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Colloque MARISK Nantes, 26-27 janvier 2012



       Près d'une centaine d'intervenants et un nombre important de participants, dont des étudiants de l'ENSM, ont participé à la 4ème édition de MARISK (Maritime Risk) sur le thème «sûreté et sécurité» : un mariage de raison.


Bilan européen des audits de sûreté des installations portuaires

       Le chef d'unité adjoint à la DG «Mobilité et Transport» de la Commission européenne, Christian Dupont, a présenté un tableau qu'il estime satisfaisant du bilan des inspections européennes de sûreté maritime. Il a rappelé l'importance de la directive 2005/65/CE du Parlement et du Conseil européens relative à l'amélioration de la sûreté des ports qui complète les mesures adoptées avec le règlement CE/725 2004 relatif à l'amélioration de la sûreté des navires et des installations portuaires. Le champ d'application du règlement, qui a fait entrer le code ISPS dans la législation communautaire, est limité aux mesures de sûreté à bord des navires et à l'interface immédiate entre le port et le navire. La directive a étendu le dispositif à l'ensemble de l'enceinte portuaire, où elle est applicable depuis 2007. Le règlement et la directive forment ainsi un cadre réglementaire pour la protection du lien maritime de la chaîne logistique du transport contre les risques et les menaces d'attentat. Ce cadre communautaire garantit ainsi un niveau de sûreté élevé et identique dans tous les ports européens. Pour C. Dupont, le règlement est en général bien appliqué, cependant «on peut mieux faire», mais la directive souffre de retards dans sa transposition.

Le terrorisme maritime islamiste

       La récente thèse de doctorat de Hugues Eudeline sur le «terrorisme maritime et les flux énergétiques internationaux», fait ressortir l'importance d'un terrorisme maritime, certes moins apparent que les attentats terrestres beaucoup plus spectaculaires et fréquents. Ce terrorisme, le plus souvent confondu avec la piraterie, s'en différencie clairement par les objectifs poursuivis. Il s'inscrit dans le cadre d'une lutte politique alors que la piraterie relève du banditisme. Obéissant à une stratégie visant à perturber les flux d'échanges internationaux, il crée un état d'incertitude latent en vue de déstabiliser les populations de façon à atteindre des objectifs politiques.

       C'est depuis les évènements du 11 septembre 2001, après l'attaque dans les sous-sols du World Trade Center en 1993 par Ramzi Youssef (6 morts et un millier de blessés), que le mouvement al-Quaïda va présenter comme la menace la plus importante pour le commerce international en raison de sa stratégie mondiale. Pour Oussama Ben Laden, le pétrole de «richesse islamique» va devenir la cible principale.

       C'est ainsi que le 6 octobre 2002 une embarcation chargée d'explosifs heurte par tribord le navire pétrolier Limburg, navire récent à double coque, se déplaçant à faible vitesse à proximité du terminal Mina-al-Dabah (Yémen). L'explosion a eu lieu à l'endroit d'une cuve chargée, provoquant un violent incendie. Le navire doit être abandonné, la perte est évaluée à 60 millions de dollars. L'attentat est revendiqué par al-Quaïda.

       L'exemple de la piraterie somalienne, qui a développé une capacité à agir très loin des côtes en se dotant de navires-mères et des tactiques efficaces d'approches des grands navires en route libre, à l'exemple de la prise du superpétrolier saoudien Sirius Star en 2008, peut aussi être utilisé à des fins politiques.

       Les ports sont des sites côtiers sensibles susceptibles d'être l'objet d'une menace terroriste qui utiliserait la mer en surface, au moyen d'embarcations suicides, ou sous la surface, avec des plongeurs. En France, le projet Secmar vise à réaliser un prototype d'une détection d'intrusion sur les terminaux de Fos sur mer.

Citadelle sur navire de commerce

       L'idée de construire des « citadelles » au cœur des navires de commerce, recommandée par l'OMI, est une des solutions pour se prémunir contre la piraterie maritime.

       Dans la piraterie moderne, la monnaie d'échange n'est plus la marchandise, mais l'otage. La citadelle permet à l'équipage de se réfugier dans un endroit sûr et de gagner du temps en attendant les secours. Il est même possible de garder le contrôle du navire en y transférant des instruments de navigation.

