Retour au menu
Retour au menu

 
 
Lien entre le code ISM et l'application de la MLC 2006
via un programme de gestion de la sécurité et de la santé au travail (SOHSP)

Page du Code ISM Nº33
 
  1. Avant-propos important

  2. ILO/OMI sont des agences de l'ONU. Les deux agences sont aussi actives l'une que l'autre et il arrive même qu'elles travaillent ensemble par exemple lors de l'élaboration des directives pratiques sur la sûreté des ports en 2003 (COP).
    Il faut signaler que l'ILO a des compétences sur le travail en général y compris le travail maritime et que l'OMI s'abstient d'empiéter sur les prérogatives de l'ILO, mais a du mal quand même à référencer les documents ILO quand ils nous concernent (voir plus loin).
    Il faut se rappeler que même si les conditions et le temps de travail à bord relèvent de l'OIT, la gestion de la fatigue par exemple reste du domaine de STCW donc de l'OMI. Le volume de travail est souvent lié à l'effectif du navire et cela est aussi du domaine du pavillon qui doit cependant suivre les recommandations de l'OMI (Nouvelle résolution sur Safe manning A.1047) ….comprenne qui pourra !
    Dans les documents ILO traitant de la sécurité maritime, il y a toujours un renvoi aux conventions pertinentes ou aux recommandations de l'OMI; l'inverse n'est pas vrai.

  3. Introduction

  4. La MLC est entrée dans notre industrie avec fracas… en 2013 alors qu'elle était prête depuis 2006, comme son nom l'indique. La France (applicabilité février 2014) ou encore la Belgique ne l'ont ratifié que récemment (août 2013) soit près de 7 ans après. On aurait pu penser que des nations moins regardantes sur les conditions de travail des marins auraient traîné les pieds comme d'habitude. Eh bien non, les premiers pays «ratificateurs» ont été le Libéria et les Bahamas. Cependant, la France n'avait pas à avoir honte de ce qui existait déjà dans sa marine marchande et aurait pu allègrement la ratifier en 2007, par exemple en même temps que les Îles Marshall, en rappelant que le président de la Conférence était un de nos représentants et que les normes appliquées au pavillon français dans les deux registres (Premier et RIF) sont proches de celles exigées par cette nouvelle convention. Un peu de fierté en ce moment ne nous aurait pas fait de mal.
 
    Aujourd'hui il faut se mettre totalement en conformité afin de pouvoir montrer partout (système de certification) que la flotte française applique une politique de «bien-être» peut-être mais surtout de santé et de sécurité des marins à bord des navires quelle que soit leur nationalité.
    Les atouts de la MLC sont majoritairement :
    • Avantages de la certification : vérifications initiales et périodiques par tierces parties (Etat du pavillon et Etat du port ou ROs parfois).
    • Une protection contre la concurrence déloyale : mêmes conditions de travail pour tous.
    • Une meilleure qualité du transport certainement.
    • Une industrie plus socialement responsable.
    • Une main d'œuvre mieux protégée donc en théorie plus efficace.
    • De meilleures conditions d'exploitation en évitant théoriquement des retards ou retenues dans les ports provoqués par la constatation de conditions de travail anormales à bord.
    • Une meilleure information des marins sur leurs droits et les moyens de les faire respecter avec notamment un mécanisme de traitement des plaintes autant à bord qu'à terre.
    Ce simple résumé des conséquences de la MLC 2006 nous montre que le meilleur moyen de gérer ces contraintes est encore d'appliquer un programme de santé et sécurité au travail qui aurait l'audace de comprendre aussi la gestion de la fatigue et la prévention des accidents à bord en mer comme au port.

