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Le code ISM serait-il insuffisant ?
ou application du TMSA

page du code ISM Nº20
 

Préambule

Comme vous le savez, la présente page du code ISM en est à son numéro vingt! Au départ, il s'agissait de tenter :
  • d'aider d'abord à la compréhension du code qui semblait rester du « grec » pour certains d'entre nous et
  • ensuite, d'améliorer son application par une sorte de formation continue.
       Cela fait maintenant 15 ans que le code ISM est une réalité pour nous et plus de 10 ans que j'assure cette rubrique dans AFCAN INFO (quelques précédentes pages sont disponibles sur le site www.afcan.org.)
Même si parfois je désespère de convaincre des collègues, il est sûr que les générations qui nous suivent ont une autre vision du management de la sécurité. Je parlais il y a encore 10 ans des « ISM-Sceptiques », ce n'est plus le cas aujourd'hui pour les navigants actuels heureusement.

       Cependant au regard de certaines évolutions actuelles, il me parait opportun de faire un petit bilan sur l'application du code ISM.

L'ISM est-il la panacée ?

Bâti intentionnellement en ternes concis et généraux (comme une norme ISO) surtout pour faciliter l'approche et ensuite permettre :
  • une adaptation spécifique aux activités de la compagnie (tanker, gazier, passagers, roro etc…), et
  • une adaptation aux différentes cultures de tous les marins du monde… pourvu que les principes et les exigences du code clairement exprimées soient observées
… le code n'a pas beaucoup évolué depuis son élaboration si ce n'est que par petites touches surtout destinées à éclaircir certains points qui portaient à interprétations.*

       Avec des objectifs clairs de mise à niveau et d'amélioration de la culture sécurité de notre industrie, le code est malheureusement resté parfois trop général ce qui, à l'inverse du code ISPS, facilite une application partielle. Vous entendez souvent nos meilleurs commentateurs maritimes vous dire qu'il n'est point besoin de nouvelles règles, appliquons d'abord celles qui existent ! et ils ont bien raison !

       Pour le code ISM, c'est du pareil au même, point n'est besoin de nouvelles directives : appliquons le code comme il faut et cela sera suffisant !
Je le répète souvent, le code ISM contient en lui-même: tous les éléments de la gestion de la sécurité et de la protection de l'environnement marin ainsi que les bases de l'amélioration continue de nos comportements via le retour d'expérience. Enfin je maintiens que les objectifs du code, même s'ils sont ambitieux, sont réalisables en l'état !

Le code ISM PLUS !

       Malgré tout cela, des directives d'origine armatoriale, ne concernant pour l'instant que les pétroliers, sont parues en 2004 et viennent déjà d'être révisées. Toutes les compagnies de transport pétrolier s'y mettent sauf à voir disparaître leurs merveilleux contrats d'affrètement ! Ces directives sont considérées par leurs auteurs comme un complément indispensable au code ISM !
Tiens donc ! Le code ISM nécessiterait un complément ? Ce code que les nombreux fonctionnaires du pavillon ou du port viennent vérifier le couteau entre les dents serait-il insuffisant ?

Le programme Tanker Management and Self Assessment (TMSA)

       La bande annonce titrait: the ISM code is not enough!
Le programme TMSA est une initiative de l'OCIMF (Oil Companies International Marine Forum) qui est un peu, et même beaucoup, l'association des compagnies de transport pétrolier « top class ». Le TMSA a donc été présenté comme un «code ISM+ non obligatoire mais fortement recommandé» pour les adhérents de l'OCIMF.
L'OCIMF est coutumier de ce genre de fortes recommandations (drogue et alcool, fatigue, ship to ship transfer guide, ISGOTT, Single Buoy Mooring safe practice etc…) qui sont en général d'une grande qualité.
L'OCIMF est aussi l'initiateur de la base de données SIRE (Ship Inspection Report Exchange) qui contient les résultats des «vettings»** des affréteurs pétroliers. Il y a en effet longtemps que les affréteurs, certainement pas très satisfaits des inspections effectuées par les pavillons ou les ports, ont mis en place leurs propres inspections… croyez moi c'est bien celles là qui sont le plus redoutées par les capitaines !
En ce qui concerne le code ISM, L'OCIMF, certainement désabusée par la « légèreté » avec laquelle certains pavillons en vérifient l'application - ils n'exigent souvent qu'un minimum minimorum - a décidé de fixer elle-même ses normes de fonctionnement sous la forme de «best practices for ship operators».