       Les industriels spécialistes du blindage et des systèmes de protection ont envisagé plusieurs emplacements de la citadelle : la passerelle, qui présente l'inconvénient d'un trop grand espace vulnérable – la salle des machines, trop évident. Leur choix s'est porté sur un endroit banalisé et discret à l'intérieur du navire, équipé d'une porte résistant aux effractions et aux balles, d'une issue de secours, d'un système de filtration de l'air pour que l'équipage ne se fasse enfumer et de systèmes de communication et éventuellement de toilettes, d'eau et de nourriture. On peut même ajouter l'installation d'une citadelle factice sur laquelle les pirates vont se focaliser.

       Les citadelles ne font cependant pas l'unanimité. Les pirates savent s'adapter, et devant des portes blindées, monter à bord avec des explosifs pour les faire sauter.

Sûreté et sécurité d'un site terminal méthanier

       Le directeur technique du terminal méthanier de Montoir (Grand port maritime de Nantes Saint Nazaire), géré par ELENGY, filiale à 100% de GDF Suez, a présenté le management de la sûreté et de la sécurité du dit terminal. Le GNL est un gaz naturel liquéfié à -160°, son coefficient d'expansion est évalué à 600 (1 m3 GNL = 600 m3 de gaz). La capacité de réception du terminal de Montoir s'établit à 270 000 m3, et sa capacité annuelle à 10 milliards de m3, soit 10% de la consommation nationale annuelle.

       Les fonctions essentielles d'un terminal méthanier sont la réception et le déchargement des navires, le stockage du GNL, la transformation du GNL en gaz naturel, et l'émission de ce gaz naturel sur le réseau de transport national.

       L'industrie du GNL est très sûre, son caractère propre et les mesures de sécurité prises rendent les accidents particulièrement rares. Le site relève de la classification Seveso II, classement visant à la protection de l'environnement, et est soumis aux dispositions de l'arrêté du 10 mai 2000 relatif à la prévention des accidents majeurs, qui impose la mise en œuvre d'un système de gestion de la sécurité (SGS). Le management de la sécurité au terminal de Montoir fait l'objet d'actions permanentes sur le site, des exercices de sécurité sont régulièrement réalisés.

       La mise en application du Code ISPS en 2004 a imposé aux terminaux portuaires des mesures pour renforcer la sûreté. Le code ISPS a en outre introduit en 2007 la notion de ZAR (zone d'accès restreint) créée dans toute installation portuaire dédiée entre autres à l'accueil de navires gaziers. Le terminal de Montoir a appliqué les dispositions de l'arrêté préfectoral relatif aux ZAR en mettant en place les mesures exigées : clôtures périmétriques, contrôle aux accès, port d'un titre de circulation (badge), habilitation des personnels, vidéo-surveillances, contrôles de sûreté, gardiennage H/24, protection périphérique. Le terminal méthanier de Montoir est le parfait exemple d'une intégration sûreté/sécurité.

La sécurité face au gigantisme

       L'accroissement de la taille des navires, phénomène constant de l'histoire contemporaine des transports par voie de mer, a particulièrement touché deux secteurs que sont les paquebots de croisière et les porte-conteneurs. A l'heure actuelle, il n'existe pas de limites techniques à l'accroissement de la taille des navires, le savoir faire des ingénieurs se révélant économiquement incontournable à moyen terme. Le modèle économique actuel repose en effet sur deux éléments, le coût de l'énergie, qui se renchérira sur le long terme, et le différentiel de salaires entre zones de production et zones de consommation en réduction sur le long terme.

       Ce phénomène a conduit Madame Françoise Odier, juriste maritime bien connue, à se livrer à quelques réflexions sur les aspects positifs de ces nouvelles données et aussi sur leurs freins et leurs limites, et à dégager des solutions possibles pour l'avenir.

       Les aspects positifs se manifestent sur le plan économique et commercial par l'efficacité des économies d'échelle qui ont conduit à réduire le coût du transport maritime. Sur le plan environnement, la réduction du nombre de navires est un facteur de diminution de la pollution, et les améliorations apportées à la construction de ces navires géants modernes contribuent à la préservation de l'environnement (réductions de consommation, contrôle des émissions de gaz…). Enfin les énormes capitaux que représentent les très grands navires poussent les armateurs à s'assurer de la qualité de leurs grosses unités. On peut ajouter aussi que de plus gros navires signifie aussi moins de navires et donc moins de risques d'accidents.

