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Détournement du M/S Pascal Paoli



Nous reproduisons des extraits du jugement prononcé par le Tribunal Correctionnel de Marseille. L'AFCAN s'était portée partie civile dans ce procès où elle était représentée par Me BRAJEUX, du barreau de PARIS, que nous félicitons et remercions pour sa brillante plaidoirie.
Après les désastreuses affaires du paquebot FRANCE et des car-ferries SAINT GERMAIN et FIESTA terminées par un non-lieu, la justice a tranché : l'acte syndical ne peut prendre le pas sur la loi. On notera enfin que les prévenus n'ont pas fait appel.

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE de MARSEILLE

CONTRADICTOIRE

JUGEMENT CORRECTIONNEL DU : 02 DECEMBRE 2009

VS- 6ème CHAMBRE

N° de Jugement : 7592
N° de Parquet : 05102262


A l'audience publique du TRIBUNAL CORRECTIONNEL, au Palais de Justice de MARSEILLE le DEUX DECEMBRE DEUX MILLE NEUF

Le Tribunal vidant son délibéré après débats ayant eu lieu les 19 et 20/11/2009 alors qu'il était composé de

Monsieur TURBEAUX, Président,
Madame THIBIERGE, Vice Président,
Madame MAGNAN, Juge assesseur,

assistés de Madame NEGRE-MICHEL, Greffier,
en présence de Monsieur RAFFIN, Vice Procureur de la République a été appelée l'affaire


ENTRE :

Monsieur le PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE près ce Tribunal, demandeur et poursuivant,
L"'ASSOCIATION FRANÇAISE DES CAPITAINES DE NAVIRES" (AFCAN), dont le siège est sis rue Bassam 29200 Brest, représentée par son président Hubert Ardillon, régulièrement autorisé conformément aux statuts,

partie civile constituée par l'intermédiaire d'un avocat à l'audience, Maître Guillaume Brajeux, avocat au barreau de Paris et de Maître ARNAUD, avocat au barreau de Marseille


ET :


NOM : MOSCONI Patrick Gérard
.............

PROFESSION : chef adjoint de cuisine
Jamais condamné, libre sous contrôle judiciaire depuis le 30/09/2005

Comparant et assisté de Maîtres MAMBERTI, PROSPERI, TALAMONI, avocats au barreau de Bastia et Maître MOLLA, avocat au barreau de Marseille

Prévenu de :

ARRESTATION, ENLEVEMENT, SEQUESTRATION OU DETENTION ARBITRAIRE DE PLUSIEURS PERSONNES SUIVI DE LIBERATION AVANT LE 7 EME JOUR

USURPATION DU COMMANDEMENT D'UN NAVIRE



NOM : MOSCONI Alain Franck
.............

PROFESSION : marin de commerce
Jamais condamné, libre sous contrôle judiciaire depuis le 30/09/2005

Comparant et assisté de Maîtres MAMBERTI, PROSPERI, TALAMONI, avocats au barreau de Bastia et Maître MOLLA, avocat au barreau de Marseille

Prévenu de

ARRESTATION, ENLEVEMENT, SEQUESTRATION OU DETENTION ARBITRAIRE DE PLUSIEURS PERSONNES SUIVI DE LIBERATION AVANT LE 7 EME JOUR

USURPATION DU COMMANDEMENT D'UN NAVIRE



NOM : MOSCONI Jean Marc
.............

PROFESSION : cuisinier, marin de la marine marchande
Jamais condamné, libre sous contrôle judiciaire depuis le 30/09/2005

Comparant et assisté de Maîtres MAMBERTI, PROSPERI, TALAMONI, avocats au barreau de Bastia et Maître MOLLA, avocat au barreau de Marseille

Prévenu de :

ARRESTATION, ENLEVEMENT, SEQUESTRATION OU DETENTION ARBITRAIRE DE PLUSIEURS PERSONNES SUIVI DE LIBERATION AVANT LE 7 EME JOUR

USURPATION DU COMMANDEMENT D'UN NAVIRE



NOM : DAGREGORIO Félix François
.............

