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Les enjeux sûreté d'un transporteur de passagers
en France, en 2008



Communication au nom de l'AFEXMAR aux 7èmes journées scientifiques du CETMEF PARIS le 8 Décembre 2008
 

  1. Que demande le « passager »?


  2.        Celui qui prend passage, c'est à dire paye son billet, entend être transporté en toute sécurité du point de départ du navire à son point d'arrivée… que ce soit pour une traversée toute simple ou carrément une croisière. Le "passage" pour lui, commence dès qu'il a été pris en charge par le transporteur jusqu'au moment où il est "libéré" par ce même transporteur.

           Les opérations portuaires : contrôle avant embarquement, embarquement ou débarquement sont donc incluses au même titre que le voyage lui-même.

  3. Passage "en toute sécurité"


  4.        …comprend la sécurité des personnes et des biens et tout d'abord la sécurité du moyen de transport lui-même c'est à dire le navire. Aujourd'hui le passager est en droit d'attendre que le navire sur lequel il monte présente toutes les garanties possibles tant par sa conception que par son organisation.

           Le risque zéro n'existe pas… le passager le sait, cependant il est en droit d'attendre que son intégrité physique soit assurée au maximum.

  5. Et en "toute sûreté"


  6.        Dans ce passage en toute sécurité, une action malveillante de la part de "malfaisants" le visant lui, en tant que passager, visant d'autres passagers ou le navire lui-même, ou la compagnie, ou le pavillon… est incluse.

           Il s'agit en fait de "protéger" le passager. La "protection" du navire et des terminaux est donc incluse dans le "contrat" signé entre le passager et le transporteur.

    NB : par ses conséquences, la sûreté rejoint ici la sécurité.

  7. Le code ISPS


  8.        Après les évènements du 11 septembre 2001, la communauté internationale a pris encore plus conscience des conséquences liées à la malveillance. L'OMI a mis au point un code de sûreté à l'intention des navires et des installations portuaires; le fameux code ISPS (International Ship and Port facility Security Code).

           Pourquoi seulement les installations portuaires? on aurait pu directement appliquer les mesures aux ports eux-mêmes! … ceci est en réalité uniquement un problème technique qui n'intéresse que les spécialistes peut-être mais qui a néanmoins semé un certain désordre tout autour de la planète.

  9. Sûreté des navires


  10.        Il faut le dire, sur les navires à passagers, nous n'avions pas attendu le code ISPS pour prendre des mesures de prévention contre les actes de malveillance y compris la prise d'otage ou le terrorisme. Pendant mes 20 années de commandement, j'ai vu quand même quelques alertes à la bombe!

           Aujourd'hui, c'est beaucoup plus formalisé… un plan de prévention (appelé plan de sureté) issu d'une évaluation formelle de sûreté est mis en place en fonction des risques encourus.

    NB : Les risques peuvent évoluer et donc le plan de sûreté aussi.

  11. Mesures de sûreté du Navire


  12.        Le plan de sûreté du navire est essentiellement un ensemble de mesures de contrôle des accès au navire…en collaboration … avec les terminaux! Ce contrôle comprend l'accès aux zones sensibles du navire: passerelle, locaux techniques comme la machine ou… la cuisine! Pour assurer ces contrôles, c'est évidemment l'équipage qui s'y colle! Déjà pompier, sauveteur, parfois médecin (les capitaines) et formateur, voilà le marin devenu agent de sûreté également! … à quand les cours de close-combat, comme disait le Cdt ARDILLON, président de l'AFCAN!

  13. Efficacité des mesures de prévention


  14.        La meilleure mesure de sûreté reste la vigilance de l'équipage et cela ne se fait pas tout naturellement! Aujourd'hui pour toute activité on exige une formation préalable… l'obligation de la formation sûreté des membres d'équipage est malheureusement restée encore une fois un peu trop vague!

           Après les hi-jacking avec prises d'otages du PONANT et des autres navires, je pense qu'une formation particulière de l'équipage à la gestion de ce type de crise devrait être préparée et rendue obligatoire et introduite dans STCW dès que possible!

    NB. Derrière la formation : il est vrai, il y a des cours, du temps passé à bord un peu, et à terre essentiellement… donc de l'argent! Et donc aussitôt certains armateurs sont "debout" sur les freins !

  15. Réalité de ces mesures


  16.        La vigilance et l'intervention de l'équipage à bord peuvent influencer les évènements mais d'une manière aléatoire seulement: Sur l'ACHILLE LAURO, l'objectif des malfaisants n'a peut-être pas été atteint grâce à la vigilance de l'équipage, mais …une vie humaine a quand même été perdue! Pour les navires à passagers "vulnérables", les interventions de l'équipage sont encore plus limitées.