       Les premières limites au gigantisme sont d'abord d'ordre logistique. Les limites portuaires sont en effet nombreuses : contraintes de tirant d'air et de tirant d'eau, espaces d'évitage, adaptation des pré et post acheminements, capacités de manutention, de parcs de stockage… Plusieurs ports se sont adaptés à ces exigences, tels en Europe, Rotterdam, ou de nombreux ports en Extrême-Orient, mais la limitation portuaire est une vraie limite qui ne sera surmontée que par des investissements très importants. En second lieu, il semble très difficile de faire face à un naufrage de paquebot de 9 000 passagers ou d'un porte-conteneurs de 15 000 EVP, un seul État n'étant certainement pas en mesure de maîtriser un tel évènement. Enfin la taille des très grands navires renchérit leur prix, augmente le capital assuré, et entraîne pour les assureurs des engagements toujours plus importants et de nouvelles protections en réassurances, d'importants besoins de capitalisation et pose la question de leur propre solvabilité.

       En contrepartie, Madame Odier a énoncé plusieurs mesures sur le plan de la sécurité maritime à prendre par les armateurs. En premier lieu envisager une évaluation globale du risque prenant en compte l'ensemble des évènements qui peuvent se produire. En second lieu, prévoir la formation des hommes, le rôle de l'équipage étant primordial, et une formation psychologique, à l'exemple de l'aviation. Enfin réaliser des exercices systématiques de simulation de crise. Sur le plan de la prévention avant accident, plusieurs pistes ont été suggérées : rendre le pilotage hauturier obligatoire dans certaines zones, étudier l'adaptation de la vitesse dans certains passages ou détroits, affiner la régulation du trafic, rendre obligatoire la présence de 2 veilleurs à la passerelle, généraliser les grues et portiques équipées de systèmes de pesée, généraliser les équipements de gréements de remorquage d'urgence…

       En conclusion, le principe de précaution ne doit pas tarir le désir d'entreprendre, mais doit justifier une prudence accrue.

       Le délégué du Secrétariat général de la mer, Michel Babkine, a décliné les procédures internationales d'assistance et de sauvetage applicables aux navires et particulièrement aux navires à passagers, en insistant sur l'importance du facteur humain.

       Le président de l'Institut maritime de prévention, Georges Touret a cité le commandant Charles Claden, commandant de l'abeille Bourbon pour qui la culture du risque zéro ne peut se concevoir qu'avec une culture de la sécurité et du sauvetage, ajoutant « qu'il faut toujours penser l'impensable », en référence au Prestige dont le système de remorquage par l'arrière était inexistant. Pour G. Touret la gestion des effectifs des navires à passagers est défaillante, et devrait l'être à deux niveaux, mille personnes ne possédant pas la même langue. Et pourquoi pas une agence de notation ?

La catastrophe de Deep Water Horizon

       Pour Xavier Michel, chercheur à l'université de Nantes, la prise en charge du risque se doit d'être globale même s'il est constant que le risque zéro n'existe pas. La culture sécuritaire doit être basée sur la notion de « risque acceptable », concept opposé au principe de précaution et qualifié d'indiscipliné par nature, tant au niveau de l'individu que celui de la société.

       Le professeur Ndende, de l'université de Nantes, a tiré les premières conclusions de la catastrophe de Deep Water Horizon afin que les enseignements retenus puissent être mis à profit, dans l'intérêt de la gestion des affaires maritimes internationales

       Deep Water Horizon était une plate-forme louée par BP pour forer dans les eaux territoriales du Golfe du Mexique. Par son ampleur et sa durée, l'explosion de la plate-forme le 20 avril 2010 a engendré une marée noire de grande envergure pendant 87 jours.

       Les États-Unis ont adopté «l'Oil Pollution Act (OPA)» pour indemniser les victimes de marées noires. Cet Act, dont la garantie financière est complétée par un fonds «L'Oil Spill Liability Trust Fund (OSLTF)» inclut une limite maximale de 75 M$ en responsabilité civile pour les dommages que BP pourrait être forcée de payer outre le nettoyage du pétrole, qui reste sous sa responsabilité. Le montant de 75 M$ est à comparer avec les 350 milliards $ de bénéfice de BP. Cet accident a démontré les limites des plafonds d'indemnisation définis par l'OPA. La limitation de responsabilité ainsi définie peut conduire à une indemnisation insuffisante des victimes ainsi qu'à l'absence de dissuasion du pollueur.

       Le rapport de la commission d'enquête sur l'accident a conclu que l'explosion du puits aurait pu être évitée et que les manquements constatés remettent en cause la culture du risque de l'ensemble de l'industrie.