PROFESSION : marin de commerce
Jamais condamné, libre sous contrôle judiciaire depuis le 30/09/2005
Comparant et assisté de Maîtres MAMBERTI, PROSPERI, TALAMONI, avocats au barreau de Bastia et Maître MOLLA, avocat au barreau de Marseille

Prévenu de :

ARRESTATION, ENLEVEMENT, SEQUESTRATION OU DETENTION ARBITRAIRE DE PLUSIEURS PERSONNES SUIVI DE LIBERATION AVANT LE 7 EME JOUR

USURPATION DU COMMANDEMENT D'UN NAVIRE




.............

*


       Une information judiciaire a été ouverte des chefs de détournement de navire de commerce et séquestration non suivie d'une libération volontaire avant le septième jour.

       Suivant ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel du 30 juin 2009, sont poursuivis Messieurs Félix Dagregorio, Alain Mosconi, Jean-Marc Mosconi et Patrick Mosconi pour avoir, notamment à Marseille, les 27 et 28 septembre 2005, sans ordre des autorités constituées et hors les cas prévus par la loi, arrêté, détenu et séquestré des personnes embarquées sur le navire PASCAL PAOLI et notamment Jean Damiani, Eric Vollmer, Jean-Paul Lhermitte, Antoine Guidon, Xavier Clair, Franck Manicacci, Julien Arthaud, Laurent Raineri, Véronique Seremes, Philippe Menard, Dominique Gauthier, Yann le Merdy, Bernard Codaccioni, ces personnes ayant été libérées volontairement avant le septième jour accompli depuis leur appréhension avec cette circonstance que les faits ont été commis à l'égard de plusieurs personnes, faits prévus et réprimés par les articles 224-1, 224-3, 224-9 du code pénal ; et avoir, notamment à Marseille, les 27 et 28 septembre 2005, pris indûment le commandement du navire PASCAL PAOLI appartenant à la société SNCM, fait prévu et puni par l'article 45 du code disciplinaire et pénal de la marine marchande.


Discussion :

Sur l'action publique :

       L'article 45 du code disciplinaire et pénal de la marine marchande est ainsi rédigé : est puni de six mois d'emprisonnement, tout capitaine qui favorise, par son consentement, l'usurpation de l'exercice du commandement à son bord. La même peine d'emprisonnement, à laquelle il peut être joint une amende de 3.750 €, est prononcée contre toute personne qui a pris indûment le commandement d'un navire et contre l'armateur qui en serait le complice.

       Le commandement d'un navire s'entend des décisions prises à l'égard de sa conduite et de sa sécurité.

       En l'espèce est en cause l'appareillage, contre la volonté du commandant, et la navigation du PASCAL PAOLI jusqu'au port de Bastia, et plus concrètement les ordres de mise en route des moteurs, de largage des aussières, de sortie du port puis de route vers la Corse.

       Les actes matériels d'exécution d'ordres émanant de la passerelle ne peuvent être considérés comme pouvant caractériser des actes d'usurpation de commandement.

       Les enregistrements de bord, les auditions des témoins, établissent que Alain Mosconi, fort certes d'une adhésion commune des occupants du PASCAL PAOLI à la décision de rejoindre Bastia, est celui qui, contre la volonté de Jean Damiani, a pris indûment le commandement du PASCAL PAOLI, ordonné la mise en route des moteurs du navire, le largage des amarres, et contraint ainsi Jean Damiani à faire sortir le ferry du port, puis à imposé que le cap soit pris en direction de Bastia.

       Alain Mosconi sera en conséquence déclaré coupable de prise indue de commandement du PASCAL PAOLI.

       Il ne peut en revanche être imputé aux trois autres prévenus la même infraction, à défaut de pouvoir retenir à leur encontre un acte qui caractérise une prise de commandement.

       Jean-Marc Mosconi, Patrick Mosconi et Félix Dagregorio seront renvoyés des fins des poursuites exercées à leur encontre à cet égard.

