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« LE PONANT »
et autres histoires récentes de prises d'otages




Caractéristiques du PONANT :

Longueur HT: 88 mètres ; largeur HT: 12 mètres; TE: 4m ; Jauge: 1443 tx; Déplacement: 850 T 4 ponts: coque acier; superstructures en aluminium ; Propulsion: Voile (3 mâts- de 45 m pour 300m ² de voilure) et moteur 1.600 KW -Vitesse max à la voile: 12/14 nœuds au grand max; Vitesse au moteur: 11 nœuds !

Nombre maximum de passagers: 64 dans 32 cabines; Equipage: jusqu'à 31 dans 16 cabines, Croisières de luxe (300 à 400€/jour par personne)

Armateur: Cie des Iles du PONANT (Groupe CMA/CGM)

Zones normalement fréquentées et repositionnement habituel du navire

Eté Européen en Méditerranée avec croisières à thème (ex: Venise, Egypte, Carthage, etc…)

Hiver Européen : Croisières dans l'Océan Indien à partir des Seychelles vers Madagascar et Mayotte et les Amirantes

A la fin mars, le navire revient vers la Méditerranée via la mer Rouge. Il ne transporte alors pas de passagers. Ce « transit » est aussi employé à un grand nettoyage de printemps du navire après les croisières successives en Océan Indien. Mais la Compagnie a tenté logiquement de rentabiliser ce repositionnement. Une croisière est ainsi organisée en mer Rouge au départ de HODEIDA au YEMEN vers le Nord (Djedda, Aqaba via Charm El Cheikh) et sortie par le canal de SUEZ. Des clients Américains sont prévus pour cette croisière, ils ont déjà payé leur passage.

Situation sûreté du navire

Depuis juillet 2004, le navire a un plan de sûreté conformément au code ISPS c'est-à-dire que des mesures de prévention concernant l'accès au navire sont constamment prises, que ce soit à terre en escale, au mouillage dans les différentes îles ou en mer, en croisière ou en transit.

Ces mesures sont plus importantes en cas d'élévation du niveau de sûreté et notamment lors des traversées des zones à risques (zones de piraterie ou politiquement instables)

Le plan de sûreté a été élaboré par la compagnie et approuvé par l'Administration spécialisée française.

Situation Générale et Sûreté des zones traversées

Les instructions de la Mission Défense Mer pour la zone Nord-Ouest de l'Océan Indien sont déjà anciennes: le niveau de sûreté 2 est requis et maintenu pour les navires de commerce sous pavillon français.

A quai, en fonction de son évaluation personnelle de la situation sûreté de l'installation portuaire fréquentée, le Capitaine du navire est autorisé à ramener le niveau au minimum c'est-à-dire au niveau 1.

Ainsi pourvu d'instructions, le Capitaine du navire peut modifier le niveau de sûreté, sinon seule l'autorité du pavillon peut le faire (rappel)

La zone bénéficie de forces navales internationales (5 navires sur zone lors du passage du PONANT) dans l'opération « Enduring freedom- Combined Task Force 151) » (liberté durable) où la France joue un rôle important (deuxième flotte après celle des USA) via ALINDIEN qui est le commandement de la marine pour la zone Océan Indien jusqu'aux terres australes

NB: Un Contrôle naval volontaire (tracking volontaire) est en place pour les navires transitant dans la zone.

Dernières nouvelles au départ du « PONANT » de MAHE (Seychelles)

Au YEMEN, où le navire doit faire escale, il est fait état de problèmes locaux liés aux conflits tribaux mais également à une rébellion ZAIDITE dans le gouvernorat de SA'DA et la menace est élevée.

ALINDIEN vient aussi de prévenir qu'au large des côtes de SOMALIE, des faux appels de détresse sont lancés par des pirates. Ordre est donné de ne pas répondre et d'en informer la Marine sur zone. Il ne sera pas facile finalement de faire la sourde oreille à ces appels; la convention SAR oblige le Capitaine à répondre et à porter secours… s'il se trouve à distance raisonnable! Il va falloir s'assurer de l'authenticité de l'appel au secours… pas facile, ces brigands de « grand chemin » peuvent être de bons comédiens!

Mesures prises par le navire

Comme à chaque relève, le Capitaine a effectué le test du SSAS (c'est une procédure Compagnie prévue dans le plan de sûreté)

Les autres mesures à prendre avant de rentrer dans la zone Somalie/Yémen sont aussi dans le plan de sûreté pour le niveau 2 requis par le pavillon: cordages trainant à l'AR, obturation des lumières du bord y compris les feux de route, surveillance continue sur tout l'horizon et particulièrement sur l'AR, lances à incendie en batterie.

Le navire est normalement équipé d'une liaison internet par satellite (INMARSAT)

Route prise par LE PONANT

Vu la recrudescence des actes de piraterie dans la région, ALINDIEN demande de passer par l'Est de l'île de SOCOTRA, et à au moins 100 milles des côtes. Ensuite entre les actes de terrorisme au YEMEN et les pirates du PUNTLAND, il y a le choix…. La route sera à équidistance! Sauf à « ne pas y aller », c'est certainement la meilleure solution… Une soixantaine de passagers américains (qui ont déjà payé leur billet) attendent LE PONANT à HODEIDA

L'IMB (International Maritime Bureau - ICS Kuala Lumpur) vient d'informer que le jour même, des pirates équipés d'armes lourdes ont essayé sans succès de prendre d'assaut un chimiquier.

Mesures détaillées prises, du moins celles qui sont connues

Quart de veille visuelle (deux personnes avec jumelles et TW pour informer la passerelle)
Sur l'AR du navire (la Marina ou jupe AR!) qui est le point faible du PONANT:
  • 6 cordages à la traine pour espérer freiner les embarcations d'éventuels attaquants.
  • Fermeture à clé du volet roulant de la Marina et des portes étanches de la réception (pont principal).
  • Lances à incendie allongées à Bd et à Td. A la pression de 3 à 7 bars elles peuvent aider à repousser des attaquants éventuels.
  • Extinction des feux et obturation des hublots pour éviter toute source de lumière
  • Mise hors service de l'AIS, et appareil de photo du bord à disposition de l'officier de quart en passerelle

En cas de menace plus précise, il est prévu:

Tous les hommes sur le pont et toutes les filles dans le magasin avant N°1 sous les cabines équipage ! Mesure non prévue dans le plan de sûreté, c'est seulement une décision de MARCHESSEAU. Et les filles ne sortiront que sur ordre!

Ce magasin est une cambuse/dépôt… on ne peut s'y tenir debout! Toutes les filles dans une cachette pour éviter les viols? Peur des réactions de pirates mâchant en permanence du kat? Nulle part on ne trouve ce genre de recommandation! Dans le cas où le hijacking se prolonge (2 mois pour le FAINA) … qu'est-ce qu'on fait?