Normes de fonctionnement du programme TMSA

       Les objectifs du programme TMSA sont de fournir un instrument de mesure du niveau de fonctionnement d'un SMS et un moyen de vérification de l'amélioration continue.
Le code ISM exige déjà des revues de système par le Capitaine (§5) par la direction (§ 12) et que toutes les non-conformités et incidents (dans le sens anglais du terme) soient analysés afin de renforcer la sécurité et la protection de l'environnement (§9).
On connaît tous cela, mais comment réellement évaluer de manière pratique le niveau de fonctionnement d'un SMS et ne pas se contenter de l'avis d'un auditeur qui sera forcément subjectif ?
Le programme TMSA permet d'évaluer le fonctionnement d'un SMS par la mise en place d'indicateurs de performance: 12 éléments à analyser étape par étape (4 étapes) jusqu'à l'excellence. Là, l'OCIMF a mis le paquet !
Cela part du leadership et l'acceptation des responsabilités qui y sont liées, en passant par le recrutement et le management du personnel (terre et bord), la maintenance du navire y compris la gestion des équipements critiques, la sécurité de la navigation et des opérations cargaison, la gestion du changement, l'analyse des accidents et presqu'accidents, la surveillance par la terre, les plans d'urgence, la protection de l'environnement et les mesures de progression du SMS.

Commentaires

       C'est assez triste quand même qu'on soit obligé de compléter le code ISM alors qu'en cherchant bien, tout SMS conforme au code ISM devrait normalement comprendre ces méthodes d'amélioration continue via l'évaluation des indicateurs !
Finalement je ne suis pas étonné, les auditeurs externes, que ce soit ceux des pavillons ou ceux des RO, avaient tendance à, d'une part accepter les exigences minimum et, d'autre part à critiquer tout système un peu plus performant ! Etonnant non ?
Le programme TMSA a l'avantage de bien développer les exigences du code ISM…même pour ceux qui l'avaient vraiment déjà bien décortiqué !
Un petit bémol quand même, les responsabilités de la personne désignée n'ont semble-t-il pas été bien assimilées par les rédacteurs de ce TMSA Ière édition. Attendons de voir la seconde ! Un autre point positif : la prise en compte officielle (enfin !) des éléments critiques !

       Le programme TMSA en lui-même est pour moi un superbe instrument de mesure et d'amélioration à l'anglosaxone pour les navires citernes, qui se suffit à lui-même et …on ne peut qu'encourager tous les navires à l'appliquer !


       Cependant, nombre de systèmes n'avaient pas attendu l'arrivée du TMSA et pour vous le prouver, je me permets de développer ci-dessous quelques éléments de mesure de fonctionnement d'un SMS et de la culture sécurité d'une compagnie ou d'un navire que j'applique depuis longtemps.

Les indicateurs de performance

       En plus du nombre d'accidents survenus dans la compagnie ou à bord, il s'agit de déterminer des indicateurs qu'il faudra analyser au cours des opérations de vérification (audits ou revues).
La note de 0 à 5 reflète les conditions : n'existe pas, vraiment insuffisant, insuffisant, acceptable, très bon et excellent.
Dans l'exemple ci-dessous, dix éléments ont été définis selon les objectifs de la compagnie et les éléments clés du code ISM. Une évaluation du niveau de réalisation de chaque élément donne des points de 0 à 5. Les éléments obligatoires du code sont évalués de 1 à 5, leur absence étant interdite.

  ITEM Evaluation
1    Programme Santé et Sécurité au travail  0 à 5
2    Retour d'expérience et amélioration continue  1 à 5
3    Audits internes  1 à 5
4    Revues de Capitaine et de Direction  1 à 5
5    Analyse des NC, incidents et suggestions  1 à 5
6    Préparation aux situations d'urgence  1 à 5
7    Formation continue  0 à 5
8    Enquête interne en cas d'accident  1 à 5
9    Cellule de crise  1 à 5
10    Intégration Sécurité/sûreté  0 à 5
TOTAL    Niveau de performance du SMS  Max 50

Le score des différents indicateurs est déterminé par le conducteur d'audit et/ou la DPA en fonction de son analyse des activités et leur niveau de qualité.
  • Les activités obligatoires d'après le code ISM sont en rouge. Le score minimum pour chacune de ces activités obligatoires est donc 1.
  • Lorsque les autres activités ne sont pas assurées, elles ne donnent aucun point.
In fine vous avez un score de fonctionnement sur 50 qui vous permet d'évaluer ensuite la culture sécurité de la compagnie ou du navire.

