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Le devenir de l'officier de la Marine Marchande et le R.I.F.

 
Un séminaire sur le registre international français (RIF), et sur les conséquences pour les officiers de la Marine Marchande s'est tenu à l'Ecole Nationale de la Marine Marchande au Havre le 6 avril 2006, en présence de M. le député J.Y. Besselat, de représentants de l'administration maritime, et d'Armateurs de France. Nous en publions ici les conclusions du délégué général du séminaire, ainsi que le commentaire du Cdt B. Appery qui représentait l'AFCAN.



         En qualité de délégué général du comité d’organisation du séminaire sur la mise en application pratique de la loi instituant le nouveau registre international français et de ses textes réglementaires d’application, la lourde tâche de conclure cette journée d’informations et de débats me revient.

       Lorsque suite aux interrogations et aux inquiétudes exprimées par les Elèves 0fficiers, nous avons pris à la fin octobre la décision de l’organiser, nous avions comme premier objectif que ce séminaire soit utile en obtenant des intervenants des réponses aussi complètes que possible à ces interrogations et inquiétudes.

       Cet objectif a été atteint même si certaines réponses n’ont pu être données que partiellement du fait du retard de publication de certains textes d’applications : accord de la Commission de l’U.E sur le GIE Fiscal, l’arrêté concernant les obligations des armateurs de l’article de la loi, l’instruction fiscale sur l’exonération des impôts sur les revenus des navigants français embarqués sur les navires immatriculés au RIF).
Cependant des réponses précises ont été données sur l’esprit de ces textes en instance de publications.

Le deuxième objectif était de répondre à cette question du devenir du jeune élève-officier et de l’officier en début de carrière : ce devenir est-il un avenir ?

       Le premier élément de la réponse est, à l’évidence, dans l’attractivité du nouveau registre pour les Armateurs, c’est à dire le nombre de navires qui seront immatriculés.

       Une première évaluation ne pourra être donnée qu’à l’issue du délai de 2 ans, prévu par la loi, pour la disparition du registre TAAF. Si cette attractivité est suffisante, les navires, actuellement immatriculés au registre TAAF, seront tous immatriculés au RIF et peut-être d’autres navires appartenant à des intérêts français, actuellement sous pavillon étranger, reviendront sous le pavillon national grâce à ce nouveau registre international français, à l’exemple des re-pavillonnements constatés lors des créations des registres bis des pays de l’Union Européenne, depuis 1996.

       Le premier frein à ce passage du registre TAAF au registre RIF, vient du retard pris par l’agrément du GIE Fiscal par la Commission de l’UE. Monsieur le Député J.Y. Besselat, rapporteur du budget Mer à l’Assemblée Nationale, est optimiste sur l’issue de cet accord qui devrait venir au plus tard en juin.

       Le deuxième frein, et non le moindre, c’est le classement pavillon de complaisance du nouveau Registre International français, par l’ ITF.Suite aux inquiétudes fortes formulées par les élèves et les participants, Monsieur Guy Sulpice, Directeur des affaires économiques et sociales d’Armateurs de France, s’est adressé à Monsieur Chateuil, conseiller fédéral du syndicat des officiers CGT, en précisant que le nouveau Président d’Armateurs de France, Yves Perrin prendrait contact tout prochainement avec les syndicats de navigants français sur ce sujet entre autres.

Le deuxième élément de la réponse est dans l’efficacité du contrôle, exercé par l’Administration des Affaires Maritimes, des dispositions d’application des articles 5 et 6 de la loi.

       L’article 4 de l’arrêté du 10/02/06, relatif au Guichet unique, impose à celui-ci de s’assurer du respect de quotas de navigants européens sur les navires, prévu à l’article 5 de la Loi.

       Un comité de surveillance des embarquements des élèves officiers est créé dans l’arrêté prévu à l’article 6 de la loi.

       De plus, l’article 35 de la loi impose un rapport d’évaluation annuel de sa mise en œuvre qui est soumis au Conseil supérieur de la marine marchande et à la Commission nationale de l’emploi.

       Ce contrôle se trouve doublé en quelque sorte par les instances paritaires telles la CNE, le CSMM, le BCMOM. Les comités d’entreprises et les syndicats pourront constater la réalité de l’emploi maritime, et les statistiques annuelles de l’emploi au commerce, élaborées par le Bureau de l’Emploi et de la Formation maritimes permettront l’information des navigants.

       Reste l’interrogation à propos des postes de lieutenants qui seront proposés aux jeunes officiers brevetés.. On peut comprendre qu’aucun texte réglementaire ne puisse fixer dans le marbre le nombre de lieutenants en provenance de la formation maritime nationale.

