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TANIO,THISSEAS, des situations parallèles :
Pollution, décès du capitaine, Justice, la veuve est impliquée


Le TANIO

Le navire s'est cassé en deux dans la tempête force 11 au large de ROSCOFF - ILE de BATZ le 7 mars 1980. Vieux pétrolier âgé de 22 ans, 196 m de long, pavillon malgache, équipage franco-malgache. Il était cloisonné de 30 citernes et transportait de WILHEMSHAVEN à CIVITA VECCHIA 26 100 T de FO N°2 et 900T de F.O. pour la propulsion.

L'enquête ne concluait qu'en donnat les causes principales de l'accident :
  • Tempête
  • Affaiblissement de la coque par vieillissement, travaux de réparation insuffisants
  • Mauvaise répartition de la cargaison - dépassement du moment fléchissant (on a mis en cause la formation du commandant (C.M.M.). Il n'y avait pas encore de loading master (mais…. cela a fait progresser leur installation obligatoire.)
La partie avant contenant 10 000T a coulé par 87 m emportant 8 hommes dont notre collègue le commandant MORVAN. Son corps a été retrouvé et a été enterré à Camaret.
 
La pollution était importante, et il y avait déjà eu le TORREY CANYON et l'AMOCO CADIZ…
La partie arrière qui contenait 12 000T a dérivé avec ses 31 hommes d'équipage restant. Ils ont été hélitreuillés en une fournée par vent 90 km/h !
L'ABEILLE LANGUEDOC arrivée sur zone, 2 hommes du remorqueur ont réussi à monter à bord, relayés par une équipe de 12 hommes hélitreuillée. Le Cdt. BULOT a réussi la prouesse de crocher l'épave et à la ramener le 11 mars au Havre (LOP). 8 500 T ont été récupérées.
La partie avant laissait échapper 7 T/J d'hydrocarbure et il a été décidé de colmater les brèches avec de l'epoxy (Sté. INTERSUB) puis une des solutions proposées a été choisie (Comex) pour vider l'épave, pétrolier récupérateur PORT JOINVILLE, une colonne oscillante de 120 m est construite pour les canalisations, un remorqueur et un navire à positionnement dynamique base des plongeurs. L'opération a pris du retard et 6 500T ont été récupérées … fin le 18 août 1981, soit plus de 17 mois après le naufrage.
La facture est passée de 47 à plus de 250 MF. 200 km de côtes ont été pollués. De GUISSENY à SAINT BRIEUC, la marine nationale a déversé du dispersant et 2 500 personnes (militaires et bénévoles) ont participé au nettoyage. Total des frais réclamés : 525MF.
Le pavillon malgache n'est signataire d'aucune convention d'indemnisation mais le navire est couvert par les plans TOVALOP et CRISTAL IOPC a trouvé que 350 MF était le juste prix et a remboursé 245 MF (limite prévue).
L'Etat français et le fonds international de compensation a engagé des actions civiles contre les responsables de la catastrophe sans mettre en cause le commandant Jean MORVAN. (Une demande d'indemnisation ne peut être introduite contre les préposés ou mandataires du propriétaire (Convention internationale sur la responsabilité civile pour dommage dus à la pollution.)

La plainte par les parties civiles victimes de la pollution émane du Conseil général des Côtes-du-Nord, de 28 communes de ce département et de l'association des victimes (hôteliers et commerçants…). Ils ont mandaté Maître HUGLO et Corinne LE PAGE qui ont assigné 16 responsables présumés en procédure de demande de réparation (Locafrance int, Petromad, Socatra, SFTP, Elf, BV, Worms, P&I, chantiers de réparation etc...) dont une, privée, Madame MORVAN et ses 2 enfants.

….Madame MORVAN complètement traumatisée est défendue par un avocat proposé par les armateurs et notre collègue le commandant Paul MELENEC, son voisin, se charge d'aider à traiter le dossier. Notre association AFCAN par ses présidents BROCHEC puis CARON (puis l'ACOMM) ne pouvait rester inactive et notre conseil Maître HILLION- BARBANCON (qui faisait une étude sur le statut du capitaine) nous a conseillé de joindre Maître HUGLO. Nous sommes intervenus auprès des maires des communes pour qu'ils retirent leur plainte concernant Madame Morvan et ses héritiers, auprès du président du Conseil de la mer et bien sûr auprès de la presse qui n'hésitait pas, déjà, à considérer les capitaines comme des pollueurs (juin 1983).

Me Corinne LE PAGE a voulu nous expliquer que l'assignation de Madame MORVAN et ses enfants était indispensable, ce que personne ne comprenait pas plus que tous les maires contactés. Un procès au civil a eu lieu en 1990 à Brest (donc 10 ans après l'évènement). Madame MORVAN et ses enfants (qui avaient à l'époque 30 et 34 ans) se sont rendus à l'audience. Il y avait un tel monde, un tel bruit que le déroulement de l'audience était inaudible. Finalement le juge leur a demandé qui ils étaient et leur a déclaré qu'ils pouvaient quitter le tribunal car non concernés !

