Retour au menu
Retour au menu

Piraterie, un cas de contentieux
 
Affaire du Triton Lark, Pacific Basin IHX ltd contre Bulkhandling Handymax AS. – EWHC 2862 comm. (J. Teare)
Traduction libre par le Cdt Philippe SUSSAC




       Avec les détournements de navires dans le golfe d'Aden qui sont une question importante pour les armateurs et assureurs, le tribunal commercial EWHC (England and Wales High Court) a rendu un jugement qui a des conséquences sur les rapports entre armateurs et affréteurs: spécialement quand la clause Conwartime 93 (CWT93) est incluse dans la charte partie. Dans quelles conditions l'armateur peut-il suivre une route éloignée des zones de piraterie contrairement aux instructions de l'affréteur ?

       Triton Lark était affrété CP NYPE avec CWT93 incluse. Le navire a été sous-affrété CP Gencon (clause Voymar 2004 incluse, semblable à CWT93) pour un voyage de vrac de potasse de Hambourg en Chine. Les affréteurs à temps ont donné instruction de faire le voyage par Suez et le golfe d'Aden, condition refusée par l'armateur, à cause de l'activité de piraterie en augmentation dans la zone, et le navire a pris la route du Cap. Les armateurs ont fait valoir qu'ils avaient enquêté et qu'il y avait eu une recrudescence d'attaques dans la zone (principalement contre des navires lents, avec un franc-bord faible) quoiqu'il ait été indiqué que les détournements étaient de 1 sur 275. Les affréteurs ont déclaré qu'eux-mêmes n'avaient eu aucun problème en six mois, et ont refusé de payer le coût de l'allongement: 462 000 USD.

       Le contentieux, soumis à un arbitrage à Londres, a été déclaré en faveur de l'armateur comme basé sur une interprétation raisonnable de la clause CWT93 qui stipule:
"Le navire…. ne sera pas requis de naviguer vers ou dans des ports, lieux ou zones…où il apparaît que le navire…suite à l'appréciation raisonnable du capitaine et/ou de l'armateur, pourrait être, ou vraisemblablement être, (may be, or are likely to be) exposé à un risque de guerre" (dont la définition inclut les actes de piraterie).

       En appel devant un tribunal commercial, tout a tourné autour de la signification de la clause et comment elle devait être comprise par l'armateur.

       J. Teare a statué que:        Les termes "reasonnable risk" employés par les arbitres signifient probablement la même chose. Objectivement, le jugement des armateurs devait être exercé de manière raisonnable, sur la base d'informations disponibles et des enquêtes faites, de bonne foi. Mais le tribunal a donné une importance anormale à la totalité de la clause et a mal interprété la loi. Leur interprétation, insistant sur la clause impliquant un "risque sérieux", avait conduit le tribunal à ne pas tenir compte de la probabilité du risque réel pour le navire (attaque de pirates). Au lieu de cela, l'interprétation avait été plus "qualitative", se demandant si le risque était à considérer, important et exigeant une action de la part d'armateurs normaux.

       "Il y a une différence entre les deux qui est bien résumée par … le contraste entre un risque sérieux d'un évènement, dans ce cas une exposition à des actes de piraterie, et le risque d'un évènement grave, une attaque réelle de pirates"

       Il y a eu une discussion au sujet de ce qui serait arrivé si le tribunal avait appliqué correctement le document. Les uns déclarant qu'une chance sur 275 était encore un risque sérieux pour le navire de se trouver exposé à une attaque, alors que les autres déclaraient que le fait de se soumettre correctement au document impliquait qu'une telle éventualité n'était pas un risque sérieux, et qu'il y avait des opportunités pour le diminuer encore, par ex. en rejoignant un convoi.

       Par conséquent, le tribunal commercial a renvoyé l'affaire devant un tribunal pour une application correcte du document.

       Du fait que la piraterie au large d'Aden ne donne pas de signe de diminution, cette décision apporte un commentaire important pour l'application de la clause CWT93 dans le contexte des droits des affréteurs dans l'emploi du navire, et des droits des armateurs pour la protection du navire et de la cargaison. Bien entendu, des clauses "sur mesure" sur le sujet de la piraterie peuvent clarifier et régler les problèmes financiers consécutifs aux voyages dans ces zones.

Rapporté par Weightmans LLP (Décembre 2011)
Retour au menu
Retour au menu