       L’attente de nos jeunes collègues n’est pas l’étude de la statistique mais la réalité d’emplois valorisants afin d’exercer leurs premières années de lieutenant pour accéder au cours de capitaine et de chef mécanicien et d’obtenir les brevets de second.

       Cependant le bon sens doit prévaloir. Chaque compagnie aura sa propre politique en matière de ressources humaines, pour respecter l’obligation de l’article 5 de la loi. : Le capitaine et son suppléant doivent être français.

       Nous avons vu ce matin les chiffres significatifs de la flotte de commerce et de l’emploi maritime. Les navires sont modernes et récents. Environ 221 navires de commerce sont immatriculés sous registre TAAFau 1er janvier 2006, 1305 officiers étaient employés sur ces navires au 1er janvier 2005. Le taux de chômage en 2005 était faible et de courte durée.

       Cette situation de l’emploi est plutôt favorable dans un contexte de pénurie internationale d’officiers qualifiés.
       Y aura-t-il des pertes en terme de nombre de navires et d’emploi suite au transfert du TAAF vers le RIF ? Personne ne peut l’affirmer.

       La France a 3 grandes compagnies dynamiques et leaders dans un des secteurs suivants : le transport de conteneurs sur lignes régulières(CMA-CGM), le transport à la demande(LD Armateurs), les services à l’exploitation pétrolière off-shore(Groupe Bourbon).

       Les transports de produits pétroliers et de produits chimiques sont exercés par des compagnies solides et reconnues. L’outil performant existe donc et nous espérons le conserver et le voir grandir.

       La presse relate des projets ambitieux d’investissements en navires neufs tant dans les transports de ligne et pétrolier et dans les services off shore.

       Nous avons eu la chance de réunir, aujourd’hui dans cette salle tous les décideurs, qu’ils soient politiques, haut-fonctionnaires en charge du transport maritime ou Armateurs de France ainsi que le représentant des organisations syndicales.

       Les élèves ont souhaité exprimer des vœux, et je laisse la parole à Nicolas Le Scornet, leur président vous les présenter.

       Nous ne pouvons qu’agréer ces vœux auxquels nous souhaitons ajouter ce vœu particulier qui ne faisait pas partie du débat d’aujourd’hui :

       Que cette exonération de l’impôt soit étendue aux quelques centaines d’officiers français, exerçant leur métier sur des navires étrangers et ayant leur domicile en France à l’exemple des navigants européens lorsqu’ils sont embarqués sous pavillon étranger. C’est une question d’équité vis à vis des navigants européens. C’est aussi la seule possibilité pour les jeunes officiers de bénéficier en terme d’emploi de la pénurie mondial d’officiers qualifiés.

Je voudrais terminer cette conclusion par deux messages.

       Le premier à tous nos jeunes Elèves officiers et officiers. Il est de bon ton de dire que nous avons une bonne formation professionnelle. C’est exact, nous avons débattu cette après midi et qu’il pouvait s’améliorer. Un groupe de travail sera constitué dans le cadre du Comité spécialisé de la formation maritime Dîtes vous qu’il y a aussi d’autres officiers de l’U.E qui sont bien formés.

       Le choix de l’employeur, dans n’importe quelle activité, est basé sur le meilleur rapport qualité prix. Ce n’est pas le diplôme de l’ENMM qui fait la différence mais votre compétence professionnelle acquise sur les navires à l’issue de vos embarquements d’Elèves officiers et de Lieutenants. C’est le moment aussi de se faire apprécier pour vos compétences et d’élaborer avec le capitaine d’armement votre projet professionnel.

       Le deuxième message est un remerciement sincère à tous les intervenants pour leur participation à ce séminaire et leur disponibilité tout au long de sa préparation.

       Sans leur contribution et leur collaboration ce séminaire n’aurait pu atteindre ses objectifs.

       Et nous vous encourageons, fonctionnaires de notre administration et partenaires sociaux ici présents à mettre toute votre énergie à parachever la mise en route effective du nouveau registre en faisant de cet outil un exemple montrant comment, dans une activité industrielle, confrontée depuis de longues années à la concurrence internationale et au dumping social, il est possible de conserver un noyau dur de savoir-faire en matière de transports maritimes par des mesures d’exonérations de charges patronales et un régime fiscal adapté aux entreprises.