  17. Plan de sûreté du navire


  18.        Chaque navire à passagers a donc son plan de sûreté où les mesures de prévention sont précisées pour les trois niveaux de sûreté. Mais …ce sont uniquement des mesures préventives ainsi que le prévoit le code ISPS qui les a gentiment appelées "mesures pour faire face à une menace contre la sûreté y compris pour maintenir les opérations essentielles du navire".

           La protection de la vie des personnes (passagers et équipage) est certainement une "opération essentielle"… mais les mesures d'intervention en cas de menace de sûreté ne sont pas de la compétence de l'équipage! … à aucun moment le code ISPS n'en parle d'ailleurs!

  19. "Mesures essentielles"


  20. Un bon plan de sûreté prévoit dans l'ordre:
    • Appel à l'aide "silencieux" si possible (GMDSS, et/ou activation du SSAS)
    • Ne pas résister aux assaillants armés sauf en dernier recours!
    • Ne pas répondre à une agression
    • Gérer son propre stress et tenter de gérer celui des passagers comme on nous l'a appris à faire (un peu!) dans la formation STCW pertinente (Gestion de crise et comportement humain-STCW V/2 et V/3)
    • Offrir une coopération raisonnable surtout dans le cas de prise d'otages
    • Chercher à favoriser les contacts "malfaisants/ autorités" et chercher à informer ces dernières
    • Toujours privilégier l'objectif "protection de la vie humaine" malgré tout
    • Obéir finalement aux terroristes, aux pirates et aux forces d'intervention en gardant en tête …l'objectif précédent!


  21. LE PONANT


  22.        …c'est finalement ce qu'à fait notre collègue le Cdt Patrick MARCHESSEAU sur le PONANT en Avril 2008! Les mesures qu'il a prises étaient celles de son plan de sûreté et de sa formation, mais il a su garder son calme et son autorité … ce qu'un équipage, quel qu'il soit, sait apprécier et …même les pirates apparemment! Tout ceci a contribué au succès de l'opération c'est à dire essentiellement l'absence de perte de vie humaines!

    NB : Mettre les femmes à l'abri des pirates…je ne sais pas vraiment si c'était dans son plan de sûreté… Il va falloir que je le lui demande!

  23. SUPERFERRY 14 ou LIMBURG


  24.        Il s'agit ici d'attaques à l'explosif de terroristes visant soit à tuer un maximum de passagers soit, pour le LIMBURG, à faire sauter le navire (même si c'était pour ce dernier une cible de remplacement!)

           Dans ce cas, en gros, l'équipage ne peut rien ou presque. En cas de découverte de colis suspect par exemple, une évacuation du navire peut être ordonnée lorsque le navire est à quai et, si possible, un éloignement des personnes de la zone critique lorsque le navire est en mer!…En effet, évacuer un navire en mer est une opération majeure pleine de risques!

  25. Conclusion partielle


  26.        Les moyens du bord sont extrêmement limités. Il n'est pas question d'armer les marins. D'abord ce n'est pas leur métier et une riposte armée risquerait de se terminer par un carnage… ce qui est le contraire du contrat passé avec le passager!

           Des "gadgets" sont proposés: Lances à incendie, Long Range Acoustic Device et fusils lance-filets… pour les pirates amateurs …peut-être! En effet…D'une part, les pirates Somaliens s'équipent de KALACHNIKOV toutes neuves, ils devraient aussi pouvoir se procurer des casques adéquats "anti- LRAD" pour leurs oreilles! Et d'autre part, si 3 speed-boats remplis d'hommes armés attaquent simultanément sur tribord et autant sur babord… combien me faut-il de fusils lance-filets ou canons à eau ou LRAD ?????

           Si à bord l'équipage ne peut rien ou presque, c'est évidemment à terre que le tri des passagers doit être effectué lors des opérations portuaires.

  27. Les opérations portuaires


  28.        Le contrôle des accès au navire est la mesure clé de la sûreté du passager. L'opérateur du terminal prend en charge ce contrôle avec l'aide des pouvoirs publics (Gendarmerie, PAF, douane, agents de sûreté). Qu'il soit lui-même le transporteur (port privé) ou un organisme public ou semi public (chambre de commerce) sa responsabilité est grande.

