Retour au menu
Retour au menu
Navigation fluviale
avec un pétrolier transporteur de produits raffinés

 
Suite à l'appel du Président demandant une participation active des membres de l'association à la réalisation de la revue, nous avons reçu du Cdt Bertrand Derennes un récit de voyage que nous publions ci-dessous. Vous aussi, n'hésitez pas à faire profiter nos lecteurs de vos expériences en envoyant au webmaster vos textes qui seront les bienvenus.


       A l'opposé des monotones et parfois longues transatlantiques ou transpacifiques au cours desquelles on a coutume de dire qu'on «pousse de l'eau», les remontées de rivières ou fleuves sont synonymes de paysages changeants et souvent magnifiques si on les compare à une entrée dans le port de Rotterdam, Houston (voir plus loin) et bien d'autres, de navigation au ras des cailloux ou des berges, de longues heures passées à la passerelle en faisant virer au rouge le logiciel de contrôle des heures de repos et de ... frissons.

       Vous trouverez ci-dessous un récit de quelques navigations fluviales agrémenté de photos et anecdotes.

       Quand je commandais des petits navires, j'ai fréquenté plusieurs fois le port de Stanlow en Angleterre, accessible via le canal qui longe la rivière allant de Liverpool à Manchester. Un jour, alors que nous ralentissions pour se présenter dans le sas d'Ellesmere, un pilote me dit :
« Ne trainons pas trop, il fait beau, on est dimanche les joueurs de golf sont dehors »
« Pardon ? »
« Ils se mettent sur la berge et visent les navires qui passent (à une centaine de mètres) ! Il arrive que les balles atteignent le pont. »

       Sur la même rivière, en sortie nous étions cap au 005°. Le pilote demande 355°. Le brave Philippin a commencé son tour sur tribord jusqu'à ce qu'il soit écrasé, pris en sandwich entre un commandant et un pilote qui se sont jetés ensemble sur la barre.

       Plus exotique, j'ai récemment complété mon expérience fluviale avec 4 remontées de fleuves américains.

       En commençant par le nord : Le Saint-Laurent jusqu'à Québec City pour débarquer une cargaison de gasoil chargée en Lituanie. Navigation calme, sans surprise. On longe les stations de ski dont la neige tassée par les multiples passages de spatules et « planches à neige » résiste encore à la fonte.

  

       Un déchargement à cadence « raisonnable » a permis à plusieurs d'aller visiter la ville de Québec. Dommage que deux inspections (affréteurs et PSC) soient venues troubler l'emploi du temps des Commandant et Chef Mécanicien. Privilège du grade !!
Une douzaine d'heures de descente du St-Laurent pour arriver aux Escoumins, dernière station de pilotage, débarquer nos 2 pilotes contents d'avoir pu «jaser» en français puis en route sur ballast pour Rotterdam à ordres. Traversée de l'Atlantique que nous envisagions sans plaisir tant ces pétroliers double-coque sont inconfortables quand ils sont lèges. Les lamentations se sont vite tues. Le service affrètement nous a trouvé une cargaison d'essence à prendre à Montréal pour Port Canaveral en Floride. Un peu de mouillage pour préparer les citernes et demi-tour ! C'est reparti pour une remontée du St-Laurent. 24 hrs plus tard nous sommes à Montréal, au grand bonheur de nombreux marins du bord. Beaucoup de temps passé dans ce grand fleuve, mais pas vu de cétacés. Il faudra revenir à une autre époque.

  Pas de remontée de rivière à Port Canaveral mais un lancement d'une fusée qui laisse sa signature dans le ciel. Presque la même que Zorro !

Je passe sur la remontée vers Houston. Raffinerie à Td, bidons de pétrole à Bd, puis à Td puis raffinerie à Td et encore des bidons ....
Ca sent le pétrole, ça vit du pétrole.
On ne s'attarde pas.

       La remontée du Mississipi vers Bâton-Rouge (24 h si tout va bien) n'est guère plus attrayante. Seule la traversée de la Nouvelle-Orléans nous sort de la torpeur. Quelques bovidés assoiffés ne prêteront aucun intérêt à notre passage.

  

J'aurais pu prendre des photos des quais en bois mais on m'aurait accusé de ressortir des clichés des années 1930.
« Doucement à virer sur les aussières, doucement... ».
J'apprends que si mon canot avait été une péniche, j'aurais pu aller jusqu'à Chicago en traversant les USA du sud au nord.

         On continue plus au sud.
Retour dans la verdure avec Manaus qui s'annonce.
A nous l'Amazonie !
On nous annonce trois jours de remontée jusqu'à Manaus, jusqu'à 5 nds de courant sur le nez. 11.20 m de tirant d'eau, ça va le faire ?
Le point le plus chaud est en mer. C'est la Barra Norte à environ 50' de l'embouchure. Un mètre sous la quille, passage à pleine vitesse pour être sûr de passer le banc avant le jusant. Puis les grands fonds. On aura jusqu'à 80 m d'eau sous la quille en approchant de Manaus !
Le fleuve est si haut (5 m de plus que la normale) qu'un pilote me certifie que je pourrais aller jusqu'à Iquitos mais ... que je m'échouerais plusieurs fois en route.
On va donc s'arrêter sagement à Manaus.

 
Défilé de verdure, arbres, maisons sur pilotis.

 
La nuit, ces petits transporteurs de passagers ne naviguent qu'avec le projecteur. Pas de radar. Un coup de spot sur la berge et ça le fait.
S'ils sont un peu distraits, ils ne voient nos feux de navigation qu'au dernier moment et nous balancent un coup de projecteur dans les mirettes pour ... voir ce que c'est que ce gros truc qui chemine. Sympa.


L'ecdis ne nous est guère utile, il nous promène parfois en forêt.
         Plusieurs pilotes se sont succédé.
Des jeunes, des moins jeunes, des beaucoup moins jeunes.
Ce sont ces derniers qui étaient les mieux équipés .... en matériel électronique.
Les jeunes naviguent au feeling, les anciens déballent un Apple store à la passerelle.
I pad, I pod, E Book...
Et ça cause à la VHF!

Encore un peu plus Sud et c'est la River Plata en Argentine. On y est venu avec une cargaison de gasoil chargée en Russie Mer Noire. Trois semaines de mer, 36 heures de remontée de la Parana River jusqu'à un mouillage au nom peu exotique : km171 Parana Guazu River.
Le gasoil va continuer vers le Paraguay. Entre la navigation à petite vitesse et les mouillages en attendant que les «descendants» passent, il faudra entre 10 et 15 jours pour atteindre la destination finale. Heureusement qu'il n'y a pas de date de péremption sur ce produit.
Ce fleuve ressemble à l'Amazone (en beaucoup moins profond), la température en moins. Les berges sont plus peuplées. Le spectacle est varié :


Déchargement sur barge
 
Un bateau potager


Un bateau aquarium
 
Un autre qui se cache dans la verdure


La maison du Petit Cochon ?
 
Celle-ci est quand même mieux


Neuilly sur Parana River ?



Cdt Bertrand Derennes
Retour au menu
Retour au menu