       Il ne faut pas oublier que la réussite du RIF permettra de consolider deux autres enjeux aussi importants : préserver les emplois des sédentaires des sièges sociaux des compagnies françaises et conforter le trafic de nos ports, les emplois portuaires et tous ceux afférents à la logistique où beaucoup d’officiers français trouvent des emplois car leurs compétences sont reconnues et nécessaires.

       Merci enfin à tous les participants qui ont répondu à notre invitation. Nous avons apporté aujourd’hui à la mise en œuvre de cette réforme la contribution de nos associations au maintien et au développement de notre Marine Marchande.

J.L Hénaff, Délégué Général du séminaire





les vœux des élèves et officiers en formation

  1. Que tout soit mis en œuvre par les pouvoirs publics pour obtenir l’agrément de la commission européenne sur les modalités du GIE fiscal, dans les plus brefs délais.


  2. Que les partenaires sociaux (Syndicats et Armateurs de France) se concertent pour effacer les conséquences néfastes du classement du RIF comme pavillon de complaisance par l’ITF et pour élaborer dans chaque entreprise des accords pour l’emploi des lieutenants.

  3. Que le Comité Spécialisé de la Formation Maritime soit attentif au flux d’entrée au concours d’entrée. Il est possible qu’avec le régime d’exonération d’impôts accordé aux navigants sous RIF, cumulé avec le nombre actuel de repos congés, on provoque rapidement une moindre évaporation des officiers voire un retour d’officiers ayant momentanément quitté la navigation. Il ne faut pas oublier que le chômage de masse des officiers constaté dans les années 80 avait détourné les jeunes des métiers de la marine marchande.


  4. Que dans le cadre d’une politique de formation maritime nationale, objet d’un rapport en cours de discussion dans les différentes instances paritaires, on évalue pour une bonne maîtrise des flux d’entrée dans la profession, les besoins de tous les métiers du transport maritime et du domaine para-maritime ainsi que le devenir des officiers qui quittent la profession pour l’industrie ou les services. La dernière (et seule) enquête de cette nature a été effectuée par notre Confédération en 1996 en partenariat avec l’Administration des Affaires Maritimes.





Séminaire RIF - Avenir de l’Officier Français
Commentaires par le Cdt B. APPERRY, représentant l'AFCAN

       Des réponses ayant été apportées par les orateurs à nos interrogations (formation continue assurée par l’embarquement de lieutenants français et tentatives pour l’amélioration du niveau d’anglais des officiers français), nous n’avons pas jugé nécessaire d’intervenir surtout que les prises de position n’étaient pas souhaitées et qu’il ne s’agissait que de répondre à des questions ; Cependant à l’issue de ce colloque je pense que quelques incertitudes demeurent :
  1. L’attraction du RIF est suspendue à 2 choses :


    • le retrait du classement d’ITF et
    • le renouvellement d’un GIE fiscal attractif.
    Commentaires :
    • Au cas où ces conditions ne seraient pas réunies, le RIF ne sera, en aucune manière, attractif pour les armateurs français ou étrangers…. Mais…. le TAAF est appelé à mourir et donc que se passera-t-il alors ?
    • Les syndicats n’étaient pas là (retenus parait-il) et on ne peut nous empêcher de penser que la plainte de la CFDT auprès d’ITF n’est pas gratuite et tout se passe comme si nos syndicats ne voulaient pas du RIF et qu’en maintenant leur position ils tuent et le RIF et le TAAF! … il ne faut pas rêver, il n’y aura pas un retour au pavillon 1er registre unique et c’est donc bien d’une fuite générale vers d’autres pavillons à laquelle on assistera.
    • La stratégie syndicale semble être née aux ferries (ce sont eux qui entretiennent les syndicats de marins) et cela ne m’étonnerait pas qu’ils demandent une contre partie à l’abandon de leur plainte auprès d’ITF et que ce soit …. la défiscalisation de tous les marins !... un marin des ferries à posé la question de cette défiscalisation au cours du colloque… il s’est fait renvoyer dans ses buts mais … il nous a accusé de discrimination ! NB cela est une demande des armateurs de ferries … qui en profiteront peut-être pour diminuer les salaires d’autant au nom des conditions de concurrence ?
    En conclusion :
    Les conditions d’un pavillon attractif pour les armateurs sont enfin réunies
    La situation est suspendue jusqu’à juin.

  2. Le métier manque d’officiers et de tout côté on tente de le rendre attrayant


  3.        Tous les orateurs ont fait l’éloge d’un « métier noble qui garde toute sa noblesse » » la ville du HAVRE tient à son école », « vous serez aux postes de direction très jeunes », « il faudra aussi trouver des marins expérimentés pour occuper les postes de management à terre », « La défiscalisation est faite pour vous attirer dans ce métier à l’instar de l’OFFSHORE », etc… Mais … c’est le coup de l’appartement témoin ça !