           Issu d'une évaluation de la menace et, il faut le rappeler, approuvé par le représentant local de l'Etat, le plan de sûreté de l'installation portuaire précise les mesures qui sont prises à chaque niveau de sûreté. Ces mesures doivent être au minimum conformes au code ISPS et ce, depuis le 1er juillet 2004!

  29. Situation actuelle


  30.        Si les navires se sont conformés au code ISPS sans trop de problèmes, il n'en est pas de même pour les terminaux ! Même aux USA certains ports n'ont toujours pas la surveillance suffisante du plan d'eau! …Eh oui! Chez nous ça avance un peu, mais toujours à titre d'essai comme au Havre? Pour les terminaux à passagers, il s'agit d'assurer le contrôle des personnes et de leurs bagages (à main) ou de leurs véhicules!

           On peut dire que les aéroports s'en sortent quand même bien du point de vue du contrôle des personnes et de leurs bagages à main, notamment parce qu'ils ont investi et s'équipent assez rapidement avec les dernières évolutions du matériel. Le personnel est presque toujours suffisant et, tout au moins chez nous en Europe, suffisamment formé.

  31. Contrôle des piétons


  32.        C'est, dirai-je, le plus facile! Nos terminaux maritimes à passagers ont mis quand même quelque temps pour s'équiper. Cela vient doucement … j'ai même vu un terminal où les emplacements sont prévus dans une gare maritime toute neuve, mais on y attend toujours aujourd'hui les tunnels rayons X et les portiques magnétiques! On se contente toujours du "fer à repasser" (détection magnétique!) … c'est déjà ça!

           Une fouille aléatoire suivant un certain pourcentage est normalement prévue, ou alors on se base encore sur le flair légendaire du douanier!… Pour le petit malfaisant, je veux bien, pour des pros, si je puis m'exprimer ainsi, j'en doute! D'ailleurs quand vous prenez l'avion, il n'y a pas de pourcentage que je sache! Tout le monde a droit au contrôle sûreté! Malgré tout, la situation des piétons-passagers au niveau de sûreté 1 est acceptable compte tenu des menaces actuelles.

  33. Contrôle des véhicules


  34.        Si le contrôle des remorques et autres ensembles routiers se fait de manière systématique en ce qui concerne les clandestins, le scan est encore très aléatoire… Rareté des moyens certainement ! Le contrôle des véhicules personnels des passagers est encore trop souvent basé sur l'aléatoire ou le flair des douaniers. Pas de scan de disponible alors qu'on charge 600 voitures en 45 minutes!

  35. Si cela est tolérable au niveau 1, cela ne l'est plus au niveau 2!


  36.        Il y a des solutions sur le marché bien sûr. On ne pouvait que faire confiance à l'industrie! Encore faut-il avoir les moyens de se les payer, me direz-vous! Croyez-vous que le passager finalement, soit conscient du risque qu'il prend en choisissant ce port plutôt qu'un autre? La publicité des terminaux est effectivement bien discrète sur le sujet … cela ne doit pas être très commercial sûrement!

  37. Scan des voitures


  38.        Déjà depuis quelque temps sur le marché, les scanners mobiles offrent l'avantage de pouvoir remonter une file de voitures en attente. Ils sont performants et discrets! certains terminaux parfois "oublient" même d'en informer les passagers motorisés! Ce qui est bien sûr inadmissible! Et, vous vous en doutez, leur prix est élevé, il avoisine le million d'Euros l'unité parait-il! Comptez en plus le personnel nécessaire, l'entretien etc… !!!

    Un scanner mobile qui se balade a petite vitesse le long des files de voiture en attente …

   
    …et au contrôle avant embarquement, le van révèle un clandestin caché dans un petit conteneur à bord du véhicule ! Efficace non ?

  1. Conclusion


  2.        Les efforts demandés pour assurer la sûreté des passagers dans les opérations portuaires sont importants c'est vrai, mais dans les aéroports aussi! Les taxes aéroportuaires assurent leur financement, pourquoi pas dans les terminaux portuaires? Il est vrai aussi que le code ISPS a bien prévu que les investissements pouvaient être différés (B 16.6), mais nous sommes quand même en 2008!

           Sans l'investissement que nous venons de voir, les plans de sûreté des terminaux à passagers qui sont en cours de revue (avant 1er juillet 2009) et donc de ré-approbation, risquent peut-être de se voir refusés (non bien sûr nous sommes dans du franco-français! Attention quand même aux inspecteurs Européens. Ils sont redoutables !

           La compétition est féroce d'accord, ce n'est pas une raison pour attendre, attendre encore… comme si on attendait l'accident! J'espère que non!
Cdt Bertrand APPERRY


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