Evaluation de la CULTURE SECURITE

       Rappelé dans le préambule du code ISM, le but du code est bien sûr d'améliorer la culture sécurité et protection de l'environnement des équipages de navires.
Pour améliorer, il faut donc pouvoir mesurer et déterminer son niveau entre l'insuffisance, le tout juste conforme au code ISM, et l'excellence.
Grâce à notre tableau de performances précédent, le niveau de culture sécurité sera déduit de la somme arithmétique des indicateurs.

Score   Niveau   ITEM
< à 6   Insuff   La conformité avec le code ISM n'est pas assurée : NC Majeure !
6       SMS tout juste conforme au code ISM
7 à 10   1   Emergence d'une culture sécurité
10 à 20   2   La sécurité est gérée : tous les indicateurs sont pris en compte
20 à 30   3   Engagement effectif de la direction et du personnel dans l'amélioration des performances
30 à 40   4   Valorisation du personnel et coopération effective de celui-ci dans la gestion de la sécurité  
40 à 50   5   Amélioration continue dans la compagnie et dans la vie personnelle des membres

                NB : les niveaux de culture sécurité proposés ici sont ceux proposés par l'OMI.

       Je ne prétends pas avoir inventé cette méthode d'analyse loin de là, mais je vous recommande de l'appliquer… vous verrez les résultats !

En conclusion

       Si les SMS des compagnies de pétroliers ne sont finalement pas suffisants pour assurer les objectifs du code ISM, ce n'est pas que le code soit intrinsèquement insuffisant mais bien qu'il ne soit pas appliqué comme il faut ou encore, en parlant plus politiquement correct, qu'il soit appliqué à minima ! Piètre métaphore je vous l'accorde pour nommer des systèmes insuffisants ou pas appliqués du tout par des compagnies et des navires certifiés et tout ! et tout ! (voyez l'ERIKA !)
Que le programme TMSA vienne en complément du code ISM cela provient surtout du mauvais état de son application. La faute est à rechercher ailleurs que chez les équipages mais plus du côté de certains armateurs et des inspecteurs de leurs pavillons de complaisance (plus que de convenance) !
Finalement le programme TMSA est plein d'excellents développements de ce que tout SMS devrait contenir. Merci OCIMF !

NB 1 : OCIMF : 43 compagnies pétrolières membres + de100.000 inspections de pétroliers depuis 93.

NB 2 : VETTING : en anglais, contrôle approfondi dont l'origine pourrait venir de « vet » pour vétérinaire. En effet l'animal ne pouvant clairement dire où il a mal, un vétérinaire doit vraiment tout contrôler, tout palper… pour trouver l'affection. Un inspecteur du « vetting » lui aussi regarde partout de la pomme du mât au nable du peak AR n'est-ce-pas ?

NB 3 : Il y a d'énormes différences entre le code ISM et une norme qualité ISO : c'est que l'un est obligatoire et l'autre non ! D'un côté contraint et forcé, l'armateur doit s'y conformer et de l'autre il s'agit de rechercher une qualité qui servira beaucoup plus au marketing qu'à autre chose !

NB 4 : Lors de l'élaboration du code ISPS - l'autre code - en 2003, le Secrétaire Général de l'OMI de l'époque (Bill O'NEIL) avait recommandé que le code de sûreté soit plus détaillé que celui de la sécurité afin d'éviter les interprétations !…qu'en termes diplomatiques ces choses là sont dites !

NB 5 : Les pétroliers adhérents appliquent donc le programme TMSA… avec quand même un peu de difficultés. L'OCIMF ne se vante pas encore trop des résultats mais ça bouge dans le domaine de l'application du code ISM et c'est bien !

Septembre 2009
Cdt Bertrand APPERRY
AFCAN AFEXMAR MIIMS
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