Impact du transport maritime sur l'environnement

       Jean-Claude Amiart, de l'université de Nantes, a passé en revue les différentes pollutions de l'environnement dues aux navires : fumées et gaz émis par les navires, eaux de refroidissement, eaux usées, ordures, corrosion des coques, eaux de ballast (espèces invasives)…

       La pollution environnementale peut cependant être réduite par les mesures suivantes :
  • La réduction des émissions nocives des navires a fait l'objet d'amendements à l'annexe VI de la convention Marpol visant à réduire le taux de soufre dans les carburants de 4,5% à 3,5% en 2012 et 0,5% en 2020. Plus sévère, la directive sur la transposition de Marpol VI en droit communautaire, dite directive soufre, impose la diminution du taux de soufre des combustibles par les navires de 1% aujourd'hui à 0,1% en 2015 dans les zones Baltique, Manche, mer du Nord.
  • Utilisation d'anodes en zinc, interdiction de peintures à base de TBT, renouvellement des eaux de ballast, séparateurs à eaux mazouteuses (teneur en hydrocarbures inférieure à 15 ppm)…

Sûreté et sécurité des navires à passagers

       Mme Awa Sam Lefebvre, docteur en droit et chercheur à l'ENSM, a soutenu en novembre 2011 une thèse sur la sécurité du passager dans le transport maritime, dont elle a résumé les principaux thèmes.

       La notion de risques gouverne la navigation maritime. Le transport maritime de passagers présente d'importants risques qui sont, à la fois inhérents à son milieu, aux engins utilisés mais encore au personnel de bord. Ces risques sont prévisibles, mais imprévisibles lorsqu'il s'agit de terrorisme. La gestion de ces risques est nécessaire à la prévention pour éviter des catastrophes maritimes telles celles de l'Estonia, du Joola, ou du ferry égyptien Salam Al Boccaccio. Il faut donc protéger le passager en assurant la sûreté et la sécurité de la navigation maritime.

       La réglementation du transport des passagers a fait l'objet d'une attention toute particulière de l'OMI et de l'OIT. La convention Solas a été créée après le naufrage du Titanic, le code ISM (sécurité) après la catastrophe de l'Herald Free Enterprise et le code ISPS (sûreté) après le 11 septembre 2001.

       La formation en gestion de crise est rendue obligatoire par la règle V-3 de la convention STCW 95 pour les navires à passagers. Dans la situation du Costa Concordia, les premiers éléments de l'enquête font ressortir une gestion chaotique des opérations d'évacuation et d'abandon du navire. La panique des passagers a été accentuée par celle de l'équipage qui n'a pas mis en place les procédures requises par la réglementation et par la désertion du capitaine. Cette tragique situation s'est déjà produite à bord de l'Explorer le 23 novembre 2007, victime d'une voie d'eau à la suite d'un heurt avec un iceberg. Ce navire, construit en Finlande en 1969, a fait naufrage avec à son bord 118 passagers et 53 membres d'équipage, qui tous ont été sauvés. Le rapport d'enquête a révélé que l'évacuation s'est déroulée dans le plus grand désordre et que le matériel de sauvetage du bord n'était pas adapté.

       La convention STCW décrit les compétences que doivent avoir les équipages des navires à passagers. A bord de ces navires, où les effectifs sont très importants, il est capital que la formation et la qualification des équipages soient réelles et conformes aux besoins des passagers en termes d'encadrement.

       Toutefois la réglementation, dispersée dans des conventions d'application géographique plus ou moins étendue selon leur ratification par les États, rend la question de sûreté et de sécurité encore plus délicate. Pour Madame Sam Lefebvre, revisiter toute la problématique de la sécurité des passagers revêt une importance capitale. Il s'agira alors de revoir la gestion du risque maritime ainsi que les défaillances de la réglementation en redéfinissant les responsabilités, qu'il s'agisse de celle du transporteur, du constructeur du navire, des sociétés de classification mais encore de l'État du pavillon.

Le navire du futur entraîne-t-il une déresponsabilisation du bord ?

       Le navire du futur présente des avantages ; respectueux de l'environnement, plus sûr et plus économe, il a vocation à aider considérablement l'équipage dans sa gestion quotidienne, mais servira-t-il juste d'appui pour le bord ou est-il de nature à entraîner sa déresponsabilisation ?