    Commentaires :

           Effet curieux de ne plus se voir traités de « voyous des mers ! ». Tout est fait semble-t-il pour attirer les jeunes vers ce métier … les armateurs internationaux ont peur c’est vrai car les sources se tarissent et le vivier chinois espéré n’est pas au rendez-vous !

           Appartement témoin attractif, espoir d’une carrière à la mer courte (tiens la revoilà !), venez mes tous petits, c’est un métier formidable ! …. Cela suffira-t-il? … ou devons nous envisager autre chose : salaires de l’aviation ou, à la limite, navires sans équipages … tiens, cela revient également !

  4. La formation de nos officiers est insuffisante en anglais et en management


  5.        Ce sujet n’était pas à l’ordre du jour et est même hors sujet ! Cependant comme tout est lié, ce sont les élèves et les armateurs qui ont eux-mêmes soulevé ces problèmes.

    Niveau d’anglais de nos officiers

           Si pour l’anglais, l’IGEM à parlé de niveaux officiels obligatoires (éliminatoires), on ne pense pas que cela sera suffisant. Aujourd’hui la langue de travail à bord est l’anglais…. la formation devrait être en grande partie dans cette langue !

    Mais là ce n’est pas demain la veille apparemment !

    Formation management et en particulier management de la sécurité :

           C’est une demande des élèves pour la cinquième année et un projet de l’IGEM !

           A mon avis cette formation est actuellement notoirement insuffisante. Il est vrai que la qualité des équipages diminue et même de grands armateurs ou sociétés de management ne sont pas à l’abri d’équipages sous normes comme MAERSK et V SHIPS (pollution) ou CERES (explosion du BOW MARINER).
           C’est une constatation générale : on assiste à un phénomène inquiétant dans toute notre industrie: la qualité des navires augmente tandis que la qualité des équipages diminue :
    • Le code STCW est un minimum vous le savez … mais heureusement qu’il est là !
    • Les codes de management tentent aussi de résoudre ce problème de qualité mais ne font que seulement freiner la dégringolade… trop de systèmes de management sont complètement virtuels ou totalement inadaptés mais bizarrement …. magnifiquement certifiés !
           Ref l’explosion du BOW MARINER -21 morts sur 27- est due à une belle connerie opérationnelle d’un équipage apparemment incompétent (rapport des USCG sur leur site) … tandis que la Société de Classification délivrait royalement les nécessaires certificats de conformité au code ISM après des audits apparemment bidons!

    La situation est grave (je viens de faire une communication en Grande Bretagne sur ce sujet) : trop de systèmes bidons circulent sur la mer jolie et trop de certificats bidons sont délivrés tous les jours … à tel point que la situation est carrément explosive (si je puis m’exprimer ainsi) !

           De nouvelles recommandations sont en préparation à l’OMI à l’initiative des USCG sur ce sujet mais il y a gros à parier que cela ne sera pas suffisant encore une fois. Et le code ISM sera bientôt un bel échec… dont la responsabilité sera à rechercher du côté de la qualité des audits et donc des auditeurs !

    NB sur les audits : dans la gestion des hommes, seule l’autorégulation est possible aujourd’hui. Il ne faut pas espérer que le pavillon aura un jour les moyens nécessaires pour assurer la vérification externe. La seule solution est donc la vérification interne « boostée » par les audits tierce partie. L’industrie terrestre s’y est mise, pourquoi pas nous ?

    En conclusion :

           Même si des initiatives se font jour dans le management des ressources humaines (BRM, Leadership), l’application de ce qui existe n’est pas assurée et cela a créé une situation à risque : chacun sait qu’une culture sécurité ne s’acquière pas en un seul cours !

    Si un effort immense n’est pas fait dans la formation sécurité des équipages, les catastrophes type BOW MARINER ou ERIKA/PRESTIGE vont se succéder ….. que ferons nous alors ?

  6. Conclusion générale


  7.        Le métier redevient attractif et si tout le monde s’y met, l’avenir matériel de nos futurs officiers est brillant !
           Cependant il ne faut pas que l’arbre cache la forêt : il faut être attractif pour recruter les meilleurs et ensuite assurer leur formation continue. Assurer veut dire leur donner les moyens de la faire cette formation continue dans laquelle le management de la sécurité sera le garant de la bonne opération des navires en vue d’une meilleure sécurité tout court !
    CQFD
Cdt Bertrand APPERRY
AFCAN
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