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Études du Bureau Enquêtes Accidents - BEA mer



  Deux rapports du BEA Mer ont attiré notre attention :

  • Le premier concerne l'abordage dans la nuit du 16 au 17 Août entre le caseyeur SOKALIQUE et le cargo OCEAN JASPER.

    Il a entraîné la mort du chef mécanicien – armateur du SOKALIQUE, et une enquête judiciaire est toujours en cours.


  •        Le SOKALIQUE faisait des aller-retour 090 – 270 de 3 milles environ, pour protéger des incursions des chalutiers les lignes de casiers mouillées par la flottille dont il faisait partie, à environ 50 milles dans le nord de OUESSANT. Un matelot titulaire du certificat d'initiation nautique assurait le quart.
    L'OCEAN JASPER, cargo de 81 m de long, à destination d'ISTAMBUL, est cap au 240 pour rejoindre le dispositif d'OUESSANT.

           Le rapport du BEA conclut que l'abordage est dû à un défaut de veille de veille sur l'OCEAN JASPER et à une mauvaise interprétation de la situation par le SOKALIQUE.

         En effet le second capitaine et le matelot de quart sur l'OCEAN JASPER ont déclaré n'avoir noté aucun écho radar ni vu de feux. Or, il semble établi que le SOKALIQUE avait ses feux de route, ses feux de pêche (bien que n'étant pas en pêche), un gyrophare orange (proscrit par COLREG) et un projecteur éclairant le portique.

       Sur le SOKALIQUE, le matelot de quart a mal interprété les feux de route de l'OCEAN JASPER, prenant le feu du mât avant pour le feu de poupe, trompé, alors qu'il était en fin de giration, par la variation apparente du gisement de l'autre navire.

       Si pour l'abordage proprement dit, on peut discuter sur les responsabilités respectives, l'attitude de l'équipage et surtout du Commandant de l'OCEAN JASPER est des plus condamnables. Comme l'ont relevé les enquêteurs du BEA, voilà un navire qui déclare n'avoir ressenti qu'un léger choc sur tribord avant, et qui met cap au SSE à 1,5 nds pour réparer un enfoncement sur l'arrière tribord du gaillard. Un signalement de l'évènement au CROSS et un arrêt sur zone auraient été vraiment un minimum.
Cette attitude "pas vu, pas pris" ne peut que nous révolter.
    Dans les recommandations du BEA MER on relève:
    • Améliorer la formation des marins amenés à exercer la responsabilité du quart sur les navires de pêche.
    • Obliger les navires de pêche en bois à porter un réflecteur radar aux normes. Le SOKALIQUE en avait un, mis en place par l'armateur de son propre chef, mais apparemment insuffisant, ce qui créait un faux sentiment de sécurité.
    • Arborer les feux de pêche exclusivement en action de pêche et ne pas actionner de gyrophare.
    • Respecter les procédures d'alerte.
    L'armateur du SOKALIQUE, à qui il faut rendre hommage pour son sens du devoir, a d'abord appelé un collègue sur VHF canal 8.

           On pourra noter que l'OCEAN JASPER, construit en Allemagne en 1978, est la propriété d'une société basée dans les îles Marshall, arbore le pavillon des KIRIBATI, a un armateur turc, une société de classification russe, un commandant azerbaidjanais, et avait réussi à passer le canal de KIEL les marques noyées; sans compter que, comme souvent, il n'avait pas le matériel SMDSM pour traverser le Golfe de Gascogne. Enfin, le quart était réglé par bordée 6 heures – 6 heures.

  • Le second rapport concerne l'échouement, suivi de la perte totale du ROKIA DELMAS, dans la nuit du 24 octobre 2006, devant LA ROCHELLE, au cours d'un fort coup de vent.


  •        Très détaillé, environ 50 pages sans compter les annexes, il montre que les accidents de mer sont, la plupart du temps, la conséquence d'une conjonction de pannes et de défaillances, qui, prises isolément, n'auraient amené qu'une note à l'armement, mais dont le cumul dans des circonstances défavorables aboutit à la perte d'un navire. Encore heureux qu'il n'y ait eu qu'un blessé.



           Il faut remonter plusieurs mois en arrière pour trouver les premiers signes avant-coureurs. En effet, en lisant ce rapport, on note qu'il y a eu changement de propriétaire en avril 2006, et qu'apparemment les historiques d'entretien d'apparaux de pont, et en particulier celui du guindeau, n'ont pas été transmis. On note aussi: plus d'imprimante d'alarmes, à la place, on tient un registre manuel, et alternateur attelé H.S.

