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Code ISM : Critique, vous avez dit critique ?
Publié en 2000 et révisé en 2007 (page Nº12)
 

  1. Textes officiels


Original English

10.3 The Company should establish procedures in its SMS to identify equipment and technical systems the sudden operational failure of which may result in hazardous situations. The SMS should provide for specific measures aimed at promoting the reliability of such equipment or systems. These measures should include the regular testing of stand-by arrangements and equipment or technical systems that are not in continuous use.

10.4 The inspections mentioned in 10.2 as well as the measures referred to in 10.3 should be integrated into the ship's operational maintenance routine.


Traduction officielle en français

10.3 La compagnie devrait établir dans le cadre du système de gestion de la sécurité des procédures permettant d'identifier le matériel et les systèmes techniques dont la panne soudaine pourrait entraîner des situations dangereuses. Le système de gestion de la sécurité devrait prévoir des mesures spécifiques pour renforcer la fiabilité de ce matériel et de ces systèmes. Ces mesures devraient inclure la mise à l'essai à intervalles réguliers des dispositifs et du matériel de secours ainsi que des systèmes techniques qui ne sont pas utilisés en permanence.

10.4 Les inspections mentionnées au paragraphe 10.2 ci-dessus ainsi que les mesures visées au paragraphe 10.3 devraient être intégrées dans le programme d'entretien courant

  1. Particularités de la traduction (à vos dictionnaires SVP !) :


  D’une part,
« sudden operational failure » se traduit par « panne soudaine » bien sûr mais aussi par « indisponibilité (ou défaillance) d’exploitation (ou de fonctionnement) imprévue » !
« hazardous situations » concerne des situations de péril ou de risque ou de danger concernant les personnes à bord, le navire lui-même et l’environnement !

Il ne s’agit donc pas uniquement des appareils ou systèmes en service qui tombent subitement en panne mais bien d’un ensemble d’équipements qui, s’ils n’étaient pas disponibles au moment où on en a besoin puissent mettre les hommes, le matériel et l’environnement en péril :

Les éléments à identifier sont déjà plus clairs !

D’autre part,
Nous devons prévoir des mesures spécifiques pour renforcer la fiabilité de ces équipements ou systèmes.
Là, pas de problème, il nous faut dans le cadre d’une prévention spécifique, tout mettre en œuvre pour que ces équipements ou systèmes fonctionnent toujours normalement ou au moment voulu.

Enfin,
Afin que nous n’oubliions rien, l’équipe de rédaction du code rajoute une couche en précisant que certains tests ou essais des dispositifs en stand-by (appareils en redondance ou procédures de remplacement) soient effectués de manière régulière; ainsi que pour les matériels ou systèmes techniques qui ne sont pas en utilisation continue.
Il y a à mon avis à cet endroit une erreur de traduction : en effet « equipment et technical systems » sont liés dans la première partie du §, ils doivent logiquement le rester en fin de § et nous devons donc lire comme ci-dessus et non pas comme dans la traduction française ou équipement a été lié à « dispositifs ».
Lorsqu’on possède bien le code cela n’a pas beaucoup d’importance, mais je tenais à le signaler car ces « dispositifs de secours » vont prendre, nous le verrons, une grande importance dans la prévention des accidents, objectif unique du code.

En conclusion, ces dispositifs de secours et ces matériels ou systèmes techniques qui ne sont pas en utilisation continue sont des systèmes critiques que le code nous incite à ne pas oublier.

  1. De quoi s’agit-il donc exactement ?


  2. Nous devons :
    • Identifier ces systèmes critiques
    • Définir de mesures spécifiques pour assurer leur fiabilité y compris les tests périodiques
    • Et pendant qu’on y est, attribuer la charge de ces mesures à des personnes qualifiées

  3. Process


    1. Un appareil ou un système est fait pour fonctionner durant l’exploitation du navire
    2. c'est-à-dire:
      • Propulsion, navigation et leur gestion
      • Opérations portuaires : manœuvre et opérations commerciales
      • Puissance électrique et sa gestion
      • Sécurité continue : détection, éclairage et éventuellement extinction automatique
      • Sécurité d’intervention : Extinction, pompes incendie ou assèchement
      • Survie : Evacuation, SAR
      c'est-à-dire pratiquement la vie tout entière du navire, nous devons donc procéder à un inventaire de la totalité des équipements du navire