L'Organisation des pirates

Les Costy-Guards (comme ils s'appellent) ont été créés il y 16 ans, c'est 300 à 400 personnes équipées d'une centaine d'embarcations rapides à coque rigide. Mais qui donc fournit ces embarcations équipées de gros moteurs hors-bord de fabrication japonaise?

Les attaques se font à partir du bateau-mère et un gros appui terrestre est également organisé. Les pirates suivent une petite formation élémentaire mais ne parlent que quelques mots d'anglais !

Les armes viennent d'Ukraine: 300 US$ pour un pistolet, 500 pour un lance roquettes, 1500 pour un RPG 7, 2000 pour une Kalachnikov, et il y a un code disciplinaire avec amendes et renvoi s'il y a lieu!

La piraterie: problème insoluble?

La communauté internationale feint d'être surprise… alors que cette organisation existe depuis longtemps en SOMALIE. Dans le détroit de MALACCA on a presque résolu le problème grâce à une flotte importante qui patrouille en permanence et une action des pays riverains!

La zone Somalie/Yémen fait 4 millions de Km2, la côte Somalienne 3.300 Km … La protéger n'est pas si simple! Finalement, si la solution radicale est la suppression des bases terrestres des pirates, la solution provisoire pourrait être celle de navires avec hélicoptère (principalement navire ASM) en nombre suffisant, stationnés sur les routes clés et assurant des patrouilles ou des raids en cas d'attaque.

Au déclenchement du SSAS ( Ship Security Alert System - il est fait pour cela !) les hélicoptères peuvent être sur zone rapidement et déjouer des attaques par quelques tirs de semonce: La frégate indienne MYSORE le 12/12/2008, déjoue une attaque et capture par les commandos, le navire-mère, 23 pirates et leurs équipements –armes, GPS, moyens de communication). Ceci est la version officielle!… une autre version parle de bavure avec des tués parmi les otages.

Le problème reste celui des « bâtiments »: les marines Européennes ne sont pas riches; même les Anglais sont sous équipés aujourd'hui… trop cher toujours trop cher!

On pourrait aussi construire moins cher (les Français commencent à construire dans les chantiers civils), mais la culture est là! Construire léger, sobre en combustible et en personnel, notre marine Nationale a du mal, mais elle y pense certainement!

Le hi-jacking du PONANT: 4 Avril 2008

Le navire est dans le golfe d'Aden, à mi-distance du Yémen et de la Somalie (87 milles de chaque côté) mais quand même pas très loin de l'endroit des derniers actes de piraterie. Soudain&, à 8 milles au radar un écho. Aux jumelles, il semble être un gros navire de pêche de 40/45 m. Le Capitaine décide de le contourner par le Sud, au vent, à la vitesse maxi de 13 nds sous voiles! Le palangrier ne bouge pas, LE PONANT le contourne à près de 3 milles… il est déjà sur l'arrière tribord.

Ils arrivent !

Il est 13 heures, soudain… 2 points blancs sont visibles …ils foncent sur LE PONANT.

Branlebas de combat: les filles dans le magasin VT 1, tous les hommes (22) sur le pont, les lances à incendie alimentées!

Les 2 embarcations rapides accostent à tribord, 8 hommes au total, tous armés, ils font signe de ralentir! Le Capitaine active le SSAS: il appuie 30 secondes sur le bouton rouge (il compte jusqu'à 30 au moins pour en être bien sûr!

Tentative de résistance

Vitesse maxi (à la voile) -Embardées: toute à droite, toute à gauche… sans succès car les speed-boats sont au milieu du navire …ils ne sont pas trop gênés finalement!

Les pirates utilisent des échelles rigides pouvant s'accrocher sur le pont: l'équipage arrose avec les lances incendie et tente de décrocher une échelle.

Soudain les pirates tirent,

Les balles fusent…. le Capitaine ordonne alors de « décrocher » et de se replier à l'intérieur en verrouillant les accès. Le Capitaine tente de contacter ALINDIEN (Commandant de la force navale française de l'Océan Indien, zone sensible pour la France), avec succès à la troisième tentative (téléphone satellite): quelques mots …sommes attaqués…position, etc…

On se rend!

Les pirates montent à bord. Ils tentent d'entrer dans la passerelle…Ils tirent sur la serrure…. Il n'y a plus rien à faire… on lève les bras en l'air, comme l'ordonne le plan de sûreté, certainement!

Les pirates sont jeunes, faméliques ils ont tous des kalachnikovs sauf le chef qui porte un revolver. Ils mâchent tous des feuilles de khat (stimulant et euphorisant local).

LE PONANT aux mains des PIRATES : Premières heures avec les pirates !

Les pirates demandent d'abord de ralentir. Ensuite, ils organisent le rassemblement de l'équipage sur le pont supérieur devant des pirates de plus en plus nombreux tous armés de Kalachnikov.

Ils identifient le Capitaine du PONANT et lui demandent de réunir tout l'équipage. A la diffusion générale, le Capitaine fait une annonce en français, et ne parle que pour l'équipage masculin!

Le capitaine ment, et assure que les 23 hommes sont tout l'équipage… Le chef Ahmed ne le croit pas et demande la liste d'équipage officielle. Le Capitaine fait semblant de ne pas la trouver sur l'ordinateur de la passerelle. Les pirates le tiennent en joue!

Toutes les VHF sont confisquées et le téléphone portable du Capitaine également.

Que voulez-vous? demande le Capitaine…Argent …money money!

Le Directeur hôtellerie a 800 € en fond de caisse… le coffre du Capitaine (qui contient 10.000 € et 10.000 $) est caché dans un placard dans sa cabine. Les pirates ne le trouveront pas, finalement!

Vitesse 4 nds à la voile seulement à présent, vers le sud-ouest !

Apparition des secours et installation des pirates

A 14h30, un hélicoptère SEAKING provenant de la frégate Canadienne « CHARLOTTE TOWN » survole LE PONANT. … les pirates s'en soucient quand même; l'homme au bazooka pointe son arme vers le ciel. Un tir réussi serait fatal pour l'hélicoptère !… ils ont des otages, ils sont sûrs d'eux!

Soulagement de l'équipage quand même, la présence de l'hélicoptère militaire prouve que les Autorités sont au courant (SSAS?). Pendant ce temps là, une embarcation des pirates apporte de la nourriture en quantité (leur propre nourriture).

Le plan pirate mer a été déclenché.

Le SGDN (secrétariat général de la défense nationale) est un service du premier ministre, notamment chargé de la préparation et du suivi du « plan de protection » Vigipirate et des plans d'intervention de la série « Pirate » : Biotox, Piratox, Piratome, Piratair (déclenché lors du détournement de l'Airbus d'Air France en décembre 1994 entre Alger et Marignane), Pirate-ext (prise d'otages de ressortissants français à l'étranger) Pirate-mer, Piranet (internet) ou Métropirate.

