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EN SÛRETE PORTUAIRE, ON MARCHE SUR LA TÊTE !
Page du Code ISPS N°7


         La sûreté maritime est un ensemble de mesures qui entendent protéger les navires où qu'ils soient et les ports qui les reçoivent contre des menaces d'ordre illicite (attaques terroristes, sabotage, vols, trafic divers et piraterie).
Piraterie, vols, trafic ont de tout temps existés et les marins marchands en savent quelque chose non ? On se bat partout et toujours pour réduire ces comportements illicites dans un but purement mercantile (pas de perte de marchandise ou de propriété) ou de santé publique (drogue ou armes).

Alors où en est le problème aujourd'hui?

En fait les navires, dont la vocation est de se déplacer d'un port à un autre, demandent une réglementation internationale en vue d'harmonisation de leurs conditions de sûreté en déplacement ou en opération. Pour les ports c'est moins évident car ils ne « se déplacent pas encore » (sic) et sont soumis à la loi de leur pays qui est comme par hasard différente d'un pays à l'autre.

Afin d'assurer au navire une protection nécessaire durant son escale, l'OMI, par mandat des Nations Unies, a inclus les interfaces portuaires dans cette réglementation qui est à présent appliquée par tous les pays membres.

Du point de vue légal, le mot interface inclut donc les installations portuaires (communément appelés terminaux) et toutes les autres opérations provoquant une action entre le port et le navire soumis à la convention SOLAS (approvisionnement vivres ou soutes, embarquement de pilote, utilisation de remorqueurs, relève de membres d'équipage, etc.). Toutes ces actions doivent donc être protégées suivant le code international bien connu appelé ISPS (International Ship and Port facility Security code).

D'accord pour les interfaces, mais alors que se passe-t-il pour le port lui-même et ses services permanents ou le reste du port qui n'assure pas d'interface avec des navires pratiquant une navigation internationale (rappel : navires jauge égale ou supérieure à 500 tx) ?
Logiquement pour assurer la sûreté complète d'un port, il faut inclure la totalité du port dans un Plan de sûreté qui n'est en fait qu'un ensemble de procédures de protection des personnes et des biens applicables aux différents niveaux de sûreté.

Conscientes du problème, nos instances ont travaillé sur des pratiques internationales recommandées (IMO/ILO Code of practice for port Security - 2003) ou régionales obligatoires (ED 65/2005 pour les membres de l'Union Européenne).
Donc, afin d'harmoniser les conditions hors SOLAS, l'OMI s'est investie dans la recherche de solutions et a tenté d'inclure des mesures de sûreté adéquates pour les ports sous forme de recommandations seulement …étant donné son pouvoir.

Résultats : Alors que le code ISPS à 12 ans c'est à dire l'âge de raison (sic), hors UE, la sûreté du port est toujours aussi chaotique tout autour du monde.
Lorsque vous avez des coastguards - structure militaire en charge de la sécurité et la sûreté du port - votre problème est en principe résolu: les installations portuaires, le plus souvent privées, se conforment au « moule sûreté » établi par cette autorité non contestable.
Lorsque c'est l'État ou une administration équivalente qui est en charge de la sûreté du port et que les opérateurs des terminaux assurent la sûreté de leurs propres installations portuaires, le problème est plus compliqué … dû surtout à l'absence de réglementation adéquate.
Les opérateurs portuaires internationaux sont très compétents et gardent leur philosophie du business, que n'ont pas toujours les administrations étatiques sauf peut-être quand il s'agit de petits sous : minimum de personnel et jamais très bien formé.

Aujourd'hui, 12 ans après un code ISPS rédigé à la va-vite, il pourrait être considéré invraisemblable de ne pas avoir quelque chose de solide pour la sûreté du port lui même. Si on doit reconnaître que la directive 65/2005 du Parlement Européen est bien claire, on est obligé de reconnaître qu'elle n'est pas exhaustive. En effet si vous vous lancez à étudier les relations de management entre les directions des installations portuaires privées (ou non) et la direction du port au point de vue SÛRETÉ, vous vous heurtez aux limites incroyables des termes de « coopération », « coordination » « prise en compte » vraiment étrangers aux autres termes généralement utilisés en management comme « exigence, audit, actions correctives » qui sont sans équivoque. Et pourtant on est dans la protection des personnes et des biens.

