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Bureau Enquêtes Accidents Mer



       Le site du BEA Mer www.beamer-france.org s'est enrichi de plusieurs rapports intéressants pour les capitaines cherchant à éviter les ennuis arrivés à d'autres collègues (le fameux retour d'expérience). Trois d'entre eux ont attiré notre attention.

       Tout d'abord celui sur l'abordage entre le TRICOLOR et le KARIBA, suivi des échouements sur l'épave du TRICOLOR des NICOLA et VICKY et de nombreux quasi-accidents ayant entraîné la mise en place d'un dispositif lourd de signalement (130 pages plus un rapport complémentaire de 32 pages sur le sujet controversé des portes étanches ouvertes ou fermées. Ce ne serait pas si sérieux, on pourrait y voir une allusion à Alfred de Musset).

       Durant la nuit du 14/12/02 le KARIBA allant d'ANVERS au HAVRE est rattrapé par le TRICOLOR allant de ZEEBRUGE à SOUTHAMPTON aux approches du WEST HINDER. Le KARIBA détecte sur bâbord dans la voie montante du dispositif du Pas de Calais le CLARY qui lui semble en route de collision. Le CLARY gardant route et vitesse, le KARIBA vient sur sa droite et entre en collision avec le TRICOLOR qui coule en moins de trente minutes. Pas de perte de vies humaines bien que le capitaine et deux membres d'équipage soient récupérés in extremis par le KARIBA. Le CLARY après avoir manœuvré (selon ses déclarations) continue sa route. L'épave du TRICOLOR étant un danger pour la navigation sera balisée par un dispositif se musclant au fur et à mesure des accidents et quasi-accidents se produisant, passant d'une bouée quelques heures après le naufrage à 2 le 16/12 puis 4 associées à deux navires de surveillance pour compte de l'armateur et d'un patrouilleur d'état côtier. A partir de Juillet 2003 un chantier de découpe de l'épave est mis en route pour s'achever courant 2004.

Commentaires :

       Pour ce qui concerne l'abordage le BEA relève que «la compréhension incomplète de la situation d'ensemble sur chaque passerelle constitue le facteur déterminant de l'accident». Il note aussi que le Commandant du KARIBA avait eu une charge de travail importante (mais courante en tournée du nord) et que sur le CLARY l'officier était seul en passerelle.

       Pour l 'AFCAN nous noterons une fois de plus que le ralentissement est une bonne solution et que dans tous les cas il permet de gagner du temps pour analyser la situation. La veille de nuit, seul, à fortiori en parages fréquentés, devrait être formellement interdite. Je sais bien qu'elle n'est pas autorisée mais il y a une nuance.

       En parlant des conséquences de l'accident il semble que certaines portes étanches du TRICOLOR n'étaient pas verrouillées. Le fait que cela ait entraîné ou pas un naufrage plus rapide aurait amené une polémique avec les Norvégiens, obligeant le BEA à modifier une partie de son rapport et y adjoindre un rapport complémentaire portant sur les indices et preuves montrant la position des portes étanches du TRICOLOR. A ce sujet voir le nota en bas de la page 79. "Une porte étanche est dite fermée lorsque les manœuvres de fermeture et de verrouillage ont été effectuées et que les goupilles de sécurité sont à poste, dans tous les autres cas elle est considérée comme ouverte quelque soit son seuil d'ouverture". Pour l' AFCAN nous sommes bien conscients que la fermeture des portes étanches à la mer est un impératif sur les rouliers, d'autant plus vulnérables du fait de leur manque de cloisonnement transversal fixe.

       Les échouements ou quasi-échouements survenus sur l'épave du TRICOLOR posent le problème de la transmission et de l'exploitation de l'information nautique. Le BEA Mer note que sur les NAVTEX les AVURNAV ne peuvent être rejetés et que leur ignorance ne peut résulter que d'une mauvaise sélection des stations, de la mise hors service du récepteur ou de l'absence de lecture des messages reçus. On est quand même arrivé à une centaine de quasi-accidents. L 'AFCAN s'associe donc pleinement aux recommandations du BEA Mer, en particulier :
  • Améliorer qualitativement et quantitativement les effectifs affectés à la conduite et à la veille en passerelle, et l'efficacité de leur contrôle.
  • Supprimer l'organisation du quart en passerelles en deux bordées.
  • Améliorer la compréhension des communications maritimes de sécurité.
  • Améliorer la diffusion et la compréhension des "Avis urgents aux navigateurs"
 
       Pour ce qui concerne le FATOGLU, il s'agit d'un cargo de 95 m avec 12 hommes d'équipage dont 1 Commandant, 1 Second, 1 Lieutenant, qui voulait se mettre à l'abri en baie de DOUARDENEZ le 27/02/04 et est venu s'échouer suite à l'endormissement du second capitaine seul en passerelle à ce moment. Le navire a pu se dégager seul mais des avaries au bulbe l'ont amené en cale sèche à Brest.