Ces plans font l'objet d'exercices réguliers permettant de les tester, d'entraîner les chaînes de commandement et les unités d'intervention spécialisées. Dans le cas du plan Pirate-mer, les armées françaises organisent chaque année un exercice de contre-terrorisme maritime (CTM), une année sur la façade atlantique (exercice Armor 2008) et l'année suivante en Méditerranée (exercice Estérel 2009).

Depuis la prise d'otages à bord de l'Achille Lauro en octobre 1985 par un commando palestinien, les pays occidentaux se préparent à déjouer une prise d'otages en mer par une opération de contre-terrorisme délicate.

Lors de ces exercices, plusieurs centaines d'hommes, dont les commandos Jaubert et Hubert, simulent des prises d'otages ainsi que les techniques de « dé-piégeage » (mines, explosifs) lorsqu'un navire est attaqué. Chaque nouveau navire à passagers mis en service reçoit ainsi « une visite » sans information préalable !

Entraînements fréquents

Des unités des commandos marine, et des gendarmes du Groupe d'intervention de la gendarmerie nationale (GIGN), transportés ou appuyés par des hélicoptères de la marine et de l'armée de terre simulent aussi la reprise d'un bâtiment détourné.

Les exercices de contre-terrorisme maritime, dont la préparation, le déroulement et les conclusions sont couverts par le « secret défense », se déroulent au large des côtes françaises, soit sur des bâtiments accueillant des passagers (navire de croisière, ferry), soit sur des cargos.

Des paramètres nouveaux (distance du bâtiment des côtes, nature de la cible) sont introduits chaque année afin de « valider les procédures employées lors de l'assaut » et de mettre au point les opérations de secours aux personnes. Les commandos utilisent aussi (…on l'espère !) des négociateurs comme ceux du RAID.

Incident : Perte d'un pirate

Pendant les opérations d'avitaillement, un pirate est tombé à la mer. Malgré des recherches effectuées par l'équipage du PONANT (manoeuvre de Boutakoff) …pas de traces du naufragé! Les recherches sont stoppées sur décision du chef des pirates. Le chef l'assure: il sera un « héros » et sa famille touchera 100.000 $ à valoir sur la future rançon!

Le coup du « stop d'urgence » moteur

Le stop moteur (en utilisant l'arrêt d'urgence en passerelle sur la console navigation) est envisagé par le Capitaine et le chef mécanicien. Le gros bouton rouge « Emergency stop » est enfoncé subrepticement.

Alarme, stop machine, clignotants partout! Surprise des pirates qui accompagnent quand même chef et second mécanicien à la machine : ils sont énervés !

Seul à la passerelle pendant quelques secondes le Capitaine peut répondre à un appel de la compagnie via le téléphone satellite. Les pirates deviennent menaçants et soupçonneux car le moteur ne redémarre pas ! Pistolet sur la tempe, coups sur les cuisses et un tir entre les jambes ont raison de l'équipage. D'accord, on cède et on relance le moteur sans oublier discrètement de réarmer le Stop d'urgence au passage (peut encore servir, non?)!

Donc on repart à 8 nds (maximum initié par le Capitaine) vers Ras Asir, surtout dans le but de ralentir la progression et laisser la possibilité à la marine de rattraper le PONANT !

Le coup du « stop d'urgence moteur »

Le stop d'urgence n'était pas une des mesures prévues dans le plan de sûreté du navire. C'était plutôt une initiative du Capitaine. Le Model Ship Security Plan de l'ICS publié en 2003 prévoyait cette possibilité (§19/C), sans vraiment donner beaucoup de raisons à cela.

NB : En général cette option de réponse était proposée dans la SSA (Evaluation de la sûreté du navire) dans les cas d'utilisation du navire pour transporter des terroristes ou comme arme/moyen de causer des dommages (ISPS B 8.8.6 et 7)

Maîtrise de la situation, d'une manière remarquable, par P. MARCHESSEAU

Le chef des pirates demande à téléphoner par satellite… le Capitaine assure lui-même la manipulation du SATCOM afin d'en garder l'exclusivité d'utilisation !

Dans son livre P. MARCHESSEAU suggère qu'en des cas pareils il devrait être possible de pouvoir transmettre automatiquement les conversations à la passerelle à d'éventuels oreilles proches ou non (c'est certainement possible du point de vue matériel mais d'une efficacité qui reste aléatoire –avis personnel)

Les conversations à la passerelle d'un navire à passagers sont déjà enregistrées via le VDR; mais ce n'est qu'un enregistrement exploitable ultérieurement en cas d'accident. Une transmission en direct n'est pas prévue sur aucun navire. Une transmission via une VHF automatique dédiée sur une fréquence dédiée, cryptée ou non, ou encore mieux une transmission via l'émetteur LRIT (à venir très prochainement) sur tous les navires pourrait être envisagée ou, en attendant, un téléphone satellite caché, car des informations in vivo transmises à la cellule de crise ou aux forces armées à proximité (nombre de pirates, emplacement des otages) seront très précieuses notamment si l'assaut est décidé.!

Nouvelle apparition des secours

Sur l'écran radar apparaît à dix milles (à l'insu des pirates qui surveillent la passerelle- ils ont les yeux sur un autre écran dont le Capitaine à réglé à l'échelle 1,5 mille!), la frégate Canadienne d'où provenait certainement l'hélicoptère qui les avait survolés quelque temps auparavant. La frégate se tient à distance… mais c'est rassurant!

A 19h ce vendredi, un deuxième navire apparaît sur l'AR à 8 milles; il s'agit de l'aviso français « Commandant BOUAN »

On s'installe pour une nouvelle traversée

Il y a 10 heures de route vers Ras Asir

Le Capitaine intervient auprès du chef pirate, car il faut préparer de la nourriture pour l'équipage. Cela sera accepté par le chef des pirates, mais 4 de ses gardes surveilleront le cuisinier. Il estime que la panoplie des couteaux de cuisine sont des armes redoutables (eh oui!).

Envoi discret de message

Par un stratagème, P.MARCHESSEAU réussit à faire passer un message sur VHF 16 en tenant discrètement appuyée la pédale de l'émetteur, et en entamant une conversation en anglais approximatif avec son garde… Le message sera certainement reçu par les navires militaires. Il y a du monde à l'écoute sur ces navires!

L'équipage est toujours rassemblé sur le pont soleil, seul le Capitaine peut relativement se déplacer mais il est toujours accompagné d'un garde armé.

Traversée vers Ras Asir

Le vent fraîchit. Avec deux aides, il faut affaler les voiles. Puis vers 4 heures du matin, alors qu'ils arrivent à Ras Asir, le chef change d'avis et demande d'aller encore plus sud vers Ras Hafun.