           Bien que n'ayant pas eu d'influence sur l'échouement cela montre que les défenses du navire commencent à s'affaiblir. Les officiers sont nouveaux à bord, mais le commandant et le second capitaine ont eu un temps d'observation en doublure de 15 et 6 jours, avec en supplément, 2 jours au siège de la Compagnie pour le commandant.

           Le navire est sur le retour de la Côte d'Afrique. Lors de l'escale de VIGO, le déchargement de 1400 T de bois de plaquage se fait principalement sur bâbord.

           Un coup de vent est prévu dans le Golfe de Gascogne. Le second capitaine fait vérifier l'arrimage de la cargaison par l'équipage. La traversée VIGO – LA PALICE se fait par fort vent arrière, les conditions météo s'aggravent. Environ 1 heure avant l'arrivée sur rade, le capitaine reçoit l'information "port consigné, pilotage suspendu, allez au mouillage".

           A 01h45 les premiers signes de désarrimage de la cargaison sont perçus. Une ronde du second capitaine confirme le fait, mais le déplacement possible de la cargaison est limité. Cependant, l'accès direct au pont-abri devient impraticable. A 02h36, le capitaine commence à faire venir le navire sur la droite (du 064 au 098°), pour engainer le chenal. A partir de cet instant, le processus est engagé, et en 3 heures, le ROKIA DELMAS va passer de l'état de navire à celui d'épave.

           En effet successivement, le navire va se mettre à rouler fortement avec une inclinaison plus importante sur bâbord, le moteur principal va stopper, va être redémarré puis stoppé à nouveau définitivement. Le navire, travers au vent, accentue son roulis sur bâbord ( 45° - le capitaine constatera après l'échouement que la cargaison du pont 2 a ripé de tribord à bâbord), le second capitaine entre les 2 arrêts du moteur principal, obligé de passer par l'extérieur bâbord pour aller mouiller, glisse et se casse le bras. Les groupes électrogènes stoppent à leur tour, le 1er lieutenant réussit à mouiller 6 maillons d'abord, mais la chaîne se coince, et il est impossible de mouiller tribord. A la suite d'un début d'incendie dans son tableau, le moteur de secours est stoppé par l'électricien. Le navire se retrouve sans propulsion, sans lumière et avec un équipage traumatisé par la blessure du second ….On peut rêver mieux comme situation!

           Les remorqueurs d'assistance demandés arrivent après l'échouement et ne peuvent approcher du navire. Le blessé et l'équipage seront évacués par hélicoptère à partir du gaillard, l'évacuation par la passerelle étant trop risquée. Le commandant, 4 officiers et le bosco restent à bord.

    L'enquête du BEA explique l'accident par les causes suivantes:
       le gros temps, le fort roulis du navire entraînant un désarrimage de la cargaison conjugué avec un niveau trop bas du tank retour d'huile du moteur principal. Un appoint d'huile au tank retour n'a pas été suffisant. Les groupes électrogènes ont désamorcé pour la même raison, le niveau de tank retour d'huile étant seulement de quelques centimètres au dessus de l'alarme niveau bas.

       Quant aux apparaux de mouillage, à bâbord, le linguet guide-chaîne est déformé et à tribord, la tige filetée de commande de frein est déformée. Il a fallu 2 hommes avec une rallonge pour la manœuvrer lors des essais après échouement. Les enquêteurs du BEA s'étonneront que ces anomalies n'aient pas été détectées précédemment, et en particulier, lors de la visite annuelle du 14 septembre 2006.

       Comme autres causes, on note le retard de la notification au bord de la consignation du port. Pour le capitaine, une attente au large, à la cape, aurait été plus sûre, car prendre un mouillage par fort vent est une opération délicate, pas toujours couronnée de succès.
 
    Enfin, la blessure du second capitaine et le manque total de lumière n'a pas dû améliorer le moral de l'équipage.

           Dans la synthèse du rapport du BEA Mer, on remarque que les défaillances matérielles relevées sont certes liées au mauvais temps, mais elles résultent aussi de déficits dans la gestion technique du navire, la conduite et l'entretien des installations et dans l'application du système de gestion de la sécurité.

           In fine, les recommandations aux équipages, à l'armateur, aux sociétés de classification et aux autorités portuaires, est la phrase suivante: " le BEA Mer note qu'à la date de parution du présent rapport ( juin 2009), il a été en mesure de constater que l'armateur a pu procéder à un important retour d'expérience, visant notamment à fiabiliser les différents outils de prévention des accidents.

Ces 2 rapports sont consultables sur le site du BEA MER.

Cdt Christian LOUDES
septembre 2009
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