    3. Si cet appareil ou système s’arrête de fonctionner (panne) ou ne peut être utilisé (ne démarre pas ou est en mauvais état l’empêchant d’assurer son rôle)
      • soit cet indisponibilité ne risque pas de mettre en péril qui que ce soit (équipement non critique)
      • soit il y a un risque et il s’agit pour le SMS d’assurer néanmoins la sécurité des hommes embarqués, du navire lui-même et de la protection de l’environnement : nous avons à faire à un appareil ou système critique !
      Nous devons donc identifier ces équipements appelés critiques

    4. Ces derniers équipements n’ont pas tous le même degré de « criticité » c-a-d que certains sont plus critiques que d’autres c-a-d encore que pour certains leur absence est déjà une situation d’urgence alors que d’autres peuvent être remplacés par un autre appareil en stand-by ( redondance) ou une procédure de remplacement peut être mise en œuvre pour assurer néanmoins le service de cet appareil mais dans des conditions moins confortables appelées conditions dégradées( commande manuelle ou locale etc..) .

    5. Nous allons donc donner un niveau de criticité à chaque équipement en tenant compte de ceux qui peuvent fonctionner en mode dégradé.

    6. Pour les équipements critiques le code nous oblige à prévoir des mesures de renforcement de fiabilité.

    7. Pour renforcer cette fiabilité les moyens utilisés sont :
      • Une maintenance plus poussée …
      • la redondance ou dispositif de secours plus simples (backup)
      • La procédure de remplacement si l’appareil ou système peut fonctionner en mode dégradé
      • L’embarquement de pièces de rechange
      • La réparation sur place lorsque possible ou dans un chantier en urgence ou reporté
      • Définir la fréquence de ces mesures
      • Attribuer ces mesures à des membres qualifiés de l’équipage


  4. Instruments de notre démarche


    1. Matériels ou systèmes critiques (liste non exhaustive)


    2. Passerelle:
      Télécommandes diverses
      Radars, Feux de navigation, Sifflet
      Communications internes : diffusion générale- téléphone- interphone
      Communications externes: VHF - Radio- Téléphone
      Détection et alarme incendie, Compas gyro et magnétique
      Etc…

      Pont:
      Collecteur d'incendie, Circuits de puissance et de commande des apparaux de manoeuvre
      Système d'épuisement, Systèmes de mouillage
      Système de détection et d’alarme incendie, Système d’extinction
      etc..

      Machine :
      Système d'alarmes deux niveaux des caisses et ballasts à combustible
      Système de propulsion, Système de gouverne, Système de production et de distribution électrique
      Etc…

      Dispositifs et matériels de secours ainsi que des systèmes techniques qui ne sont pas utilises en permanence :
      Embarcations de sauvetage, Radeaux de sauvetage, Bossoirs des embarcations
      Système de largage des embarcations, Système de largage des radeaux, Systèmes des navires à passagers
      Etalingures, Volets incendie, Lampe aldis, Stops d'urgence MP
      EPIRB et Transpondeurs, Système de largage EPIRB, etc…

    3. Niveau de criticité


      1. Critique sans redondance ni procédures de remplacement
      2. Critique avec procédure de remplacement
      3. Critique avec redondance
      4. Critique avec redondance et procédure de remplacement
      5. non critique


    4. Mesures spécifiques (hard et soft)


      1. Alimentation électrique de secours automatique
      2. Redondance et/ou procédure de remplacement
      3. Maintenance renforcée ou tests plus fréquents par équipage
      4. Contrôle périodique par compagnie spécialisée ou reclassification continue
      5. Pièces de rechange à bord pour une réparation possible par le bord
      6. Pièces de rechange à bord pour une réparation dans le chantier le plus proche
      7. Copies des plans et documents en lieu sûr (y compris copie informatique)
      8. Familiarisation et préparation de l’équipage
      9. Formation spéciale des opérateurs
      10. Retour d’expérience bord/ Compagnie/ Constructeur
      11. Etc…


    5. Procédures de remplacement :


      1. Deuxième ligne de commande
      2. Commande manuelle sur place
      3. Alimentation de secours en puissance ou en combustible par dérivation
      4. Alimentation électrique de secours en cas de black-out partiel ou total
      5. Assèchement de secours par dérivation
      6. Etc… (jusqu’à 45 procédures pour un gros ferry)!