La silhouette de l'aviso français est rassurante, bien que l'équipage ait compris que les pirates ne sont pas prêts de débarquer et qu'ils ne se contenteront pas que des miettes volées à bord: fond de caisse, souvenirs, appareils de photos ou téléphones portables, lap-tops!

A partir de 7 heures, un BREGUET ATLANTIQUE survole LE PONANT un coup plus haut, un coup en rase-vagues … Ils doivent prendre des photos… l'équipage s'attarde sur le pont!

A longueur de journée les pirates fument des « Royales », fruit d'un détournement précédent peut-être ? Suite à une demande du Capitaine, un transfert de l'équipage du pont supérieur (trop au soleil!) vers le restaurant en plein air sur l'arrière est finalement acquis, mais sous bonne escorte: 3 gardes armés pour des groupes de 5 personnes maximum!

Changement de destination à nouveau

La situation s'éternise, même si le BREGUET continue de tourner au dessus du PONANT dans l'indifférence quasi générale. Il reste quand même un espoir pour l'équipage : si les pirates avaient voulu les tuer, ils l'auraient déjà fait!

Changement de destination encore: maintenant c'est Ras el-Cheil! Finalement, ils sont à la recherche d'un chef/interprète disponible en vue de négocier la rançon en anglais.

Apparition des filles le samedi soir

Le PONANT repart pour 18 heures de navigation. Les filles sont toujours cachées dans le VT 1! Le Capitaine peut enfin prendre un peu de repos. Cela fait plus de 24 heures qu'il n'a pas fermé l'œil!

La passerelle a reçu un coup de fil intérieur ce matin là … cela doit être les filles? …Qui finalement sortent toutes seules de leur trou avec un des hommes d'équipage : tous pas en très bon état, on serait étonné du contraire. Ils sont dans la cale depuis près de 28 heures!

« Commandant, on croyait que vous étiez tous morts, alors mourir pour mourir on est sortis! » Elles avaient sur place de quoi survivre (raisins secs et noisettes) et pensaient vraiment que les hommes avaient tous été tués! Promiscuité, bassine pour la toilette et seau comme latrines, la pudeur et le moral en prennent un sérieux coup!

Reproches et perte de confiance

Le chef des pirates est à présent nerveux. le Capitaine lui a menti! P.MARCHESSEAU avoue qu'il avait caché les filles par peur de tentatives de viol de la part des pirates! Colère d'Ahmed qui demande a voir enfin la vraie crew list! Une certaine perte de confiance s'installe, qui heureusement ne sera pas préjudiciable aux tractations qui ne manqueront pas d'arriver!

Premier contact avec les négociateurs

Ce samedi, un appel de l'aviso signale que la Compagnie CMA/CGM propriétaire du navire est prête à négocier. Par le même stratagème via la VHF, P. MARCHESSEAU, pour réparer un oubli et rassurer les familles, annonce sur VHF 16 que 29 personnes (soit la totalité de l'équipage) sont rassemblées au salon Emeraude et que le navire se dirige vers Ras EL Cheil!

Dimanche 6 avril 2008

Les pirates ravitaillent un pêcheur solitaire: eau et vin, générosité de leur part? Ensuite, un échange de tirs avec d'autres pirates, peut être attirés par un tel butin!

Durant ces échanges, le Capitaine en profite pour transmettre des informations en français à l'aviso notamment sur l'autonomie limitée en gas-oil du PONANT, et sur les fréquents appels des pirates vers la terre via le SATCOM. Il précise aussi que deux membres de l'équipage sont noirs ! En cas d'assaut ils pourraient être pris pour des pirates. Bravo, il fallait y penser!

Au mouillage non loin de GARACAD

Plus d'accès à Internet
Présence toujours oppressante des gardes armés
Et cette impression fort désagréable d'être privé de liberté
Loin de ses proches et en plus privé de liberté!
Réflexions du capitaine: « pirates/armée/assaut… comment sortir de ce bourbier… Toujours avoir un plan B sous le coude! » Nouveaux venus à bord et décision d'appareiller car la présence d'une prise comme LE PONANT a exacerbé les convoitises à terre… cela y aurait même fait deux morts d'après Ahmed! A bord quelques rafales partent au cours d'une simple différent… le stress de situation de crise monte en puissance y compris parmi les pirates!

Une rançon est réclamée le lundi 7 avril

Un groupe de pirates « responsables » invitent le Capitaine à leur conciliabule. Décision: un traducteur, prétendu avocat, assurera le contrôle de la liaison avec la Compagnie (directives et vérification des propos)

Il s'agit de trouver un accord sur le montant de la rançon: On commence par 3 millions de dollars. Les tractations peuvent commencer sur cette base avec la Compagnie à MARSEILLE.

Survie des membres d'Equipage

L'équipage a l'ordre de récupérer autant que possible des talky-walkies VHF, afin qu'ils aient un moyen de communication au cas où il arriverait malheur au Capitaine. Un code est entendu entre l'aviso et LE PONANT sur canal 69.

L'équipage survit, on s'alimente comme on peut, les couteaux personnels (outil de base du matin breton) sont proscrits!

Tractations

CMA-CGM propose d'abord une remise de rançon à terre à BOSASO… refus des pirates!

Au bout du fil, un certain François assure le lien et informe que les familles ont été prévenues. Un accord tombe enfin sur une transaction en pleine mer.

L'aviso s'est sérieusement rapproché. Pour calmer les pirates, le Capitaine lui demande de s'écarter un peu!

20h30: appel de la compagnie, rien n'est encore décidé…Cela n'arrange pas le moral des troupes qui envisagent un lieu de repli (une citadelle?) en cas d'assaut … un plan B en somme!

Les négociations tournent autour de 2 millions de $, mais l'armateur résiste!

Vie à bord pendant les tractations

L'infirmerie du docteur du bord ne désemplit pas: un tas de petits bobos même chez les pirates!

Le comité de négociations (5 personnes) se met finalement d'accord sur 2.150.000 $, que la compagnie refuse, en proposant 1,7 m$ C'est un échec que le Capitaine ne veut pas communiquer à son équipage, le moral est déjà bien trop bas!

Dernière tentative de la part du Capitaine sur la dernière somme des pirates et attente… Nervosité des pirates, la tension est extrême, des nouveaux pirates sont à bord avec de nouvelles armes. Ils semblent redouter un assaut!

Interdiction de bouger pour le Capitaine, une mitraillette braquée sur lui: c'est toi qu'on butera en premier! Et puis soudain, la décision : « accord pour 2,15 M$ »! Les mignonettes d'alcool du bar du PONANT plaisent beaucoup aux pirates semble-t-il. On le dit à l'aviso, cela peut servir!

Vie à bord (suite)

Le va-et-vient des pirates avec la terre est incessant. Nul ne peut dire leur nombre à bord. Le Docteur avait émis l'idée de mettre un puissant somnifère dans leur nourriture, mais comment? Ils la préparent eux-mêmes! Après concertation ce n'est pas envisageable, car trop risqué, en raison de la disparité sur les effets!

