un "effet de masse", et décomposition avec dégagement de chaleur et de chlore. Pour le produit 2880, des études ont montré une température critique de 37°c pour un 20' chargé de 432 fûts de 40kgs, ou 30°c pour un 20' chargé de 80 fûts de 200kgs. Une réaction violente se produit après un certain délai, délai très diminué en cas d'impureté et surtout en cas de température plus élevée. Depuis longtemps les P&I demandent de ne pas charger en cale (il y a eu plusieurs incendies), de charger loin des emménagements et en 20' seulement. L'amendement MSC/Circ 963 au code IMDG, ne le demande pas et ajoute aux prescriptions antérieures (ségrégations, moins de 55°c sur 24 heures) l'interdiction de la sacherie ou vrac, mais demande de charger de façon à avoir une circulation d'air adéquate, et que le produit ne soit pas exposé au soleil.

       Finalement, pour certains, la solution est un transport en fûts de 40kgs, en container frigo à +15°C ou +12°C, avec renouvellement d'air ouvert. (D'autres marchandises sensibles et précieuses voyagent ainsi depuis longtemps). Ajoutons que, à terre, en cas d'incendie, des instructions destinées à l'industrie exigent l'utilisation d'appareils respiratoires à pression positive et de confiner les eaux d'extinction pour ne pas les envoyer à l'égout.

       Pour élargir le sujet à des remarques plus générales: on peut se heurter aux problèmes récurrents des transports de dangereux par containers: déclarations des chargeurs incomplètes, mauvaises, fausses ou omises. Des cadres de P&I ont déjà signalé que, malheureusement, différents intervenants "logistiques" (dans un contexte concurrentiel ?) ne pensent pas courir de risques graves pour de mauvaises déclarations (de dangereux ou de poids). Des exemples sont rapportés dans des circulaires P&I: De l'hypochlorite de calcium contenant plus de 10% d'eau a été déclaré comme comburant UN N°1479 (moins de précautions requises), alors que l'humidité augmente la sensibilité à la température. Une circulaire ("On a appris…") donne même une liste de différentes appellations de ce produit (ou en contenant) non accompagné de déclaration de dangereux: B-K powder, Bleaching powder, Calcium Chlorydrochlorite, Caporit, CCH, Chloride of lime, Chlorinated lime, HTH, HY-Chlor, Lime Chloride. La fourniture d'une telle liste suppose un certain nombre de mauvaises déclarations ou fraudes (détectées !). Le risque, finalement, est pour le navire (et l'équipage).

       De façon plus générale encore, il en est de même pour les mauvaises déclarations de poids, que personne ne peut nier après les contrôles réalisés à la suite d'accidents où les containers ont été récupérés. Cela, alors que la pesée est parfaitement faisable malgré la réticence de bien des terminaux (au moment où on parle de scanner de plus en plus de containers). Sur le MSC Napoli, on a signalé une différence de 20 t sur un container (valeur rare sans doute, mais quand même !). Cela arrive même dans des ports considérés comme sérieux, à Felixstowe des contrôles ponctuels ont montré des containers "vides" en réalité chargés. On en vient à penser que des marchandises voyagent gratis, est-ce que cela fera réagir vraiment les exploitants/armateurs ?

       Remarque supplémentaire: J'ai indiqué que le risque est pour le navire, mais il l'est aussi, pénalement et personnellement pour le capitaine. Sous réserve d'informations contraires, on remarque que la Malaisie semble avoir traité normalement le capitaine qui, une fois l'incendie complètement maitrisé, le navire et l'équipage en sûreté, n'a pas été emprisonné ni pénalement accusé de diverses fautes ou négligences criminelles avec pollution volontaire. Il aura sans doute des comptes à rendre, mais "normaux", on peut l'espérer.

       Notons que, après deux semaines de lutte réussie contre l'incendie et une fois le navire à quai, l'armateur a organisé une cérémonie de félicitations à l'équipage du Charlotte Maersk.

Cdt Ph. SUSSAC


On peut voir des photos sur "gallery-dyn.tv2.dk/Nyhederne/32014837/0/" et sur le site de "tradewinds.no"

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