       Le capitaine a un régime particulier, décrit ainsi par le professeur Patrick Chaumette : «de répondant de l'exploitation du navire, de la navigation, des évènements de mer, de l'équipage et des passagers, des marchandises, des rapports avec la terre, il est représenté comme maître du navire, agent de l'armateur et auxiliaire de la puissance publique. Ses responsabilités découlent de ses attributions, c'est-à-dire de ses fonctions nautiques et de ses attributions commerciales».

       Si son isolement s'est réduit, ses tâches se sont compliquées, particulièrement du fait du telex, de la télécopie et de l'ordinateur, facteurs d'immixtion de la terre dans la vie du bord, modifiant les relations du capitaine avec la compagnie. Sa liberté de choix est limitée par le haut et réduite par le bas.

       Si les aides électroniques à la navigation et les automatismes à bord ont considérablement amélioré la navigation, le laxisme de certains pavillons fait que les autorités de terre suivent de plus en plus le capitaine, au moyen de systèmes de contrôle, le LRIT ou l'AIS. On assiste à une réduction des marges de manœuvre du capitaine, sans toutefois changement de son régime juridique. L'approche du navire du futur, le renforcement des robots conduisent à une réflexion sur un nouveau partage des responsabilités.

       La responsabilité du capitaine dans l'exercice de l'expédition maritime a été exposée par Emmanuel Cornée de l'ENSM. Le capitaine exerce plusieurs fonctions à la fois techniques, commerciales, légales, publiques et disciplinaires. Si sa principale mission consistant à faire naviguer le navire en toute sécurité, le capitaine a la responsabilité d'assurer l'application des réglementations et de mettre en œuvre les politiques de sécurité à bord.

       Mais le capitaine est-il le seul décideur à bord en matière de sécurité ? La question se pose au vu des changements radicaux intervenus depuis quelques années dans les technologies et les modes de gestion du navire. Le code ISM, s'il a cherché à renforcer ses pouvoirs, en contrepartie il a renforcé sa responsabilité : il doit notamment s'assurer que l'équipage est correctement informé, formé et motivé pour effectuer ses missions d'une manière effective et efficace. Le capitaine doit-il supporter seul toutes les responsabilités du bord ?

       Madame Françoise Odier nous a présenté les contradictions qui sont le propre de la gestion d'un navire aujourd'hui en matière de la responsabilité de l'armateur concernant la réparation des dommages causés par un accident maritime à la suite d'une catastrophe. La question posée est de savoir qui va assurer la réparation des dommages.

       Le propriétaire du navire peut être celui qui exploite le navire ; dans ce cas, il assume un double chef de responsabilité, étant à la fois l'armateur et le transporteur. Il choisit le capitaine du navire, ce dernier représentant une valeur considérable, avec lequel s'établit un climat de confiance, mais qu'il peut congédier. Le propriétaire du navire n'est pas l'exploitant : les financiers (banque ou consortium bancaire) qui ont acheté le navire en confient la gestion à un exploitant que l'on nomme armateur-affréteur.

       Si le propriétaire conserve la gestion nautique du navire, il en est l'armateur et désigne le capitaine. Celui-ci peut se trouver face à des obligations contradictoires. L'affrètement à temps dissocie l'armateur/propriétaire de l'exploitant/affréteur, et l'on se trouve ainsi en présence de deux maîtres. Ces contradictions sont le propre de la gestion d'un navire aujourd'hui. Le propriétaire doit faire face aux réparations dues à un accident. Il assume sa responsabilité civile vis-à vis des tiers, l'environnement, le port, le navire abordé. S'il est en même temps le transporteur, il assume sa responsabilité vis-à vis de la marchandise.

       La responsabilité limitée est fondamentale pour les propriétaires de navires, les assureurs ne pouvant couvrir le risque maritime, incontestable et incontournable, que s'il est limité. Il existe des règles pour y échapper, le transfert de la responsabilité du propriétaire du navire si il est démontré une faute nautique. C'est alors le rôle des avocats du propriétaire de démontrer la faute nautique, qui est donc celle du capitaine. D'où un poids très lourd qui pèse sur le capitaine. Son sens marin doit l'emporter pour justifier l'absence d'une faute nautique, qui va exonérer le propriétaire. Cette fuite du propriétaire face à la conduite du navire pèse lourd sur la fonction de capitaine, déjà mise en cause sur le plan pénal (Code disciplinaire et pénal de la marine marchande). Ce système permet de mettre en œuvre sa responsabilité civile.

       Aussi est-ce encore raisonnable pour le navire du futur d'accepter cette mission ?

René TYL
Membre de l'AFCAN


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