    6. Evaluation des risques et Fonctionnement en mode dégradé :


    7. Résolument moderne, une nouvelle méthode d’analyse de risques dans notre industrie permet, même avant la construction proprement dite du navire, d’évaluer les risques futurs dus à l’exploitation du dit navire et donc de déterminer éventuellement des modifications de conception ou de procédures afin de réduire ces risques.

      Les constructeurs d’appareils proposent de nos jours un fonctionnement en mode dégradé permettant un service minimum.

      Les Sociétés de Classification proposent une étude sur plan (Safety Case) suivant les méthodes de la FSA (Formal Safety Assessment ou Evaluation formelle de la sécurité). Cette étude est efficace (pour l’avoir constaté) mais encore fort chère sauf pour les plus malins qui n’oublierons pas de l’inclure dans les spécifications !

      Une analyse des risques est donc nécessaire pour toutes les opérations du bord et c’est ce qu’un marin normalement constitué fait chaque fois qu’il entreprend quelque chose à bord ! Cependant une approche plus formelle de cette évaluation ne peut que nous aider à réduire ces risques inhérents au transport par mer.

      Néanmoins je reste persuadé que, malgré les nouvelles méthodes d’analyse, l’expérience reste irremplaçable. Cette expérience d’abord personnelle sera vraiment efficace lorsque l’exploitation de son corollaire c'est-à-dire le retour d’expérience sera exploité dans les compagnies d’abord puis au niveau de la profession toute entière.

    8. Interprétations


    9. Cette exigence du code ISM a fait finalement l’objet d’interprétations assez étonnantes parfois y compris à l’OMI : vous savez qu’une interprétation d’un texte de l’OMI n’est que le fruit d’un consensus après avis des membres et des ONG. Parfois le consensus est difficile à trouver et on reste sur du flou… en espérant que le prochain amendement proposé éclaircira enfin le texte qui nous concerne.
      Le but du code ISM est bien d’assurer (et non garantir- traduction française !) la sécurité en mer, la prévention des lésions corporelles, la perte de vies humaines, les atteintes à l’environnement et les dommages matériels (quand même !).
      Effectivement des instruments existants tels que la SOLAS ou autres réglementations ont les mêmes buts et concernent déjà des équipements qui peuvent être critiques. Ces équipements où systèmes ont été créés et perfectionnés depuis le début de la réglementation internationale et leur fiabilité continue d’être améliorée.
      Ces équipements ou systèmes sont bien identifiés et les mesures de maintenance ou de vérification existent.
      Le code ISM en imposant l’identification exhaustive des « équipements ou systèmes techniques dont la panne soudaine pourrait entraîner des situations dangereuses », ne se répète pas avec la SOLAS : il ne demande qu’à évaluer la criticité de ces équipements (chose oubliée par les autres instruments de l’OMI), les classer par ordre de criticité et… en déduire des mesures spécifiques de renforcement de fiabilité, c’est tout !
      Le groupe de travail de l’OMI, responsable du texte proposé, recherchait déjà une évaluation méthodologique des risques liés à ces équipements ou systèmes.
      Pour de nombreux utilisateurs ce chapitre n’a pas suscité une polémique inutile :
      • les risques liés aux équipements et systèmes techniques ont été évalués
      • des mesures de réduction de risques ont été déterminées pour chacun
      • Si ces mesures existaient déjà du fait des exigences SOLAS ou de la classe (qui n’est toujours pas obligatoire), elles étaient incluses et au besoin complétées

  5. Le facteur humain


  6. Une fois appliquées toutes les mesures ci-dessus, nous sommes apparemment certifiables pour l’exigence 10.3 du code ISM ! Cependant n’aurions nous pas oublié un élément peut-être le plus critique de tous à bord : je veux dire l’homme, le marin !