*


       Le délit de séquestration de l'article 224-1 du code pénal suppose la privation de la liberté d'aller et venir d'une ou plusieurs personnes, retenues contre leur gré, par un ou plusieurs auteurs qui, ayant conscience d'entraver cette liberté, et quel que soit leur mobile, ont participé activement et concrètement à cette entrave, puis une libération volontaire avant le septième jour.

       Il n'y a pas lieu de considérer, ainsi que le laisse entendre l'ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel, que l'intégralité de l'équipage du PASCAL PAOLI a été retenue contre son gré jusqu'à l'intervention à bord des forces de gendarmerie le 28 septembre 2005 au matin.

       En effet chacun, à l'exception du commandant Damiani et de quelques officiers retenus en passerelle, a été laissé libre de quitter le bord avant l'appareillage, a pu le faire ou aurait pu se donner les moyens de le faire, en se présentant à temps à la porte et en ouvrant la porte d'accès. Une fois que le PASCAL PAOLI a appareillé, chacune des personnes à son bord se trouvait de fait confiné à bord du navire, mais a pu vaquer en cabine, en salle de restauration, etc, si bien qu'il y lieu de retenir qu'à compter de 13 h 19 le 28 septembre 2005, aucun des faits commis par les occupants du navire n'a plus relevé de l'application de l'article 224-1 du code pénal.

       Les occupants du PASCAL PAOLI ont a compter de 12 h 40 et jusqu'à 13 h 08, moment où Jean Damiani a pris les commandes et fait sortir le ferry, instauré un rapport de force avec le commandement en vue de le convaincre d'appareiller, puis de le forcer à le faire, dans une confrontation dont l'enregistrement des conversations à bord rend bien compte de l'évolution.

       Ils n'ont pu y parvenir que par la pression, et en imposant, d'une part, au commandant de demeurer sur la passerelle d'où il serait obligé ou au moins poussé à prendre à commandes après le largage des aussières au constat des dégâts causés à la coque, et, d'autre part, en contraignant le chef machine à mettre en route les moteurs.

       Les occupants n'auraient pas atteint leur but si Jean Damiani et Eric Vollmer avaient été libres de demeurer dans leurs cabines, ce en quoi Jean Damiani n'aurait pas enfreint les dispositions citées plus haut de l'article 40 du code disciplinaire et pénal de la marine marchande.

       Ainsi qu'il a été relevé lors de l'exposé des faits, Jean Damiani et Eric Vollmer, et aussi Franck Manicacci, Antoine Guidon, Julien Arthaud, Xavier Clair et Jean-Paul Hermitte ont été, certes pendant une courte durée, privés de leur liberté l'aller et de venir, sous la contrainte du nombre, celle de l'agitation, celle des paroles souvent agressives et menaçantes, celle de bourrades évoquées par Eric Vollmer au moment de sa descente en salle de contrôle machine. Ainsi ont-ils été confinés à la passerelle, puis pour Eric Vollmer en salle machine, faits qui relèvent de la qualification de séquestration.

       Dans le cadre de cette contrainte collective on peut distinguer clairement deux acteurs : Alain Mosconi qui signifié à Jean Damiani l'ordre de ne pas quitter la passerelle et à Félix Dagregorio celui de conduire Eric Vollmer en salle des machines ; Félix Dagregorio qui s'est vu confier et a exécuté la mission de contraindre Eric Vollmer à descendre mettre en route les moteurs.

       Alain Mosconi et Félix Dagregorio ont délibérément privé à ce moment Jean Damiani et Eric Vollmer de leur liberté d'aller et venir.

       Ils seront déclarés coupables de séquestration.

       En revanche, le dossier de l'information ni les débats n'ont permis d'isoler un acte imputable à Jean-Marc et Patrick Mosconi qui permette de les retenir dans les liens de la prévention.

       Ils seront renvoyés des fins des poursuites.

