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Le Code ISM a 20 ans, le saviez-vous ?
Page du Code ISM Nº29
 

En effet les premiers drafts du Code datent de 1992/93 : 20 ans après, où en sommes-nous ?

       Présenté comme inspiré de la norme IS0 9002, les premiers drafts du Code ont commencé à circuler au début des années 90. Les normes ISO n'étaient pas très vieilles non plus à l'époque et à franchement parler, le Code ISM n'a vraiment pas grand-chose à voir avec elles.

Je me souviens encore de diverses tentatives de rapprochement entre les normes de qualité et celles de sécurité et notamment celles d'un des pionniers du secteur comme Alain Michel CHAUVEL du BV qui avait quand même l'avantage d'avoir tout compris avant tout le monde.

       Aujourd'hui, regardez cinq minutes les normes en vigueur comme ISO 9001 version 2008 et le Code ISM version 2008, à part les éléments clés d'un système de management (ce qui nous aide lors de l'intégration des systèmes) il n'y a pas d'autres correspondances réelles.

        En effet, bizarrement les normes de qualité se sont limitées à la satisfaction des demandes du client et n'ont que timidement inclus quelques exigences de conditions de travail. Alors que le Code ISM n'a lui jamais parlé de qualité du service rendu au client (le chargeur), sauf peut-être à exiger des mesures qui assurent un peu plus l'arrivée à bon port du navire et de sa cargaison.

       C'est un fait, avant de mettre en place des normes de sécurité devant assurer justement la sécurité des conditions de travail, l'industrie s'est acharnée à définir des normes de respect des exigences du client : les normes qualité. En bon français populaire on appelle cela mettre la charrue avant les bœufs. Il m'est d'ailleurs arrivé, au début de la mise en œuvre du Code ISM, d'avoir des difficultés à expliquer à des armateurs occasionnels qu'il était nécessaire de mettre place des mesures de sécurité APRÈS qu'ils aient déjà mis en place des mesures de qualité dans leur entreprise. Il est vrai que pour ces gens qui étaient de véritables entrepreneurs, la logique de notre démarche ne sautait pas vraiment à leurs yeux.

       Nous devons reconnaître qu'encore une fois, les Anglo-saxons nous ont ouvert la voie et ne se sont pas arrêtés à la qualité uniquement. Aujourd'hui personne n'est étonné de parler du standard OHSAS qui structure un management des conditions de travail alors que ce nom barbare (Occupational Health and Safety Assessment Series) cache un standard mis au point par les Britanniques.

       Après les normes qualité et environnement (ISO 14001), il est courant aujourd'hui de se baser sur OHSAS 18001 pour les conditions de travail dans tous les secteurs y compris le maritime. Le BIT (ILO) avait bien préparé une norme ILO-OSH 2001 mais qui a toujours l'inconvénient de viser des normes nationales… au train où vont les États exsangues aujourd'hui… ce n'est pas demain la veille ! Une tentative d'AFNOR de permettre une certification par entreprise n'a semble-t-il pas eu le succès nécessaire. En effet, et ne l'oublions pas, il s'agit ici de «business» que ce soit pour les instituts de normalisation comme ISO ou BSI mais surtout pour les certificateurs qui ont trouvé là une sacrée source de profit.

       Reconnaissons aux normes «satisfaction du client» le statut de pionniers des systèmes de management modernes mais soyons réalistes depuis les années 2005 nous sommes quelques-uns à insister pour simplifier un peu tout cela. J'avais moi-même proposé le standard E3S (Environnement, Sécurité, Sûreté et Satisfaction du client) qui n'a intéressé que peu de monde (j'ai quand même rencontré les responsables QSE de SANOFI AVANTIS) tandis que BSI – encore les Anglo-saxons - sortaient le PAS 99 en 2006. J'avoue qu'étant occupé ailleurs, et vu l'enthousiasme des industriels, je l'ai un peu regardé de loin tout en approuvant l'initiative. Je ne suis pas du tout une référence dans les systèmes de management et j'attendais un peu de voir les réactions de ceux qui en vivent.
Nous sommes en 2013 et les normes ISO, ISM ou ISPS continuent à vivre en parallèle.
Où en sommes-nous avec le Ccode ISM d'abord et son interaction avec les autres systèmes ensuite ?

Évolution du Code ISM.