  1. Application pratique des différents instruments se rapportant à la sécurité/santé au travail
Le code ISM exige de la compagnie un Système de Management de la Sécurité (SMS) qui comprenne des instructions et procédures pour assurer la sécurité de l'exploitation des navires et la protection de l'environnement conformément à la réglementation internationale et à la législation de l'Etat du pavillon.
Cependant il y a un bémol que j'ai déjà évoqué précédemment, le code exige que les objectifs de sécurité de la compagnie de navigation soient «d'offrir un environnement de travail sans danger». Il s'agit bien d'un objectif seulement, le SMS déterminant, après «une évaluation des risques pour les navires, le personnel et l'environnement», les mesures de sécurité appropriées.
Le code ISM reste donc dans un objectif louable de bonnes conditions de travail mais plus strictement dans l'assurance d'une observation des règles obligatoires et la prise en compte des diverses recommandations de notre industrie.
Evidemment c'est assez subtil et il faut bien s'en contenter car cela ne changera guère du fait que pour l'évaluation des risques, nous avons maintenant la MLC Règle 4.3 norme A 4.3 1 a) qui exige «l'adoption et l'application effective ainsi que la promotion de politiques et programmes de sécurité et de santé au travail à bord des navires qui battent le pavillon du membre y compris l'évaluation des risques et la formation et l'instruction des gens de mer». Super, plus d'ambiguïté ! … même si la directive Européenne 89/391 du 12 juin 89 transposée en loi française en 91 avait déjà clarifié les choses pour les flottes sous pavillon d'un membre de la Communauté.
D'autre part, l'OMI ne voulant pas être en reste vis-à-vis de l'ILO a préparé en 2006 aussi (coïncidence ou tir groupé ?) une circulaire MSC-MEPC.2/Circ.3 «Directives sur les éléments fondamentaux d'un programme d'hygiène et de sécurité au travail à bord des navires» ou «Guidelines on a Shipboard Occupational Health and Safety programme» ou SOHSP avec l'intention louable de «donner des orientations aux armateurs pour appliquer le code ISM».
 
    NB : Encore une fois, malheureusement, il semble y avoir ici encore une erreur de traduction car si parfois l'hygiène est traduite par «health» c'est relativement rare et dans notre cas c'est bien de la santé des marins qu'il s'agit. A croire que le traducteur prend toujours les marins pour des êtres rustres et primitifs qui découvrent l'hygiène seulement aujourd'hui (je plaisante évidemment !). A ce sujet la traduction officielle dans la MLC 2006 elle, c'est bien «santé».