Une tension palpable existe entre les pirates : ordres et contrordres se suivent parfois!

Enfin à 17 h, via un email (connexion réparée par le bord), un protocole est proposé par CMA-CGM.

Protocole d'échange proposé

Otages contre rançon - Rançon répartie en trois sacs

Echange à 100 m du PONANT, une embarcation de chaque partie avec des hommes désarmés, uniquement reliés par VHF. Après comptage de la rançon, les pirates évacuent le navire. Les conditions de ce protocole sont impératives : l'échange est programmé pour jeudi matin 9 h. Le protocole est refusé avec raison par les pirates, ils ont peur de se faire tuer au moment du départ, et ils veulent se partager la rançon à bord du PONANT. C'est trop dangereux à bord de l'embarcation!

Enfin, P.MARCHESSEAU, au milieu de la nuit, leur propose de servir de dernière garantie pendant le partage! D'abord refus de la Compagnie, puis acceptation avec quelques modifications sur la remise de la rançon. Le partage entre les pirates se fera finalement à terre. Le navire militaire prépare lui-même les enveloppes pour le partage.

Détail du protocole d'échange

On prévoit:
  • Les canots avec d'un côté les pirates et de l'autre les militaires avec la rançon: tout le monde sans armes, on se retrouve à 100m sur l'arrière du PONANT.
  • Les pirates comptent ensuite l'argent et préviennent leurs collègues par VHF; les membres d'équipage quittent alors le PONANT dans les embarcations (zodiacs); le capitaine reste seul sur le pont avec 3 Somaliens…
  • Puis le canot des pirates passe chercher leurs trois collègues à bord et se dirige seulement alors vers la terre…
  • Echange prévu le vendredi 11 avril en matinée

Echange et libération

Quelques modifications encore de dernière minute. Tandis que des tentatives de vol ont lieu à bord: 7 ordinateurs portables sont ainsi récupérés.

Quelques péripéties encore: le canot avec l'argent met du temps à quitter le Jean Bart qui a remplacé l'aviso. La remise de trois sacs contenant 21500 billets de 100 dollars se fait enfin, les pirates les comptent. (Les pirates avaient quand même dissimulé des AK 47 sous une bâche dans le canot, contrairement au protocole!)

Grain de sable: des zodiacs de commandos apparaissent au cours du comptage de la rançon et manquent de tout faire capoter. Finalement l'équipage du PONANT débarque sur les deux embarcations et rejoignent le Jean Bart. Le skiff des « costy guards » revient chercher les 3 somaliens qui gardaient le Capitaine en joue. Et là, les autorités militaires françaises enjoignent au Capitaine de sauter à l'eau aussitôt que possible, peur du piégeage du navire certainement !

Accueil des otages

Superbe accueil à bord du JEAN BART et de la JEANNE D'ARC. La relève de l'équipage est déjà là, et prend soin du PONANT pour le ramener vers DJIBOUTI.

Le GIGN questionne beaucoup pour leur rapport certainement. On demande au Capitaine de reconnaître des preneurs d'otage parmi les pirates arrêtés à terre (il en reconnaît trois sur les 6!).

Le transfert des ex-otages est organisé sur la Jeanne d'Arc qui passait par là et qui a été embrigadée. Cela donnera des choses à raconter aux élèves de l'Ecole Navale!

Enfin, comme les navires de la Royale ne sont pas encore des « bateaux secs », on boit donc un coup pour fêter ça!

Après la libération!

Récupération par l'équipage de leurs affaires personnelles sur le PONANT qui navigue de conserve. Pas mal de choses manquent évidemment.

Relaxation sur « la Jeanne » avant le tourbillon des retrouvailles: Politiques, Famille, Presse, Services secrets, Gendarmerie (pour les pirates capturés) et évidemment la direction de la Compagnie.

L'aventure se termine bien… elle a quand même duré 7 jours!

Manuel de conduite des pirates

Lors de la fouille du navire par les militaires après la récupération, un ensemble de consignes qui pourrait être appelé « manuel » a été découvert, certainement oublié après un séjour de plus de 7 jours à bord!

Ce manuel prouve que la piraterie est une activité organisée. Le comportement vis-à-vis des otages est précisé : entre autres … ne pas procéder à des violences sexuelles sur les femmes!

Tout écart est puni d'une amende ou du renvoi du groupe. Une balle perdue avait été tirée par un pirate manquant de peu le Docteur du bord, le pirate responsable a été aussitôt renvoyé du bord.

Egalement un carnet (dans la poche d'un vêtement oublié par un pirate) contenant des noms et des sommes distribuées provenant de différentes rançons précédentes.

Comment s'est déroulé l'assaut à terre ? : Scénario de l'intervention militaire

Les pirates quittent LE PONANT et rejoignent des complices à terre, puis prennent la fuite dans plusieurs directions. Les commandos marine montent à bord du Ponant tandis qu'un raid héliporté est lancé dans les eaux territoriales et à terre, avec l'accord des autorités Somaliennes.

Une Gazelle de l'Armée de Terre (ALAT), 2 Alouette III et un Panther de la Marine décollent et volent vers la côte Somalienne. Un avion radar, en observation au-dessus de la zone, suit la progression des véhicules des pirates et guide les hélicoptères vers un 4x4 dans lequel s'enfuient 6 des pirates du PONANT.

Un tireur d'élite à bord d'un des hélicoptères, armé d'un fusil, capable de tirer des munitions de 12,7 mm, immobilise le véhicule par un tir dans le moteur. Les pirates tentent de s'enfuir. Les 3 autres hélicoptères déposent chacun 3 commandos, qui se saisissent rapidement des pirates et d'une partie de la rançon (Entre 10 et 20%). Les pirates sont embarqués à bord du Panther et ramenés vers un navire français au large.

Dénouement

Immobilisation du 4x4 et embarquement des pirates dans un hélico … direction les prisons françaises !

Réactions nationales. Possibilités d'intervention: pas facile facile!

« Une reprise de vive force du navire serait extrêmement complexe et dangereuse. Elle pourrait se traduire par des pertes élevées parmi les otages et les unités françaises engagées ». Dixit le Ministre de la défense!

Très peu d'unités sont capables d'effectuer une telle mission, baptisée CTM (contre-terrorisme maritime). Seuls le GIGN et les commandos-marine (l'Escouade de Contre Terrorisme et de Libération d'Otage ECTLO de Lorient et le commando Hubert, s'y entraînent régulièrement avec des équipages d'hélicoptères.

Une intervention à la mer ne peut se faire que de deux manières : avec des hélicoptères et/ou de bateaux rapides de type Zodiac avec de gros moteurs hors-bord. Dans les deux cas, il faut compter sur le fait que les pirates risquent de se défendre. Un seul exemple : les commandos sont déposés par aéro-cordage sur le bateau [Extrêmement difficile dans le cas du Ponant, à cause de ses trois mâts].

