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Piraterie maritime :
une formation particulière pour les marins ?



Introduction

       Les marins « marchands » sont de plus en plus exposés aux actes de piraterie et pas seulement en SOMALIE : toute l'Afrique de l'EST, l'Afrique de l'OUEST ou encore les côtes SUD AMERICAINES où l'INDONESIE sont des endroits de moins en moins hospitaliers. On peut toujours éviter ces zones, mais le propre de l'Armateur, s'il veut pouvoir gagner sa vie, c'est de satisfaire les besoins de ses clients et donc d'être capable d'aller débarquer ou embarquer des marchandises ou des passagers dans n'importe quel coin du monde ! Les équipages, qui sont au service de l'armateur qui les paye à la fin du mois, risquent donc d'être confrontés à la piraterie et, dans les cas ultimes, d'être pris en otage.

Attitude de l'Armateur

       Soucieuse de la santé et du bien être de ses passagers et de ses équipages, l'Armateur n'enverra son navire traverser ces zones à risques que si toutes les conditions de réduction de risques sont prises. C'est vrai, le risque zéro n'existe pas et tout le monde le sait. Il s'agit donc de réduire les risques au minimum tolérable.

Attitude de l'Administration du pavillon

       Depuis longtemps notre Administration Maritime, qui a en charge la sécurité et la sûreté des navires de notre pavillon, se base sur les obligations et/ou recommandations issues de l'Organisation Maritime Internationale ou OMI.
       Depuis longtemps, l'OMI à élaboré des « directives sur la prévention et la répression des actes de piraterie et des vols à main armée à l'encontre des navires ». Ces directives sont régulièrement mises à jour (on en est à la révision 4 en ce moment) mais elles ont un gros défaut : elles donnent surtout des conseils de prévention ! En effet comme vous le savez, « l'OMI n'a pas de dents » (il n'y a pas de casquettes bleues !) c'est à dire qu'elle ne peut compter, pour la répression, que sur les mesures que pourront mettre en place les forces de sûreté des pays membres, via une décision de l'ONU ou d'une autre entité (Union Européenne par exemple)!

Conseils actuels

       Même si elles se tiennent à la prévention des actes de piraterie ou de vols à main armée, les directives ont quand même un peu oublié de préparer les marins à subir la triste condition d'otages des pirates et ensuite la brève mais redoutable situation du quidam au milieu des cibles des forces d'intervention !
       La piraterie s'est développée très rapidement, progression de 200% en 2008 et on a vu près de 140 navires attaqués, 45 d'entre eux hijackés et près de 800 marins pris en otage ! En ce moment il y aurait encore 19 navires et près de 300 marins aux mains des pirates ! L'OMI ne sait pas faire « rapidement » !… La préparation des marins à subir la condition d'otages n'en est qu'à ses balbutiements !

Qu'en est-il donc de cette préparation des marins ?

       STCW, le code de formation des marins est en ce moment en cours de refonte et nous parlerons tous bientôt de STCW 2010 en lieu et place de STCW 95. Dans cette refonte une formation des équipages à la sûreté est officialisée et pas seulement pour les officiers de sûreté mais pour tous les membres d'équipage (STCW A VI/5 et STCW A VI/6)… malheureusement une formation de survie en cas de prise en otage n'est pas prévue !
       Quand même, sur demande de l'OMI, les gouvernements sont invités à étudier et remettre leurs suggestions à un groupe de travail qui verrait ses conclusions … peut-être… publiées en 2010 (STW 41)… donc pour une application exigée au plus tôt en 2012 ! Ce sera peut-être trop tard, la piraterie c'est en ce moment que cela se passe! Et même si les forces armées sur place dans le Golfe d'Aden ou dans l'Océan Indien ont à présent quelque réussite, les navires, et leurs équipages, sont encore hijackés presque tous les jours et parfois avec des conséquences tragiques (décès du skipper du TANIT)

Propositions de l'AFCAN

       Les Capitaines de navires estiment qu'il est grand temps de préparer les membres d'équipage à survivre au cas où ils seraient pris en otage et estiment que les consignes plus ou moins détaillées incluses dans les plans de sûreté des navires sont loin d'être suffisantes (ref § A 9.4.4 du code ISPS : élaborer des…procédures pour faire face à une menace contre la sûreté ou une atteinte à la sûreté, y compris des dispositions pour maintenir les opérations essentielles du navire… ). Ils proposent donc qu'une formation spécifique soit délivrée en urgence aux membres d'équipage des navires devant se rendre dans des zones à risques et qu'elle soit rapidement délivrée à tous les marins sous une forme ou une autre* mais le plus tôt possible… sans attendre le 1er juillet 2012 !
       Il ne s'agit pas pour nous de crier de l'autre bout de l'océan sans proposer des solutions … ce n'est pas notre genre ! Nous proposons donc une formation spéciale qui pourrait-être ajoutée à la formation déjà existante de « Gestion de crise et de comportement humain » (STCW A V/ 3) qui n'est obligatoire jusqu'à présent que pour les navires à passagers et donc la dispenser à tous les membres d'équipage ou alors, délivrer une formation spécifique sur la « survie en cas de prise en otage » dès que possible à bord où à terre.
       A cet effet il serait peut-être judicieux de former d'abord des formateurs, les SSO par exemple, pour qu'ils puissent en toute connaissance former leurs équipages durant leur séjour à bord. On en profiterait si c'est nécessaire de dispenser une formation pédagogique leur permettant d'assurer la formation sûreté des membres d'équipage. L'OMI est très partisante de ce genre de transmission de connaissances qui est malheureusement très mal suivi dans notre industrie !

Proposition de contenu de la formation :

Les références utilisées devraient être celles de l'industrie (OMI, ONU, ICS/ISF, BMI) et pourrait contenir par exemple :
  • Connaissance de la MSC Circ. 623 de l'OMI et pratiques recommandées (1 heure)
  • Etude d'un cas : Prise d'otage sur le « PONANT » (1 heure +)
  • Retour d'expérience acquis suite aux prises d'otages (1 heure)
  • Comportement recommandé en cas de prise en otage avec ce qu'il faudrait faire et ce qu'il ne faudrait pas faire ou « les 17 attitudes de survie de l'otage » (1 heure)
  • Connaissance des effets prévisibles appelés « syndrome de STOCKHOLM » et facteur humain (1/2 heure)
  • Comportement nécessaire en cas d'intervention des forces armées (1/4 d'heure)
  • Pédagogie (1 heure 15)
  • Total 6 heures de cours
Cette formation de formateurs peut donc être dispensée en une journée. Cette formation devrait donc tenir compte du retour d'expérience qu'on peut retirer du récit du Cdt P. MARCHESSEAU « Prise d'otages sur le PONANT » (ed Michel LAFON 18,90€).

Conclusion

       Les consignes de prévention recommandées par l'industrie et les forces armées sur place (sites du MSCHOA, UKMTO et ALINDIEN) intéressent surtout le Capitaine du navire et son plan de sûreté. Par contre être pris en otage ou subir un assaut des commandos concernent tous les membres d'équipage. Une simple formation sur le meilleur comportement à avoir dans ces conditions extraordinaires est à prendre en considération, si cela conduit à la survie ne serait-ce que d'un seul otage, alors elle vaut le coup, n'est-ce pas ?

* L'AFCAN a communiqué cette proposition à notre Administration Maritime début 2009.
Cdt Bertrand APPERRY, Mai 2009


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