  1. Comparaison

  2. Sur le plan international, pour la santé et la sécurité au travail nous avons donc 3 instruments dont un seul à force de loi pour tous (la MLC 2006) et deux sont soit un objectif (code ISM) soit une recommandation (SOHSP).
    Nous allons dans un tableau essayer de voir la correspondance de ces éléments avec celles du code ISM ou du SOHSP en focalisant sur la manière de les appliquer.
MLC 2006 Code ISM version 2013 SOHSP 2006
Etablie en 2006
Entrée en vigueur 2013
Date de 92 mais fin du calendrier d'application obligatoire en 2002 Etablies en 2006 sous forme de circulaire (recommandation) MSC-MEPC
Politique et programme de sécurité et santé au travail comprenant l'évaluation des risques et une formation correspondante des marins : règle 4.3 La politique sécurité et protection de l'environnement est la base du code.
L'évaluation des risques et la fourniture d'un environnement du travail «safe» sont seulement des objectifs. Le code ISM restant toujours aussi vague sur la formation correspondante, il a fallu que des circulaires OMI viennent préciser les principales formations nécessaires (voir page du code ISM N°30)
Les bases du SOHSP comprennent aussi une politique santé et sécurité au travail en insistant sur le rôle moteur de la direction (leadership).
La partie évaluation et tentatives de maîtrise des risques est très développée : on y trouve entre autres le principe du «permis de travail» cher à l'offshore et étonnamment des mesures d'encouragement comme la compétition entre les navires et des «awards» sécurité.
NB: Les risques dus à la fatigue sont inclus
Précautions «raisonnables» pour prévenir accidents du travail, lésions et maladies professionnelles à bord et en partie non obligatoire B 4.3 : Prise en compte des directives ILO de 1996 sur la prévention des accidents à bord Le code est très général sur ce sujet et exige l'assurance de l'application des règles et règlements obligatoires (internationaux et nationaux) et la prise en compte des autres recommandations existantes concernant, entre autres, la prévention des accidents et des maladies éventuelles dus au transport et à la manipulation de marchandises dangereuses par exemple. Le § 3.3 et l'annexe correspondante sont très clairs : les dangers doivent être anticipés et une tentative de contrôle appliquée.
Ici encore malheureusement une traduction de l'anglais très approximative a dénaturé cette exigence. Risque et danger sont confondus ce qui rend le texte difficile à comprendre (et à appliquer)
Programmes à bord pour la prévention avec la participation des membres de l'équipage. Ces membres d'équipage peuvent être élus ou nommés au comité santé/ sécurité du navire. D'autres personnes intéressées de l'équipage peuvent en faire partie. Le code étant volontairement général, il ne peut être aussi précis qu'une circulaire ou résolution.
L'entrée en force de la MLC 2006 a évité que cet aspect de la participation des travailleurs soit entré dans les amendements 2014 au code ISM.
La participation des employés est placée en bonne 2ème place (sur 8). Il s'agit du comité de sécurité toujours improprement appelé chez nous «Comité Hygiène et Sécurité». Cette participation peut être à bord et/ou à terre.
Corrections des situations dangereuses et enquêtes sur les accidents. Le code ISM est déjà très clair sur ce sujet et va même au-delà de la MLC en exigeant l'étude des near-misses et l'exploitation du retour d'expérience. Les enquêtes concernent les décès, lésions corporelles, maladies et incidents y compris les near-misses.
Responsabilité du capitaine sur la mise en œuvre du respect de la politique et du programme santé sécurité au travail. Il est question d'une personne désignée par le capitaine pour mettre en œuvre le programme santé/sécurité. Le code ISM précise les responsabilités du capitaine dans l'application du SMS de la compagnie. Si le SMS comprend un programme santé/sécurité au travail, la boucle est bouclée. La responsabilité du capitaine pour le fonctionnement du SOHSP est détaillée et va de la familiarisation à l'enquête en cas d'accident y compris une proposition de modification et d'amélioration.
Participation des délégués à la sécurité et revue périodique pour une amélioration continue Le code ISM n'en parle pas beaucoup sauf au §9 qui se contente de fixer un objectif (toujours) de renforcement de la sécurité et une application de mesures correctives afin d'éviter la récurrence. C'est en quelque sorte une amélioration continue quand même. La participation des membres d'équipage est une des bases du SOHSP qui inclut le personnel sédentaire de la compagnie d'une manière très active. Enfin l'évaluation et l'amélioration continues sont les dernières mesures exigées dans le SOHSP.
Problème de la fatigue :
Mesures de durée du travail maximum et repos minimum dans la règle 2.3 (registres) qui finalement sont celles de STCW et ILO 180
et de simples mesures facultatives à insérer dans des directives nationales (B 4.3) en même temps que le bruit, température et vibrations ou la consommation d'alcool.

Dans le code ISM seul le terme «aptitude physique requise» est utilisé : il faut se forcer beaucoup pour y voir une «condition physique adéquate».

La fatigue est bien prise en compte dans la maîtrise des risques, la formation et les éléments à prendre en compte dans la recherche des causes des accidents.
    Peu de pavillons ont finalement pris en compte cette circulaire et je note plus particulièrement celui des Marshall Islands qui dès 2009 a rendu le SOHSP obligatoire.

  1. Que pouvons-nous donc faire ?

  2. Solutions proposées :

    Comme je l'ai déjà dit au journal «LE MARIN» (tribune du 13 septembre 2013), je ne vois qu'une solution réaliste via le code ISM et la MLC 2006. C'est d'exiger l'introduction du management de la charge de travail et de la fatigue dans un « programme de santé et sécurité au travail » conforme aux normes OIT /STCW et aux recommandations de l'OMI.
    Une législation nationale pourrait voir le jour, elle serait alors issue des directives ILO-OSH 2001 faites pour cela ou des normes OHSAS déjà très populaires.


    1. Mise en place d'un SOHSP qui suivrait les exigences présentées par le MSC-MEPC. 2/Circ.3 et qui tiendrait compte des recommandations existantes.
C'est une solution très simple qui est toute prête dans la circulaire citée ci-dessus :
  • Engagement et rôle moteur de la direction
  • Participation des employés
  • Prévisions, identification, évaluation et maîtrise des risques
  • Formation de tous les participants au programme (officiers et membres d'équipage ou autres délégués)
  • Tenue des registres
  • Gestion du personnel contractuel
  • Enquête sur les décès, lésions corporelles, maladies et incidents
  • Evaluations systématiques et perfectionnement continu du programme
Comme vous le voyez il y a de quoi faire mais il y a un risque de répétition. Ceci arrive souvent lorsqu'on empile les systèmes (à la grande joie des certificateurs privés). En effet si vous devez présenter votre SOHSP, il faut de préférence le montrer complet, car si vous faites des renvois fréquents à une exigence déjà traitée par ailleurs vous risquez d'énerver l'auditeur.
 