Même si l'opération est très rapide, l'hélicoptère doit rester en stationnaire pendant un court laps de temps. C'est largement suffisant pour qu'un pirate lui décoche un coup de RPG7, l'envoyant à coup sûr au tapis.

Action combinée ?

« Autre difficulté: l'élongation. Il faudrait au moins une demi-douzaine d'hélicoptères pour une telle opération, si l'on compte ceux servant de PC ou embarquant des tireurs d'élite. Ces hélicoptères, basés à Djibouti, devraient se ravitailler en cours de route sur des bateaux alliés. Tout cela ne se fait pas d'un coup de baguette magique. Quant à l'idée d'emprunter des hélicoptères aux alliés (américains par exemple), il faudrait que les équipages connaissent les procédures des commandos et du GIGN. Ce qui n'est pas forcément le cas »

Pourtant les procédures OTAN existent, mais pas pour une action anti-pirates ? On n'ose le croire. A coup sûr, à présent, c'est fait!

Synthèse des réactions des spécialistes ou des marins

Le plus sage est la négociation: compagnie, gouvernement, armateurs la préconisent! Il faut privilégier la vie des otages, on n'est pas au cinéma!

La tentation de la protection privée n'est pas soutenue par la majorité des armateurs (Armateurs de France, BIMCO, ICS et l'OMI).

Les autorités françaises voulaient « privilégier la protection de la vie des personnes qui sont à bord ». « Donc tous les canaux de discussion ont été ouverts pour essayer de résoudre cette affaire en essayant de ne pas utiliser la force » avait précisé le premier ministre. L'opération TALATHINE (Chiffre 30 correspondant au nombre d'otages en Somalie) est lancée!

Décision d'intervention

Quand la rançon est livrée et les otages relâchés, le 11 avril, une véritable opération de guerre est lancée en territoire somalien, avec commandos de la marine et du GIGN, tireurs d'élite, hélicoptères d'attaque. Lorsque Paris demande l'autorisation au président somalien Abdullahi Yusuf Ahmed d'agir, il a cette formule : «Débarrassez-moi de ces types-là !» Résultat : six pirates sont appréhendés par les forces françaises et sont rapatriés vers Paris pour y être jugés.

Ce serait une première judiciaire. Là encore, à l'Elysée, on veut jouer les pionniers dans cette guerre contre les « gangsters des mers », qui mettent en péril la sécurité du commerce maritime. « Un procès d'assises (2009 ?) pour les six pirates du " Ponant ", à Paris, sera un signe fort, souligne Me Vincent Dufief. Cela signifiera qu'il n'y a plus de zone d'impunité. Et que la communauté internationale ne veut plus se laisser dépouiller sans réagir. »

Réactions internationales

L'ONU a élaboré une résolution autorisant les actions militaires dans les eaux territoriales Somaliennes (Résolution 1816 du 2/6/2008). L'OMI ne peut que pleurer dans son coin car… elle n'a aucun pouvoir et encore moins de marine !

L'OTAN pourrait être la solution: la protection du passage inoffensif des navires marchands fait partie de sa mission! Les USA sont là, et les Européens consentent enfin (même les Anglais) à mieux participer à la Task force dans la région.

Force Européenne

La Commission Européenne a formé une force d'intervention avec les pays volontaires. Sous commandement britannique EU NAVFOR ATALANTA (force modeste en nombre de navires mais avec renseignements aériens et hélicoptères d'intervention) s'est mise en place à partir du 8 décembre 2008. Y participent d'abord: la France, le Royaume-Uni, l'Italie, l'Italie, Le Danemark, la Grèce etc… en attendant une force internationale ONU ?

Avis: adaptation des navires de guerre pour l'Action de l'Etat en mer (AEM)

Désigner une frégate anti aérienne ou anti sous-marine pour ce genre de mission est une aberration… C'est le char d'assaut contre le cycliste. On s'adapte cependant en faisant venir des commandos par « tarponage » (parachutages). Mais cela sent toujours le bricolé (la preuve, les ennuis de la Royale ci-après)

Des navires plus adaptés, destinés à l'action de l'Etat en Mer pourraient être placés aux endroits stratégiques, que ce soit pour la piraterie ou toute autre infraction (pêche, contrebande, pollution volontaire). Ces navires, de type avisos avec hélicoptère, il n'en reste pratiquement plus ou sont très vieux ! Mais un nouveau modèle est dans les tablettes (corvettes GOWIND). Elles restent encore à construire malheureusement!

Effet du code ISPS sur les moyens d'intervention maritimes

Si la protection des zones de piraterie hors eaux territoriales reste l'objet d'accords réciproques entre nations ayant des intérêts commerciaux dans la zone, la protection des navires en transit dans les eaux territoriales relève de la responsabilité de l'Etat côtier (ce n'est plus alors de la piraterie!).

Peu d'Etats côtiers on effectivement ces Coast-Guards équipés de navires de haute mer mais aussi de navires d'intervention et de surveillance plus petits. Même nos amis USCG avec leur budget faramineux issu de la loi HSA (Home Security Act) ont commencé par renouveler leur flotte de navires de haute mer (cutters) puis ont commandé tout un tas d'intercepteurs pour les ports et rades. Vu le prix et le temps nécessaire, la récession actuelle et les gains formidable issus de la piraterie/prise d'otages, on n'est pas prêts d'avoir des mers sûres!

Réactions à terre/SSAS

Il semble que le message d'alerte ait été reçu à GRIS-NEZ et que le gouvernement français a été informé rapidement par cette voie ainsi que par ALINDIEN. Déclenchement du plan « pirate mer » pour la région: commandos Hubert et de Penfentenyo, le GIGN et leurs chefs sont tarponnés (parachutés) sur place près du Jean Bart. « L'alizé » bâtiment du service action de la DGSE aurait été également sur place sans jamais se montrer : il s'est semble-t-il chargé de l'interception des communications. Un aviso (Commandant BOUAN) arive rapidement sur place en remplacement de la frégate canadienne. La marine US proposera ses services également via le TARAWA et ses « marines »

Les petits ennuis de la Royale !

La presse l'a dévoilé et la Marine a confirmé :

L'intervention, pour libérer les otages et le navire ensuite, n'a pas été une partie de plaisir pour la Marine Nationale. Des ennuis successifs dûs principalement à certains équipements (un peu hors d'âge quand même) ont un peu gâché cet « exercice » réel au point que la Marine le considère comme un échec! Eh oui!

Si la Marine a finalement mené à bien la mission, c'est grâce un peu à la chance car les ennuis ont été tels qu'on devrait la féliciter d'avoir eu une grande capacité d'adaptation à la succession de loupés dûs à quelques matériel à bout de souffle!