       Après l'obligation d'appliquer le Code ISM pour la navigation internationale à partir de 2002, une étude sur son impact a été menée par l'OMI avec le succès que l'on connait: enquête mal préparée et résultats limités (seuls ceux qui y croyaient ont répondu etc…). Cependant des modifications nécessaires ont rapidement été apportées au Code. Ce sont surtout des clarifications comme la gestion des risques, la gestion des situations d'urgence potentielles ou celle des équipements critiques avec en complément, des précisions comme la périodicité des audits ou la redéfinition de certains termes litigieux.
Par contre lorsqu'il s'agit de modifications plus importantes dans les exigences elles-mêmes, certains des membres de l'OMI sont toujours debout sur les freins car pour eux toute modification est un coût supplémentaire pour leurs armateurs.

       En ce moment, le Sous-comité STW en charge de l'évolution du Code ISM étudie un futur amendement comprenant les dispositions suivantes pour une adoption fin 2013 :
  1. Le groupe de travail associé au Sous-comité envisage un nouveau paragraphe au chapitre 6 du Code ISM invitant la compagnie à assurer que le navire a un effectif approprié pour couvrir «la sécurité dans tous les aspects des opérations du navire» en se référant à la Résolution A 1047 de décembre 2011. La rédaction de ce paragraphe ne semble pas avoir été facile. La Résolution ci-dessus n'est qu'une recommandation mais le Code ISM est obligatoire. Ce qui est en question finalement c'est la décision d'effectif (le safe manning crew) qui était, il est vrai, jusque maintenant une insulte à la raison. Chacun sait que l'armateur propose un effectif que le pavillon valide ensuite…. La Résolution A1047 détaille toutes les conditions que l'administration doit prendre en compte avant de valider. C'est un point clé, en effet si le pavillon valide un effectif, cet effectif est supposé conforme à la SOLAS et la compagnie peut se couvrir derrière son SMS, sans être obligée de prouver qu'elle «assure la sécurité dans tous les aspects des opérations du navire».

  2. En conclusion je suis d'accord avec certains membres de l'OMI, un ajout spécifique au Code ISM de ce côté-là ne servirait à rien et ne devrait donc pas passer en 2013.

    NB: la MLC 2006, elle aussi exige, que le pavillon se réfère aux instruments internationaux appropriés, donc en l'occurrence la Résolution 1047.

  3. Il est aussi proposé d'adjoindre des notes de bas de page (références) dans le Code ISM sur les sujets suivants:
    Une référence à la circulaire MSC 1059. La procédure en cas de non-conformité majeure date de décembre 2002. C'est une procédure vraiment «amusante» si elle n'était pas si grave. En effet il s'agit finalement d'éviter qu'un navire soit retenu dans un port suite à une non-conformité majeure au niveau du SMS ou de son application à bord. En effet une non-conformité majeure met en péril le DOC c'est à dire le «permis d'opérer». Rien que cela !
    Avant de développer cette terrible possibilité qui peut conduire à une détention du navire - terreur des armateurs et des ports - il faut revenir sur la définition de NC majeure à présent introduite dans le texte du Code lui-même.

«Défaut de conformité majeur» désigne une irrégularité identifiable qui constitue une menace grave pour la sécurité du personnel ou du navire ou un risque grave pour l'environnement et qui exige des mesures correctives immédiates; ou la non-application effective et systématique d'une prescription du présent Code».
    C'est une définition qui a été difficile à formaliser… surtout par la dernière partie.
           1ère partie : s'il y a une menace ou un risque grave, là pas de problème il faut stopper le navire et… éradiquer la menace ou réduire le risque à un niveau raisonnable. Pour les fonctionnaires du pavillon, du PSC ou l'inspecteur de la classe agissant en leur nom, c'est je crois assez clair et peu importe les cris d'orfraie de l'agent de l'armateur ou du directeur du port, on répare ou on prend des mesures de remplacement en attendant des travaux sous trois mois.
           2ème partie: Une non-application effective et systématique d'une prescription du Code. Qu'est-ce à dire ? Comment une non-application systématique a pu être ignorée jusque-là ? Alors que la compagnie et le navire ont évidemment leurs certificats bien à jour ?
    Au fait, faisons la liste des prescriptions du Code qu'il est possible de ne pas soudainement appliquer :
    • Le brevet du Capitaine n'est plus valide ou il n'est pas apte à prendre la mer et il n'y a pas d'officier apte à le remplacer au prochain port (voir la Convention STCW article VIII au sujet des dérogations).
    • Les audits internes sont systématiquement en retard. Cela mérite une non-conformité mais « majeure» ? … tandis qu'en réalité dans cette compagnie, la valeur des audits internes est visiblement insuffisante (jamais de NC, uniquement de petites observations pas trop gênantes), là on tire sur l'ambulance.
    • On ne trouve nulle part l'évaluation de l'efficacité du SMS et la documentation ne parle d'ailleurs pas du tout de quelconques évaluations quantitatives ou qualitatives.
    • Des documents périmés sont utilisés comme brouillon.
    Ces deux dernières non-conformités sont-elles majeures ? Comme vous le voyez une interprétation sera vraiment nécessaire (encore une me direz-vous).
    En conclusion, ce genre de NC majeures doit être très rare et un Capitaine bien formé à l'ISM n'aura pas trop de difficultés à argumenter et faire descendre rapidement la NC majeure en NC tout court (voir la circulaire MSC 1059 qui date de 2002).