Un document de lien (bridge document) est à éditer et grâce à lui vous pourrez peut-être éviter quelques répétitions ou recouvrement. Mais y a-t-il une autre solution ?

  1. Oui, vous pouvez introduire les exigences du SOHSP dans votre SMS déjà conforme au code ISM en appliquant les directives nationales relatives à la gestion de la sécurité et de la santé au travail et à la prévention des accidents à bord des navires du pavillon.
  2. Encore faut-il que ces directives existent. En attendant et quelque soit le pavillon on peut se servir des ouvrages ou analyses déjà édités par ILO entre autres :
    • Editer un préambule sur la participation et le rôle moteur de la direction via une définition de responsabilités nouvelles notamment dans le suivi des conditions de santé des membres d'équipage par exemple
    • Compléter l'identification et l'analyse des risques déjà effectuée si nécessaire au titre des objectifs du SMS. En précisant bien sûr qu'il s'agit à présent d'une obligation
    • Compléter les "jobs descriptions" du capitaine pour ses nouvelles responsabilités plus précises dans le SOHSP
    • Compléter par les "jobs descriptions" des membres de l'équipage ayant été élus ou nommés au comité santé et sécurité
    • Introduire le programme de formation continue S & S du personnel ci-dessus
    • Compléter les "jobs descriptions" par une évaluation de la sécurité de chaque poste si ce n'est déjà fait avec une mention à chaque fois de la participation du fonctionnaire à l'amélioration des conditions de sécurité et santé du poste.
    • Prévoir des conditions identiques pour le personnel éventuellement contracté
    • Revoir votre registre d'incidents (accidents, near-misses) et surtout sa communication aux autorités nationales pour une utilisation exhaustive des statistiques (ici une demande ancienne de l'ILO)
    • Revoir votre bibliothèque et vous procurer la documentation adéquate
    • Mettre en place un système d'évaluation systématique basé sur l'évaluation du fonctionnement du SMS et l'amélioration de la culture sécurité de la compagnie.
    • On revoit donc les éléments évalués et la méthode de cotation ou on distingue la santé de la sécurité (à vous de voir). La circulaire MSC-MEPC vous donne les critères à évaluer à titre d'exemple, vous pouvez donc être plus imaginatifs.
    • Former vos auditeurs internes à cette évaluation
    • Former vos évaluateurs à gérer cette nouvelle partie dans leurs revues périodiques (capitaine et DPA)
    Dans ce cas il va falloir aussi un « bridge document » qui vous aidera à obtenir vos certificats MLC 2006.
  1. En conclusion


  2. Le code ISM a eu beaucoup de mal à démarrer notamment à cause d'un certain pragmatisme des marins qui souvent ne peuvent faire la différence entre objectifs et résultats, entre intention et réalisation.
    Le code ISM né en 1992 a lentement évolué et présente aujourd'hui une consistance qu'on aurait cependant aimé être semblable au code ISPS.
    Le fait d'intégrer le SOHSP au SMS devrait être relativement facile et surtout les équipages comprendront mieux cette forme plutôt que de voir un autre système leur tomber dessus. Déjà l'intégration des systèmes n'est crédible que dans certaines compagnies en avance. Chez les autres, l'empilement est toujours de mise, pour le plus grand bonheur des organismes de certification.

    NB : L'ILO vient de publier des «directives pour la mise en œuvre des dispositions relatives à la sécurité et à la santé au travail de la convention du travail maritime 2006» Elles sont une aide précieuse pour : soit la création du SOHSP, soit l'adaptation du SMS.
Extrait des guidelines de ILO § 4.3.1
"Il est possible qu'il faille compléter ou adapter les politiques, programmes et lois existants pour les rendre conformes aux dispositions de la MLC, 2006. Il est possible aussi que certains programmes, politiques et normes juridiques fassent double emploi avec les dispositions des conventions de l'OMI."
Cdt Bertrand APPERRY
AFCAN-AFEXMAR-IIMS


Retour au menu
Retour au menu