Les ports ont, contraints et forcés, foncé sur le code ISPS croyant à tort ou à raison, atteindre facilement la conformité internationale et quelque part l'efficacité anti-actions illicites. Comme vous le savez ce n'est pas tout à fait le cas et beaucoup de ports rament pour s'organiser en matière de sûreté. Pourquoi ?
Il semblerait facile cependant de mettre entre les mains de l'autorité portuaire la responsabilité de la sûreté globale du port tout en gérant la sûreté particulière de chaque installation portuaire même attribuée pour un temps limité à un opérateur privé.
Il semblerait normal que le terminal privé participe à la sûreté globale du port dans lequel il est installé, notamment en partageant sa gestion de la protection de ses propres opérations avec celle plus globale du port : partage des images vidéos de surveillance, partage des informations recueillies aux contrôles des accès, échange d'informations sur les marchandises manipulées, échanges de bonnes pratiques, inspections et audits internes réciproques, partage des informations sur les incidents de sûreté etc. Tout cela semble logique.

La situation réelle est loin d'être celle que l'on pourrait croire : le partage des informations tient souvent du « confidentiel sûreté » (inventé pour l'occasion), le partage des images de surveillance est parfois impossible, les relations avec les autorités chargées des taxes toujours aussi difficile voire impossible quand les autorités douanières focalisent sur le trafic de drogue.
Finalement si les installations portuaires sont en général pas très loin de la conformité, les ports sont à la traîne y compris en Europe et ce n'est pas la Commission Européenne qui va dire le contraire suite à la traduction récente de l'Espagne devant la Haute cour de justice de l'Union Européenne, que nos journaux n'ont pas vraiment beaucoup commenté, on se demande pourquoi.
Donc paradoxe : les terminaux sont bien protégés, les ports un peu moins surtout quand un port de pêche et/ou de plaisance trône au milieu avec ses marchandes de poissons et les restaurants qui vont avec.

Je parlais donc d'efficacité.
 
Si vous voulez parler de conformité alors là c'est la Bérézina. Les évaluations de sûreté sont à peine lisibles lorsqu'elles existent, les plans de sûreté sont trop semblables (comme copiés/ collés) et leur implémentation très discrète sinon inexistante. Entre autres, les audits des installations portuaires par l'autorité portuaire sont oubliés ou tout simplement « bidons » tandis que la coordination des mesures de sûreté donne lieu à des échanges musclés au comité de sûreté portuaire … lorsqu'il existe.
La composition de ce comité tient souvent du délire et s'entêter à le composer des représentants de tous les acteurs, tient d'une obstination contre-productive terrible. Certains pays ont limité sa composition aux autorités gérantes de la sûreté portuaire, bien en phase avec leur conception de l'efficacité d'un tel dispositif et tirée de leur expérience de la sûreté des ports sensibles (ports militaires par exemple). En effet tout se passe comme si la solution coastguards était considérée comme la meilleure. Dans des grands pays avec des méga-ports, la tendance actuelle est de recruter des commandants de ports et des officiers de sûreté portuaire (ports et terminaux) parmi les anciens militaires bien habitués à obéir à l'officier de sûreté du port dans une organisation quasiment militaire coopérant facilement avec la Navy du coin en charge de la sûreté du plan d'eau (et en dessous), y compris avec les douanes mais avec la philosophie de la fluidité du business en plus.

En conclusion

On apprécie que l'OMI se lance en ce moment dans la préparation d'un modèle de loi de sûreté maritime qui pourrait quand même ne pas n'oublier le port, d'une part.
Ensuite on n'a pas vraiment d'opposition à voir les anciens militaires assurer la sûreté des ports et des installations portuaires (ils assurent déjà souvent la sûreté du plan d'eau) surtout si leur formation initiale assure la cohésion des actions entre terminaux privés et ports publics.
Alors que la privatisation va bon train, que ce soit pour les terminaux comme pour les ports, et que récemment un VTS privé a même été envisagé, je crois qu'on va marcher sur la tête bientôt ! Verriez-vous un inconvénient à embarquer dans un avion dans un grand aéroport en sachant que, en plus de votre terminal, le trafic aérien local a été récemment privatisé ?

Mais il y a je crois des solutions :
  • Par un moyen ou un autre, donner à l'OMI le pouvoir d'imposer des mesures de sûreté aux ports eux-mêmes. A cette occasion imposer aussi un modèle de loi de SÛRETÉ MARITIME.
  • Instituer ensuite un corps international d'inspecteurs/auditeurs de sûreté qui auront la lourde tâche d'être impartiaux et dont le domaine de compétences serait étendu aux enquêtes après accidents (sécurité et sûreté) où qu'ils aient lieu, gestion de manière internationale du Port state control (bras armé existant pour éradiquer les pavillons laxistes)
  • La loi de sûreté maritime harmoniserait les conditions de surveillance et d'intervention des côtes et des eaux territoriales avec des minima à respecter et une tendance à regrouper les moyens et les hommes dans un élan moderne de meilleur coût/efficacité là ou cela est évident.
Ainsi donc la belle solution des coastguards appliquée au niveau Européen ou autre entité régionale ne serait-elle pas la solution du siècle ?

Cdt Bertrand APPERRY
membre de l'AFCAN
Président AFEXMAR
novembre 2014


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