    Non bien sûr, car le code lui-même n’est finalement qu’une « tentative de réduction des risques liés aux activités humaines sur un navire »** (voir NB 2), mais le transport maritime pourtant adulte a du mal à reconnaître que l’homme reste le centre, la clé de la sécurité et de la protection de l’environnement. Peut-être plus riche, l’aviation civile a depuis longtemps compris qu’une gestion performante de la sécurité dans le transport ne pouvait se passer d’un effort spécifique sur l’homme lui-même. Au delà de sa formation et de sa forme physique (dont nous nous occupons également bien sûr), c’est sur l’amélioration de ses performances que ce monde moderne se préoccupe notamment en situation de stress : Savoir prendre les bonnes décisions au bon moment et pour cela connaître ses propres limites, savoir gérer une équipe en situation d’urgence, savoir gérer son propre stress etc..

    Pour moi la marine était en retard mais elle se réveille enfin, le « Marine Crew Resource Management » est déjà bien lancé chez nos voisins (peut-être plus marins que nous ?) et arrive également en France …enfin !

  7. En conclusion


  8. Lorsqu’on interprète un texte officiel il faut être très prudent et ne jamais perdre de vue l’objectif de l’instrument dans lequel il se trouve. On n’aime pas trop se répéter à l’OMI c’est vrai, mais le code ISM nous a donné l’occasion de faire l’inventaire des appareils et systèmes critiques, ne nous en privons pas et lorsque les mesures déjà demandées par la SOLAS ou recommandées par la Classe sont effectivement prises, réjouissons nous mais n’omettons pas de les identifier (ce genre d’inventaire est source d’amélioration) et surtout évitons de les classer à part, cela n’a pas de sens !

    Enfin formons le souhait que l’OMI trouve assez de temps pour revoir ce texte, et quelques autres du code (comme celui sur la personne désignée), et nous ponde quelque chose qui ne laissera plus de doutes et ne portera plus à des interprétations plus ou moins valables.

Cdt B. APPERRY


Annexes

  Proposition de modification du § 10.3 du code ISM

10.3 – La Compagnie devrait établir des procédures pour identifier le matériel, les systèmes techniques y compris ceux prévus en secours dont l’indisponibilité ou la défaillance de fonctionnement ou mauvais état pourrait provoquer des situations dangereuses pour les hommes, le navire ou l’environnement.

Le SMS devrait prévoir des mesures spécifiques de redondance, de maintenance et d’essais périodiques ainsi que des procédures de remplacement pour les appareils pouvant fonctionner en mode dégradé, afin de renforcer leur fiabilité et assurer un fonctionnement à un niveau nécessaire.

Le fonctionnement général du navire en mode dégradé devrait être analysé en tenant activement compte des risques identifiés et évalués que ce soit pour les personnes embarquées, l’environnement marin ou le navire lui- même.


Anomalies

Une traçabilité d’un seul maillon d’une chaîne de froid ou une certification qualité appliquée à un seul élément d’une chaîne n’a pas de sens ; une certification SECURITE et PROTECTION de l’ENVIRONNEMENT pour un seul élément du transport maritime (la compagnie et son navire) n’a pas plus de sens.

A quoi ça sert que le navire soit ISM si le pilote vous fiche au sec, si le remorqueur vous fait un trou dans la coque, si le lamaneur largue un fil d’acier dans l’hélice, si l’officier de port vous impose un poste dangereux, si le CROSS prend votre avarie à la légère, si le chargeur- à qui vous faites confiance (sic)- mélange n’importe quoi dans son conteneur, si la Classe vous délivre un certificat de complaisance , etc…!

La «tentative de réduction des risques liés aux activités humaines» devrait logiquement être bientôt imposée aux autres intervenants du transport maritime, ne croyez-vous pas ?
 
Tentative de logigramme de fonctionnement d’un appareil
ou système critique


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