L'Etat-Major parle de conjonction de malchance, mais heureusement « les hommes engagés et le processus de planification (?) ont permis de faire face à ces impondérables ». Magnifique langue de bois officielle!

A savoir :

Si l'aviso « Commandant BOUAN » qui faisait des ronds dans l'eau pas loin a été sur zone assez rapidement, le « Jean Bart » a eu quelques ennuis de machine. Pour le remplacer on a pensé au « Surcouf » en escale à DJIBOUTI. Peine perdue le Surcouf est aussi en avarie et restera à quai!

Coup de chance, « La JEANNE D'ARC » qui revient de Madagascar est dans le coin! La « vieille Jeanne » fera l'affaire encore une fois, malgré ses 44 ans! En tant que porte-hélicoptères elle a des Alouettes et des Gazelles qui volent, elles! tandis que les deux PUMA prévus par la marine sont momentanément hors-service.

L'Atlantique 2 qui doit survoler le PONANT a des ennuis de moteur et doit se poser en catastrophe au YEMEN. On envoie un autre dare-dare à partir de Lann-Bihoué à 6.000 Km de là!

Des commandos marine de LORIENT sont envoyés sur place avec des membres du GIGN pour des raisons juridiques (ils sont OPJ!). Les nageurs vont même faire un tour sous la coque du PONANT incognito. Une attaque est prévue. Malheureusement, l'embarcation trop lourdement chargée aurait chaviré.

Une heure après la remise de rançon, un 4x4 est repéré à terre et neutralisé par un sniper depuis un hélico! Fin du scénario!

La protection des navires de commerce en débat

Certains navires ont des hommes armés à bord (Hanjin Penan). Les marins et les Armateurs de France sont contre, l'OMI en majorité et l'IMB (ICS) également. Naviguer devient dangereux. Ce n'est pas fait pour résoudre le problème du manque de marins au niveau mondial!

La protection par des forces navales alliées est de loin la meilleure solution, mais elle est chère! Ensuite, quand la dissuasion a échoué, la négociation est la meilleure manière de protéger la vie des équipages.

Les pirates sont des brigands et des affamés. Ce n'est pas sûr qu'une aide alimentaire accrue puisse éradiquer cette escalade de l'argent facile! La connexion avec des terroristes « donneurs d'ordres » ou prélevant une dîme n'est pas encore prouvée mais est fort probable.

Une aide à la Somalie (par l'Europe et les USA) pour éradiquer elle-même le problème à terre est envisagée, mais quelles chances de succès?

Connexion des pirates avec les autorités du PUNTLAND

D'après le Secrétaire de l'ONU, il y a une complicité entre les pirates (2 principaux réseaux) et l'administration du PUNTLAND malgré toutes leurs dénégations (on s'en serait douté!). Avec l'argent des rançons, les pirates sont devenus puissants et leur force de feu peut être comparée à celle du pays lui-même.

Tant que l'Etat de Droit ne sera pas rétabli en SOMALIE, les pirates continueront à exister!

Avis d'un spécialiste

« En Occident aujourd'hui, la perte d'une vie humaine est insupportable. Face à des adversaires qui n'ont pas la même conception, il faudra payer la rançon comme au temps des corsaires!

Ensuite, deux évidences s'imposent : la structure du PONANT et des navires similaires est totalement inadaptée à une navigation dans des zones à risque. Ces navires doivent être interdits de navigation ou circuler sous escorte.

Nous voici revenus à une notion de beaucoup bien oubliée au temps des missiles de croisières, des satellites et autres drones : les convois où la marine marchande s'illustra si brillamment. Là encore, seule l'escorte de bout en bout est efficace mais elle a un coût. Quant au Ponant, comme le disait Molière dans les Fourberies de Scapin, « qu'allait-il faire dans cette galère ? » Il appartiendra aux organisateurs de croisière, de mieux apprécier les risques d'agression maritime ».
 

Auteur: Patrick VILLLIERS professeur

Et depuis?

Le PONANT a été réparé à LA CIOTAT. Il a rapidement repris ses croisières méditerranéennes. En août 2008, il était à VENISE. Il a repris ensuite ses croisières du côté des SEYCHELLES ou des Maldives, puis MADAGASCAR, SEYCHELLES etc… et retour en été vers la Méditerranée.

Il aurait passé la mer Rouge dans les deux sens, sans encombre, avec une escorte quand même. Peu d'informations sur cette escorte et son coût!

On a seulement aperçu le Cdt MARCHESSEAU, sur THALASSA, en train d'occulter les baies vitrées du PONANT avant le départ!

Et la Compagnie ?

La CIP possède 3 paquebots: LE PONANT (construit en 91); LE LEVANT (construit à SAINT MALO en 98) et le DIAMANT (acquis en 2004). Elle a commandé 2 autres navires à FINCANTIERI: 142 mètres et 264 passagers/ 132 cabines (BOREAL et AUSTRAL) mais 16 nds ce coup-ci! Livraison 2010 et 2011! …D'ici là LE PONANT fera la navette, entre Océan Indien et Méditerranée.

Et les compagnies d'assurances?

La zone était réputée zone à risques. Les assureurs sont des spécialistes de l'analyse des risques. LE PONANT était assuré. La Compagnie d'assurance a-t-elle payé les 2,125 M$ et les autres frais de logistique qui vont avec ? Cela n'a pas été publié !

Aujourd'hui le risque de guerre est couvert parfois pour cette zone Somalie ainsi que d'autres zones sur la planète. La tendance est de souscrire une assurance spécifique/ couverture ponctuelle. La prime est adaptée en fonction de la situation. Elle risque d'être assez dissuasive en ce moment (surtout depuis le détournement du SIRIUS STAR), ce qui peut décourager certains armateurs. Aux dernières nouvelles, les primes ont été multipliées par 10 !!

Certains armateurs vont plutôt jusqu'à créer une surcharge « Piraterie » pour une région, afin de payer la surprime d'assurance (CMA/CGM 16,5 € par conteneur pour le golfe d'ADEN au 1er janv 2009!) Même le canal de SUEZ semble en souffrir! Il n'y a pas que la crise!

Le hijacking du CARRE d'AS

Jean Yves DELANNE et son épouse, résidants en Polynésie, convoyaient un voilier de 12 mètres vers la France, lorsqu'ils sont hi-jackés et pris en otage ! Les pirates demandent une rançon et la libération de leurs collègues du PONANT embastillés en Avril. Le hi-jacking va durer 2 semaines quand même. Les époux DELANNE pourront communiquer avec leur famille durant toute leur détention.

Contrairement au hi-jacking du PONANT, le Président Français a donné l'ordre d'assaut le 15 septembre 2008 alors que le voilier faisait route vers un autre mouillage. Le Commando HUBERT intervient dès que les conditions météo sont jouables, avec la frégate COURBET en soutien (CTF 150): 6 pirates capturés !