       Les recommandations du BEA mer sont les suivantes :
  • Que les navires soumis à la convention SOLAS aient un niveau d'effectif suffisant pour :
    - qu'en navigation côtière, l'officier de quart à la passerelle soit assisté d'un homme de veille compétent.
    - que le capitaine ne soit pas astreint à faire le quart.
  • Que tous les moyens disponibles à bord du navire pour la sécurité de la navigation soient utilisés.
  • Que les navires effectuant régulièrement le même trajet disposent à bord de la documentation nautique appropriée pour utiliser les abris de manière sûre.
  • Que l'obligation de signaler tout incident ou accident soit rappelée au navire au moment de la délivrance de l'autorisation de mouillage.
  • Que soit étudiée l'opportunité d'établir des critères de suivi pour navires en refuge.
       Ces recommandations sont à rapprocher de celles contenues dans le rapport du BEA mer relatif à l'échouement du Melbridge Bilbao le 12 novembre 2001 sur les côtes de Molène.

       L'AFCAN fait remarquer que l'officier de quart doit être assisté d'un homme de veille de nuit au large et jour et nuit en navigation côtière. Le quart du capitaine est évidemment un sujet de préoccupation pour notre association.

       Au pénal le commandant et le second capitaine ont écopé de 3000 Euros d'amende dont 1500 avec sursis devant le TMC de BREST surtout parce que le navire n'avait pas informé immédiatement les autorités françaises de son échouement. Sans vouloir l'excuser on peut remarquer que les dites autorités se sont complètement désintéressées de ce navire après lui avoir indiqué un mouillage en baie de DOUARNENEZ. Même s'il était sorti de la zone de surveillance radar et sémaphorique un appel radio eût été le bienvenu.

       Le cas du DAMANDAS (11 au 22/09/03) pose le problème des cargaisons de vrac sujettes à auto combustion.

       Le navire était chargé de 21000 tonnes de fer obtenu par réduction directe. (Ce minerai mis en présence d'humidité et encore plus d'eau de mer peut se ré-oxyder et démarrer une réaction d'auto combustion). Cargaison chargée à Point LISAS à TRINIDAD à destination de SURABAYA avec soutage à DURBAN. Des thermocouples sont disposés en cale et la température de la cargaison est régulièrement surveillée par un subrécargue.

       Une élévation en cale 2 se produit durant l'escale de DURBAN le 29 /08/03. Un inertage à l'azote est effectué en deux temps, les 30 août et 1er septembre. Les températures redeviennent normales. Le navire attend jusqu'au 5, puis appareille, malgré l'avis des autorités Sud Africaines suggérant d'attendre quelques jours supplémentaires. Le 9 Septembre la température de la cale 2 monte à 380°C. Arrosage de la cargaison à l'eau douce sur l'ordre des autorités compétentes (chargeurs). La température diminue mais le dégagement de H2 augmente puis la température re-augmente fortement. Le 11 septembre le navire demande à escaler à la REUNION pour rétablir la situation. Les autorités françaises refusent l'accostage devant le risque d'explosion à moins que la teneur en H2 des cales redescende à moins de 20% de la limite inférieur d'explosivité et, selon la formule consacrée, mettent en demeure l'armateur de faire cesser le danger.

       Plusieurs solutions sont envisagées : sable, noyage, déchargement, azote. Cette dernière semble la plus appropriée mais si la REUNION peut fournir de l'azote elle ne possède pas d'évaporateur permettant de l'injecter dans les cales, le plus proche se trouve à DUBAI et ne pourrait arriver à temps. L'armateur propose même d'envoyer directement de l'azote liquide dans les cales ce qui est évidemment refusé. Le 21 la situation évoluant défavorablement (élévation de la température en cale 1 qui ne donnait pas de soucis jusqu'à ce moment), après évacuation de l'équipage, le navire est coulé au large sur décision du préfet appuyé par le ministre de l'environnement. Une pollution minime est rapidement contenue.

       L'AFCAN ne peut qu'approuver la décision des autorités, c'était la seule raisonnable.

       Le BEA Mer a relevé comme cause principale de l'échauffement de la cargaison le manque d'étanchéité des panneaux de cales et même des trous de sonde. Il recommande l'embarquement d'un générateur d'azote et d'un subrécargue.

       L'Afcan remarque que si une surveillance des températures est nécessaire, un équipage compétent et instruit sur le maniement du générateur pourra très bien faire l'affaire. Enfin, comme le CEDRE, elle s'étonne de l'attitude des autorités SUD-AFRICAINES qui ont autorisé ce navire à appareiller alors qu'elles avaient l'expérience de cas précédents.

Cdt Christian LOUDES




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