*


       Les sanctions seront prononcées compte tenu de la personnalité des prévenus, qui n'ont jamais fait l'objet de condamnation jusqu'alors, du contexte social difficile de l'époque, mais aussi du préjudice moral subi par les personnes physiques victimes et du risque pris à l'égard de l'intégrité d'un navire.

*


Sur l'action civile :

       L'association française des capitaines de navire, représentée par son président Monsieur Hubert Ardillon, s'est constituée partie civile.

       Elle fait valoir que ses statuts la destinent à représenter les droits et intérêts moraux et matériels inhérents à la fonction de capitaine de navire, et que l'usurpation du commandement du PASCAL PAOLI et la séquestration dont a été victime son capitaine ont directement porté atteinte aux intérêts qu'elle défend.

       Elle sollicite la condamnation des prévenus à lui payer chacun la somme de 1 €.

       Il sera fait droit à cette demande à l'encontre de Alain Mosconi et Félix Dagregorio.

*


PAR CES MOTIFS


SUR L'ACTION PUBLIQUE

Le Tribunal,

Statuant publiquement, en premier ressort et par jugement contradictoire, à l'égard de MOSCONI Patrick, de MOSCONI Alain, de MOSCONI Jean et de DAGREGORIO Félix ;

       Renvoie Jean-Marc Mosconi et Patrick Mosconi des fins des poursuites exercées à leur encontre ;

       Renvoie Félix Dagregorio des fins des poursuites exercées contre lui des chefs de prise indue du commandement d'un navire ;

       Déclare Félix Dagregorio coupable de séquestration avec cette circonstance que les faits ont été commis à l'égard de plusieurs personnes, Jean Damiani, Eric Vollmer, Franck Manicacci, Antoine Guidon, Julien Arthaud, Xavier Clair et Jean-Paul Hermitte, faits prévus et réprimés par les articles 224-1,224-3, 224-9 du code pénal ;

       En répression le condamne à une peine de six mois d'emprisonnement, assortie du sursis simple;

Sitôt le prononcé du jugement, le Président donne au condamné l'avertissement prévu par l'article 132-29 du Code pénal.

Le Président a averti le condamné, que s'il commet une nouvelle infraction, il pourra faire l'objet d'une nouvelle condamnation qui sera susceptible d'entraîner l'exécution de la première condamnation sans confusion avec la seconde et qu'il encourra les peines de la récidive dans les termes des articles 132-9 à 132-10 du Code pénal ;

       Déclare Alain Mosconi coupable de prise indue du commandement d'un navire, fait prévu et puni par l'article 45 du code disciplinaire et pénal de la marine marchande ;

       Déclare Alain Mosconi coupable de séquestration avec cette circonstance que les faits ont été commis à l'égard de plusieurs personnes, Jean Damiani, Eric Vollmer, Franck Manicacci, Antoine Guidon, Julien Arthaud, Xavier Clair et Jean-Paul Hermitte ;

       En répression le condamne à une peine d'une année d'emprisonnement, assortie du sursis simple ;

Sitôt le prononcé du jugement, le Président donne au condamné l'avertissement prévu par l'article 132-29 du Code pénal.

Le Président a averti le condamné, que s'il commet une nouvelle infraction, il pourra faire l'objet d'une nouvelle condamnation qui sera susceptible d'entraîner l'exécution de la première condamnation sans confusion avec la seconde et qu'il encourra les peines de la récidive dans les termes des articles 132-9 à 132-10 du Code pénal ;

La présente décision est assujettie à un droit fixe de procédure d'un montant de quatre vingt dix (90) Euros dont est redevable chaque condamné.


SUR L'ACTION CIVILE
Par décision contradictoire,

       Reçoit l'Association française des Capitaines de Navires, représentée par son président Monsieur Hubert Ardillon, en sa constitution de partie civile ;

       La déclare fondée ;

       Condamne Félix Dagregorio et Alain Mosconi lui payer chacun la somme de 1 €.
Le tout en application des articles 406 et suivants et 485 du Code de Procédure Pénale et des textes susvisés.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


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