Le THISSEAS,

Vraquier de 75 000 tonnes, construit en 2005 et immatriculé au Libéria, avait été dérouté vers Brest par les autorités françaises le 24 février 2016. Une décision qui avait fait suite à la détection à environ 185 milles au sud-ouest de la pointe de Penmarch, par un avion de surveillance maritime Falcon 50 de la Marine nationale, d'une pollution de 40 kilomètres de long pour une cinquantaine de mètres de large.

 

Onze mois après les faits, le 17 janvier 2017 le tribunal correctionnel de Brest a condamné l'armateur grec LASKARDIS du vraquier THISSEAS à une amende d'un million d'euros pour pollution maritime volontaire. Ce jugement fait suite à l'audience qui s'était tenue le 3 novembre 2016. La peine infligée à l'armateur est conforme aux réquisitions du parquet et ce, malgré les 3 arguments de la défense (irrecevabilité selon MONTEGO BAY - la société assignée n'est que la société de management et non l'armateur - décès du capitaine).

« On notera que l'officier, qui n'était pas présent, serait selon certaines sources décédé !!!». L'avocat des parties civiles a même persifflé « que le capitaine avait organisé sa disparition !! » au milieu du golfe de Gascogne ????

Le LIBERIA avait à 2 reprises (6 avril et 9 septembre) demandé la suspension des poursuites contre le capitaine disparu. La veuve du capitaine avait fait établir une requête auprès d'un tribunal ukrainien pour juger qu'il était décédé.

En revanche lors du procès, le capitaine reconnu comme personne physique représentant l'armateur personne morale, a été condamné à 30.000 euros d'amende, au lieu des 200.000 requis.

L'armateur a fait escaler le navire à LAS PALMAS pour embarquer un nouveau commandant, subir l'enquête des autorités espagnoles et vérifier par des plongeurs la coque du navire, l'arbre porte-hélice et les diverses sorties de tuyautage car l'armateur persistait à croire qu'il n'y avait pas eu pollution volontaire et que si pollution il y avait, c'était dû à une cause externe.
Le commandant Yuriy MEDVEDYEV Ukrainien né le 3 juin 1954, habitant ODESSA, marié, avec 4 enfants. On lui avait bien expliqué les risques d'amende… généralement 10% de l'amende infligée à l'armateur.

Nous avons lu ou entendu quelque part que l'équipage avait déclaré aux autorités espagnoles avoir découvert du sang sur une échelle extérieure et que vraisemblablement en allant fumer après dîner, le capitaine était tombé à la mer. Des demandes d'informations supplémentaires auprès de l'armateur, puis auprès de la famille par IFSMA, CESMA et l'association ukrainienne des capitaines à ODESSA, ainsi qu'auprès d'ITF ukrainienne sont restées sans réponse. La défense n'a pu produire de certificat de décès !

L'obtention d'un certificat de décès en l'absence du corps du marin peut durer 3 ans.

On remarquera que lors de 'enquête pour pollution à Brest, la gendarmerie maritime, comme d'habitude en France, s'est satisfaite de l'interrogatoire du capitaine, du lieutenant de quart passerelle, du chef mécanicien Boris KOSTROBA (Russe) mais pas du second mécanicien ni des autres membres de l'équipe machine qui vraisemblablement devraient savoir quelque chose. Car on ne déverse pas 60 tonnes (d'après les autorités) ni même 600 litres d'hydrocarbure sans raison et sans savoir d'où cela peut provenir et alors que les sludges avaient été régulièrement vidées à St. Petersburg 8 jours plus tôt.

Le tribunal et les parties civiles se sont arrêtés à une surface polluée de 1 750 000 m2 ce qui est plus parlant que 1.75 km2. L'expert douanier a parlé de rejet épais et très forte densité… Donc, si ce n'était que du code 1, reflet, on aurait de 70 à 525 litres, avec du code 2, arc en ciel, on aurait de 0.5 à 8.75 T, et code 3, couleur métallique, on aurait un rejet de 8.75 à 87.5 T. Ce qui laisse une certaine marge de discussion !

Les parties civiles défendues par Maître GUIEC (LPO, Surfrider, France nature environnement, TOS (Truite, Ombre et Saumon), Bretagne vivante, SEPANSO (sud-ouest)….) VIGIPOL et Robin des bois ont obtenu de 1 000 à 5 000 € de dommages intérêts.

L'armateur a fait appel de ce jugement.

Les deux affaires ont des points communs :

TANIO, accident, pollution, capitaine décédé, procès au pénal puis au civil. La veuve du capitaine et ses héritiers seront traumatisés et tracassés par la justice pendant 10 ans et plus.

THISSEAS, pollution, capitaine disparu en mer, il n'y a pas d'acte de décès. Procès au pénal. Amendes pour l'armateur et le capitaine. L'amende sera-t-elle réclamée à la veuve et aux orphelins ?

Cdt Jacques LOISEAU
Février 2017
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