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Collision avec une barge de forage dans un DST
Traduction libre de MARS 201303 par le Cdt J.F. Gicquiaud
 

Les faits :

         Un VLCC sur ballast était mouillé à l’extérieur d’un port d’exportation d’un « major » pétrolier. Selon les instructions du terminal de chargement il leva l’ancre vers 23h30 et fit route de la zone d’attente pour prendre le pilote de mise à quai à la zone d’embarquement à 01h30 qui se trouvait à 20 milles au sud. Les procédures et check-lists de pré-départ avaient été dûment complétées et, comme prévu par le plan de passage, le pétrolier fit initialement route plein sud pour emprunter le couloir de circulation sud-ouest, situé de son côté. Les positions avaient été marquées sur la carte (papier) d’approche à des intervalles de 6 minutes.
A 23h45, pendant que le navire faisait route au 180 à environ 12 nds, l’Officier de quart plota un écho radar situé dans le couloir de circulation nord-est, relevé à quelques degrés sur l’avant tribord à environ 5,5 milles de distance. Une seule lumière blanche était visible venant de la cible, et l’équipe passerelle supposa qu’il s’agissait d’une petite embarcation locale. Le tracé de l’écho radar indiquait que la cible faisait route lentement dans une direction nord ouest, et il a été supposé qu’elle avait l’intention de traverser le DST (ndt : dispositif de séparation de trafic).
A 00h05, le pétrolier entra dans la voie de circulation sud-ouest, venant de l’ouest, et fit cap au 226, s’alignant sur le sens général du trafic pour cette voie de circulation. Pendant ce temps, l’autre navire était situé dans la zone de séparation de trafic, relevé à 2 quarts sur l’avant bâbord à environ 2 milles. Se basant sur le faible vecteur-vitesse de la cible, il a été tenu pour acquis que la petite embarcation se tiendrait « claire » du VLCC qui naviguait dans sa voie de circulation.

A ce moment, l’Officier de quart s’aperçut soudainement que la cible était en réalité une barge de forage auto propulsée qui montrait le feu de côté tribord (vert) et qu’elle avait l’intention de traverser devant le pétrolier. Devant l’absence de signal indiquant une quelconque restriction de manœuvre, l’équipe passerelle du VLCC considéra la barge comme un classique navire motorisé faisant route et s’attendit à ce que celle-ci manoeuvre comme doit le faire le navire non privilégié dans une situation de croisement de route (règle 15). Avec la distance diminuant rapidement, le commandant commença à venir sur tribord, afin de parer la barge, mais la collision survint vers 00h15.
La capitainerie du port fut informée de l’incident. Agissant selon ses instructions, le pétrolier poursuivit sa route jusqu’à la position de prise du pilote, embarqua le pilote et se dirigea vers la zone de mouillage où il se mit à l’ancre à 04h05, en attente d’investigation.

Conséquences de la collision :

  1. Le chargement de crude oil qui était prévu pour le pétrolier a dû être désigné à un autre navire.
  2. L’armateur et la société gérant le navire ont subi une lourde perte financière (perte de revenus d'affrètement, coût du transfert du navire vers des installations de réparations, coût des réparations et autres coûts associés).
  3. Des dédommagements énormes de responsabilité ont été réclamés aux propriétaires du pétrolier par la compagnie possédant la barge de forage pour dommages subis, réparations, perte de location et autres charges.
  4. L’État côtier a imposé une amende pour navigation non sûre.
  5. Perte de réputation.
  6. Perte d’heures travaillées (côté navire et côté office).

Causes fondamentales / facteurs ayant contribué :

  1. Gestion inefficace de l’équipe passerelle.
  2. Manquement à obtenir des informations sur le trafic auprès du port avant de faire route et d’entrer sans le DST.
  3. Hypothèse illogique que l’autre navire était une petite embarcation locale alors que l’identité de la cible a été clairement désignée par l’AIS.
  4. La vitesse de 12 nds du navire a été considérée comme excessive et n’a pas été réduite rapidement quand il y a eu une situation rapprochée et qu’il y avait des doutes quant aux intentions du navire traversant (Règles 6, 7 & 8).
  5. Manquement à faire part de ses doutes en utilisant les sifflets/signaux lumineux comme prescrit (Règle 34 d).
  6. Les actions pour éviter la collision n’ont pas été mises en œuvre suffisamment à temps et n’étaient pas assez larges (Règle 8).
  7. Les feux de navigation de la barge de forage n’ont pas été vus assez tôt par l’équipe passerelle du pétrolier dû à l’encombrement de son pont.
  8. Il y a eu une perte de vigilance à propos de la situation – l’équipe passerelle a mal intégré la présence d’un haut-fond porté sur la carte proche de l’ouest du dispositif quand, en fait, il était à environ 1,5 mille au sud-ouest.

Leçons à retenir :

  1. Chaque membre de l’équipe passerelle doit contribuer pro-activement à une navigation sûre – dans ce cas, après avoir initialement informé le commandant de la présence de « la petite embarcation » devant, personne à la passerelle n’a pris une part active dans la conduite du navire ou s’est interrogé sur les actes du commandant.
  2. Les informations sur les mouvements et autres opérations de navires actuels ou à venir dans le port ou dans ses abords doivent être obtenus de la part du VTS / capitainerie / station de pilotage (selon le plus approprié) avant de transiter dans le secteur.
  3. Des affirmations ne doivent pas être émises sur la base de maigres informations.
  4. En dépit de ses limitations, l’AIS peut potentiellement fournir des données fiables sur l’identité et les mouvements des cibles, si les 2 navires en sont équipés et si le système est correctement configuré.
  5. Bien que non conseillé, de prudentes communications VHF de passerelle à passerelle et au tout début peut aider un passage sûr entre les navires, à condition que les 2 soient certains de l’identité et de la position de part et d’autre.
  6. Les équipages tendent à se satisfaire des appels fréquents qu’ils font au port ou autre autorité régionale et sont enclins à négliger les précautions de base.
  7. Tous les transits doivent être correctement planifiés et discutés entre les membres de l’équipe passerelle pour s’assurer que les paramètres essentiels sont définis et qu’ils y adhèrent pour chaque tronçon de route (ndt : du plan de passage…) durant leur exécution et leur surveillance.
  8. Une analyse du risque pour tous les mouvements critiques (par exemple l’arrivée/départ du port, passages étroits, navigation en eaux resserrées, DST etc….) doivent inclure la possibilité de rencontrer des navires non privilégiés inconscients qui ne respectent pas Colregs, et donc d'inclure dans le plan de passage des routes échappatoires appropriées.


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