Retour au menu
Retour au menu

Risques assumés sans aucune reconnaissance


Traduction libre par le Cdt Ph. Sussac d'un texte de C. E. d'Isidoro rapportant le récit d'un capitaine, paru dans Fairplay en juillet.


       Le navire, 32 hommes d'équipage, était en route depuis le Sud-est Asiatique vers le canal de Suez avec une cargaison d'une valeur de 10 millions USD de biodiesel et de 14 millions USD de diverses qualités d'huile de palme. Il faisait route vers le point B du corridor international de transit du golfe d'Aden, en océan Indien, devant rejoindre un convoi japonais. A l'arrivée du convoi japonais, le capitaine ordonna de continuer après avoir détecté un bateau de pêche passant à 7 milles, juste au-delà de la limite de visibilité. Mais ce bateau a attaqué. Le capitaine indique "Ils étaient six à bord, trop rapides et trop violents. J'ai essayé des manœuvres d'évasion et j'ai appelé UKMTO (UK Marine Trade Operations), mais aucune aide n'était possible parce qu'il n'y avait aucun navire de guerre dans la zone".

       Le navire a un franc-bord de seulement 3 mètres. Un des pirates est parvenu à monter à bord. Les manœuvres ont repoussé le bateau dans lequel il y avait les autres pirates. Celui déjà à bord a ouvert le feu sur la passerelle, mais n'a pas pu aller plus loin que le pont principal car les montées étaient bloquées. Puis les pirates ont tiré des fusées lance-grenades à partir du bateau. Alors que le navire essayait de gagner de la vitesse, une avarie a obligé à ralentir, permettant la montée à bord d'autres pirates par l'arrière. La réponse à un nouveau contact avec UKMTO a été que nous étions encore trop loin du Golfe d'Aden pour obtenir de l'aide. Tous les accès étant condamnés conformément aux BMP (Best management practice), un pirate est néanmoins parvenu à entrer par un sabord passerelle. "Alors, je n'avais plus qu'à me soumettre et rassembler l'équipage". Les premiers mots des pirates ont été "Piracy, only money, company".

       Pendant quatre mois et une semaine, le navire a été utilisé deux fois comme navire-mère pour des attaques d'autres navires au large dans l'océan Indien. Une attaque a été réussie. Le capitaine et quelques membres d'équipage ont été contraints d'intervenir dans les procédures d'attaques sous la menace, ce que le capitaine a défini comme étant une constante humiliation. "En quatre mois nous avons croisé plusieurs navires de guerre. Les pirates ont commencé à penser que je les trahissais, j'ai été attaché trois jours, insulté, battu et humilié. La totalité de l'équipage, y compris moi, devait dormir dans le même local". L'équipage était encore plus maltraité quand un navire de guerre approchait: "Ils étaient poussés dans un recoin sous la menace directe des armes. La plupart du temps, ils ignoraient ce qu'il se passait". "J'avais toute la responsabilité du navire et toute la pression. Ma priorité était de protéger la vie de l'équipage et de "camoufler" la cargaison". Les pirates n'ont pu savoir sa valeur. "Quand nous rencontrions des forces navales, celles-ci demandaient aux pirates de faire route vers la Somalie, mais quand ils disparaissaient au-delà de l'horizon, nous reprenions notre patrouille de navire-mère". Le seul moment où le capitaine a pu prendre un peu de repos fut quand le navire est finalement arrivé en Somalie.

       Depuis la libération du navire, un peu plus tôt cette année, le capitaine a indiqué que personne de la compagnie n'avait essayé de le contacter. "J'ai travaillé 11 ans pour eux, réellement motivé dans mon travail pour la compagnie. J'ai participé à la mise en place de l'ISM, des plans de sécurité des navires et des plans anti-piraterie. Un jour j'ai appelé le directeur de l'armement de la compagnie, et je lui ai parlé de cette histoire. La réponse a été que je devrais être heureux d'en être sorti vivant". "Je ne veux pas d'argent, seulement que l'on reconnaisse que j'ai risqué ma vie pour sauvegarder l'équipage et la cargaison". Au moment de l'interview, il attendait toujours un contact de la compagnie lui indiquant s'il était toujours dans la liste des employés.

Retour au menu
Retour au menu