![]() Retour au menu Études du Bureau Enquêtes Accidents - BEA mer
Deux rapports du BEA Mer ont attiré notre attention :
Le SOKALIQUE faisait des aller-retour 090 – 270 de 3 milles environ, pour protéger des incursions des chalutiers les lignes de casiers mouillées par la flottille dont il faisait partie, à environ 50 milles dans le nord de OUESSANT. Un matelot titulaire du certificat d'initiation nautique assurait le quart. L'OCEAN JASPER, cargo de 81 m de long, à destination d'ISTAMBUL, est cap au 240 pour rejoindre le dispositif d'OUESSANT. Le rapport du BEA conclut que l'abordage est dû à un défaut de veille de veille sur l'OCEAN JASPER et à une mauvaise interprétation de la situation par le SOKALIQUE.
On pourra noter que l'OCEAN JASPER, construit en Allemagne en 1978, est la propriété d'une société basée dans les îles Marshall, arbore le pavillon des KIRIBATI, a un armateur turc, une société de classification russe, un commandant azerbaidjanais, et avait réussi à passer le canal de KIEL les marques noyées; sans compter que, comme souvent, il n'avait pas le matériel SMDSM pour traverser le Golfe de Gascogne. Enfin, le quart était réglé par bordée 6 heures – 6 heures. Très détaillé, environ 50 pages sans compter les annexes, il montre que les accidents de mer sont, la plupart du temps, la conséquence d'une conjonction de pannes et de défaillances, qui, prises isolément, n'auraient amené qu'une note à l'armement, mais dont le cumul dans des circonstances défavorables aboutit à la perte d'un navire. Encore heureux qu'il n'y ait eu qu'un blessé. ![]() Il faut remonter plusieurs mois en arrière pour trouver les premiers signes avant-coureurs. En effet, en lisant ce rapport, on note qu'il y a eu changement de propriétaire en avril 2006, et qu'apparemment les historiques d'entretien d'apparaux de pont, et en particulier celui du guindeau, n'ont pas été transmis. On note aussi: plus d'imprimante d'alarmes, à la place, on tient un registre manuel, et alternateur attelé H.S. Bien que n'ayant pas eu d'influence sur l'échouement cela montre que les défenses du navire commencent à s'affaiblir. Les officiers sont nouveaux à bord, mais le commandant et le second capitaine ont eu un temps d'observation en doublure de 15 et 6 jours, avec en supplément, 2 jours au siège de la Compagnie pour le commandant. Le navire est sur le retour de la Côte d'Afrique. Lors de l'escale de VIGO, le déchargement de 1400 T de bois de plaquage se fait principalement sur bâbord. Un coup de vent est prévu dans le Golfe de Gascogne. Le second capitaine fait vérifier l'arrimage de la cargaison par l'équipage. La traversée VIGO – LA PALICE se fait par fort vent arrière, les conditions météo s'aggravent. Environ 1 heure avant l'arrivée sur rade, le capitaine reçoit l'information "port consigné, pilotage suspendu, allez au mouillage". A 01h45 les premiers signes de désarrimage de la cargaison sont perçus. Une ronde du second capitaine confirme le fait, mais le déplacement possible de la cargaison est limité. Cependant, l'accès direct au pont-abri devient impraticable. A 02h36, le capitaine commence à faire venir le navire sur la droite (du 064 au 098°), pour engainer le chenal. A partir de cet instant, le processus est engagé, et en 3 heures, le ROKIA DELMAS va passer de l'état de navire à celui d'épave. En effet successivement, le navire va se mettre à rouler fortement avec une inclinaison plus importante sur bâbord, le moteur principal va stopper, va être redémarré puis stoppé à nouveau définitivement. Le navire, travers au vent, accentue son roulis sur bâbord ( 45° - le capitaine constatera après l'échouement que la cargaison du pont 2 a ripé de tribord à bâbord), le second capitaine entre les 2 arrêts du moteur principal, obligé de passer par l'extérieur bâbord pour aller mouiller, glisse et se casse le bras. Les groupes électrogènes stoppent à leur tour, le 1er lieutenant réussit à mouiller 6 maillons d'abord, mais la chaîne se coince, et il est impossible de mouiller tribord. A la suite d'un début d'incendie dans son tableau, le moteur de secours est stoppé par l'électricien. Le navire se retrouve sans propulsion, sans lumière et avec un équipage traumatisé par la blessure du second ….On peut rêver mieux comme situation! Les remorqueurs d'assistance demandés arrivent après l'échouement et ne peuvent approcher du navire. Le blessé et l'équipage seront évacués par hélicoptère à partir du gaillard, l'évacuation par la passerelle étant trop risquée. Le commandant, 4 officiers et le bosco restent à bord. L'enquête du BEA explique l'accident par les causes suivantes:
Dans la synthèse du rapport du BEA Mer, on remarque que les défaillances matérielles relevées sont certes liées au mauvais temps, mais elles résultent aussi de déficits dans la gestion technique du navire, la conduite et l'entretien des installations et dans l'application du système de gestion de la sécurité. In fine, les recommandations aux équipages, à l'armateur, aux sociétés de classification et aux autorités portuaires, est la phrase suivante: " le BEA Mer note qu'à la date de parution du présent rapport ( juin 2009), il a été en mesure de constater que l'armateur a pu procéder à un important retour d'expérience, visant notamment à fiabiliser les différents outils de prévention des accidents. Ces 2 rapports sont consultables sur le site du BEA MER.
Cdt Christian LOUDES
septembre 2009 |