Conditions de l'assaut

Au moment de l'assaut (Jean Yves DELANNE entend des coups de feu) les 2 otages se cachent dans la cabine! Le skipper pousse sa femme dans la penderie qu'il referme sur elle et lui-même se planque dans les toilettes. Il ferme la porte à clef et se couche comme il peut sur le sol (penderie et toilettes ne sont pas grandes même sur un 12 mètres). Les pirates repoussés par les commandos arrivent et ne voient personne … avant de se rendre!

Réflexe de survie, présence d'esprit? Les DELANNE avouent avoir eu beaucoup de chance. Chance sûrement, mais chapeau pour le réflexe! Florent LEMAÇON aura moins de chance plus tard!

Depuis

Près d'une centaine de navires attaqués en 2008 et 2009 a bien commencé. Des pétroliers (SIRIUS STAR), des chimiquiers (KARAJOL), des roros comme le FAINA avec des armes à bord etc….! Les pirates auraient obtenu 3M € pour le FAINA! … le concours continue!

Salaire doublé pour les navigants CMA-CGM lorsqu'ils sont dans la zone ; mais la compagnie préfère à présent faire le tour de l'Afrique! Primes d'assurances décuplées etc…!

Vide juridique

Des avocats se sont empressés de défendre les pirates capturés par les Français: ils risquent la prison à vie! Malgré quelques directives UN ou IMO et la convention de Montego Bay, il y a un grand vide juridique pour juger une telle piraterie.

Pensez-donc: arrestation par un navire de guerre de nationalité A, de pirates qui ont kidnappé, dans les eaux internationales, un navire d'un pavillon B appartenant à un armateur de nationalité C et ne comportant que des équipages de nationalité D, E et F! Les Allemands confrontés à ce problème ont débarqué leurs pirates « capturés » au KENYA qui a accepté (accord avec l'UE) d'emprisonner et de juger les pirates qui leur sont remis à MOMBASSA par les navires d'ATALANTA. Les pirates arrêtés par les forces Françaises vont bientôt être jugés. Ils relèvent de la Cour d'Assises et risquent la réclusion à perpétuité!

Autres initiatives supplémentaires

La dissuasion et l'escorte sont les seules armes vraiment efficaces. En effet, si l'armée n'est pas intervenue 15 minutes après l'apparition des pirates, c'est ensuite trop tard car la vie des otages ne peut être mise en péril!

Les frégates anti sous-marines ou anti-aériennes ne sont pas adaptées à la lutte contre la piraterie, on le sait. Des navires bases de commandos, pourquoi pas pouvant se déplacer rapidement d'un point à un autre, mais surtout équipés d'hélicoptères capables de transporter une demi-douzaine de commandos… Ils n'existent pas! Il faudrait donc en construire mais tout cela prendra du temps, si on trouve le budget!

L'Union Européenne puis d'autres pays ont réagi

Si les Américains sont bien présents dans le coin (le FAINA avec ses 33 chars d'assaut et autres armes sophistiquées, aurait été « surveillé » en permanence par 3 navires US et également un ou deux navires russes), toutes les grandes nations « surveillent » car cette zone de passage est vitale pour le commerce mondial: on se voit mal être obligé à nouveau à faire le tour de l'Afrique de triste mémoire! Sauf peut-être pour de grands navires rapides comme les grands PC!

Les Chinois font venir sur zone trois bâtiments et on est curieux de voir ce qu'ils vont faire. Un grand nombre de navires avec une coordination des zones à contrôler, c'est évidemment une solution immédiate nécessaire, mais qui aura du mal à être suffisante, la mer est vaste!

Comment les pirates récupèrent l'argent de la rançon ?

Si, pour LE PONANT, la procédure a été remise en cause plusieurs fois et était finalement assez « bricolée », si les tractations sont toujours des discussions de « marchands de tapis » et qu'à la livraison, il faut livrer les billets verts en petites coupures aux bons pirates, les pirates et leurs intermédiaires Londoniens ont amélioré la technique: celle du SIRIUS STAR est venue par parachute!

Les « négociateurs et livreurs » en tirent évidemment un fantastique profit (le coup de l'opération de livraison est estimé à la même somme que la rançon!). Il n'est pas sûr que la communauté maritime internationale apprécie vraiment!

Autres nouvelles

Un journaliste a fait, fin 2008, une enquête intéressante sur des brokers Londoniens qui interviennent dans les transactions entre les armateurs et les pirates en vue d'assurer le transfert de la rançon!... Pour l'instant cela reste légal pour la loi britannique (étonnant) sauf s'il y a un lien avec le terrorisme!... Si ce lien existe, c'est la prison qui les attend!

Le FAINA a été libéré le 5 février 2009: on parle de 3,2 millions de $! Des bruits courent sur des billets des rançons parfois faux! Mais comme vous le savez, en Afrique, ce n'est pas très grave, ils seront quand même écoulés!

Fin mars 2009, malgré toute la flotte de guerre sur zone, un cargo grec « le TITAN » venant de la mer noire a été détourné le 18 et deux autres le 23 dans le golfe d'ADEN.

Dans le golfe de GUINEE, sur l'enlèvement des 10 membres d'équipage et la rançon payée par BOURBON (BOURBON SAGITTA), la discrétion continue, même si les otages ont été libérés en bon état. En effet, une certaine publicité sur la rançon payée pourrait faire des émules!

Solution à long terme

Nos ancêtres avaient adopté la solution d'envahir le pays berceau des pirates (les barbaresques Algériens). Cela devrait être également la solution du XXIème siècle

Cependant, même avec la bénédiction de l'ONU, peu de pays semblent vouloir se lancer dans une telle opération de guerre! Malgré la triste expérience du débarquement Américains à MOGADISCIO (Restore Hope), on attend quand même quelque chose de solide sinon de définitif!

Aujourd'hui (Mai /Juin 2009)

Il semble que les milices islamistes (armée des anciens tribunaux islamistes au pouvoir en 2006) sont en cours de reconquête du pouvoir sur l'ensemble de la SOMALIE. Les actes de piraterie diminuent (il y a aussi la météo qui devient moins propice aux embarcations légères). L'avenir nous dira si les milices toléreront la piraterie ou si elles se contenteront du trafic d'armes et de drogue tout aussi lucratif !

Sources

Code ISPS et autres documents idoines
Guidelines on prevention for pirates and armed robbers (ICS)
Model ship security plan OCIMF
Articles et communiqués divers (OF, internet, IMB) y compris sur le site de l'EU NAVFOR ATALANTA
Récit et commentaires du Cdt P. MARCHESSEAU (son livre et des contacts personnels)
MSC circular 623 rev 4 en cours de publication
Rapport du groupe de contact de l'ONU sur la piraterie.

Cdt B. Apperry


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