  1. Pour les autres notes de bas de page, il s'agit essentiellement de faire référence à des documents de l'OMI que ce soit Résolutions ou circulaires - donc non obligatoires - mais qui seront une aide précieuse pour l'application effective du Code. Nous appliquons déjà à peu près tous d'ailleurs ces recommandations et certaines depuis longtemps (exemple Résolution A 852 : Directives pour l'élaboration d'un système intégré de situations d'urgence) ou plus récemment comme la formation spécifique de la Personne désignée (MSC-MEPC.7/Circ.6).
    En conclusion, oui pour ces notes de bas de page, elles nous aideront à convaincre certaines Personnes désignées qui ont tendance à argumenter dès qu'on parle de référence. Ce sera aussi très utile pour l'argumentation lors des audits de certification initiaux ou intermédiaires, les références étant de précieux outils pour démontrer certaines réalités à des auditeurs peu coutumiers du management d'un navire.
    Il est proposé aussi d'ajouter une explication concernant la portée des notes de bas de page dans le préambule du Code, ce que nous approuvons bien sûr.


  2. Enfin une autre proposition d'ajout d'un nouveau paragraphe soit au Chapitre 12 du Code ISM qui concerne les vérifications internes soit au Chapitre 3 qui concerne les responsabilités de la compagnie, nous interpelle. En fait il s'agit de préciser les responsabilités lorsqu'une compagnie délègue une partie de ses exigences au regard du Code ISM à un sous-traitant.
    Sur ce sujet délicat, un petit historique est nécessaire. Bien avant la naissance du Code ISM, des compagnies sous-traitaient déjà la gestion de certaines parties de leurs activités. Il s'agissait en général de la maintenance technique parfois limitée aux moteurs Diesel alors que la maintenance des équipements électroniques par exemple était assurée par une autre société spécialisée. A la mise en œuvre du Code, les responsabilités du sous-traitant étaient précisées et cela n'a pas constitué un obstacle pour la certification de conformité.
    Si aujourd'hui on en reparle c'est parce que certaines dérives ont eu lieu : tout le monde connait la compagnie sous-traitante qui, elle-même avait sous-traité à nouveau une partie de la maintenance à l'armateur lui-même… ce qui devient quand même ubuesque même si on réalise que c'est la partie la plus coûteuse qui se voyait ainsi «re» sous-traitée.


  3.        La proposition d'amendement est libellée comme suit :
ISM 3.4 La compagnie devrait veiller à ce que tout tiers auquel elle a délégué la gestion de toute tâche visée par une prescription du Code mène ses travaux conformément aux dispositions du Code. La vérification de la conformité devrait être effectuée conformément à la section 12 du Code ».
    Nous sommes normalement habitués à auditer les sous-traitants dans le cadre de nos activités qu'elles soient liées à notre système qualité ou à notre système de management de la sécurité. Alors où est le problème ? Je ne suis même pas sûr que l'ajout du paragraphe 3.4 soit vraiment nécessaire car la compagnie garde toujours la responsabilité vis-à-vis du Code.

En conclusion.

       Ces propositions d'amendements au Code ISM sont les bienvenues surtout les notes de bas de page qui vont clarifier nos références.
Les Directives qui accompagnent maintenant le Code ISM, y compris dans les publications de l'OMI, font également l'objet de propositions d'amendements. Ces amendements prouvent au moins l'importance de ces Directives et leur prise en compte par les administrations du pavillon et les organismes reconnus qui assurent de plus en plus les audits de certification ISM en leur nom. Cela prouve aussi qu'elles méritent qu'une étude plus détaillée leur soit consacrée dans un prochain article.
Quant à l'interaction du Code ISM avec les autres normes, nous pouvons dire que même s'il n'est pas parfait, le Code ISM est un petit bijou qui pouvait assimiler les autres normes sans problème : j'y ajoute facilement la satisfaction du client autant que le management des conditions de travail et … notre « Code ISM port » pouvait faire aussi l'affaire sans inventer un «port safety Code» comme chez nos voisins.
Le choix est autre à présent et l'avenir est au système intégré; nous en reparlerons bien sûr.

Cdt B. APPERRY
Septembre 2012
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