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Une suite malheureuse d'évènements



Traduction libre par le Cdt J.P. Dalby du MAIB Safety Digest n°3/2008






Les faits :

       Un caboteur pétrolier effectuait une traversée avec une cargaison de gazole. Lors d'un arrêt technique récent le réfrigérant d'huile du moteur principal avait été révisé, mais il tomba en avarie pendant la traversée. Le réfrigérant était composé de nombreuses tôles chacune séparant l'huile du moteur de l'eau de réfrigération. Plusieurs joints s'étaient décollés des tôles, provoquant une pulvérisation d'huile dans la machine. Il n'y avait aucun autre moyen de réfrigérer l'huile, le moteur principal fut arrêté pour éviter des avaries. Le générateur attelé pouvait être utilisé en propulsion de secours, mais il était défectueux et donc inutilisable.

       Les conditions météo étant favorables le commandant préféra se laisser dériver plutôt que de mouiller en raison de la présence de nombreux pipelines sous-marins dans la zone. Le service technique compagnie contacté demanda au chef mécanicien de retirer les tôles endommagées et de refaire le réfrigérant bien que cela lui donnât des capacités réduites. Il y avait trop de joints endommagés pour que l'opération réussisse, et un remorquage fut décidé et organisé par la compagnie.

       Un puissant remorqueur tous usages était le seul disponible; il se rendit auprès du pétrolier. L'équipage du remorqueur informé que le navire avait eu un abordage quelques jours plus tôt et qu'il avait des avaries à l'étrave prépara un remorquage en patte d'oie.

       Il y eu peu d'échanges de communications entre les navires sur la façon de prendre la remorque à bord. L'équipage du pétrolier n'avait aucune expérience de remorquage à la mer et fut surpris par les dimensions importantes des éléments de remorque. Après bien des difficultés, les amarres du pétrolier furent utilisées comme vérines et les treuils d'amarrage furent utilisés pour virer les queues de patte d'oie à bord qui furent capelées sur les bittes du gaillard. Le remorquage commença.

       Le pétrolier envisageait un remorquage vers un mouillage près de son port de déchargement où les travaux de réparation du réfrigérant d'huile pourraient être effectués, puis ensuite de gagner son poste de déchargement par lui-même. La traversée en remorque se déroula sans incident et permit à l'état-major de se consacrer aux problèmes résultant de la précédente collision.

       A bord du pétrolier on parla peu de la façon dont on allait larguer la remorque. Bien qu'aucun membre de l'équipage n'ait de pratique de cette opération, les dispositions de quart faisaient que le second ne se trouverait pas présent pour préparer, assister ou superviser le largage de la remorque, laissant l'opération au commandant et à des officiers plus jeunes. Le commandant étant retenu par les évènements relatifs à l'abordage précédent, le premier lieutenant fut chargé de prendre les dispositions pour le largage de la remorque.

       En arrivant à destination, le capitaine du remorqueur demanda à l'équipage du pétrolier de larguer ensemble à la mer les deux brins de remorque en patte d'oie, prévoyant rentrer la remorque en faisant route. L'équipage du pétrolier fut incapable de larguer à bras d'homme les œils des brins de remorque et décidèrent d'utiliser à nouveau les amarres comme vérines pour soulager le poids de la remorque. Le premier lieutenant voulait utiliser des manilles pour relier amarres et fils d'acier, mais il n'en trouva pas d'assez grosse et, le temps pressant, dut utiliser de la chaîne et des manilles plus petites. Ainsi on relia l'œil de la vérine à la queue de remorque de tribord. Sur bâbord il restait une petite longueur de cravate qui fut utilisée pour relier la vérine de ce côté.

       Depuis la passerelle, le commandant pouvait voir le lieutenant et le matelot se démenant pour larguer les brins de remorque et demanda au chef mécanicien et au cuisinier de se rendre à l'avant pour donner la main. Lorsque le brin de remorque tribord fut largué des bittes et viré, le patron du remorqueur s'inquiéta du mou important laissé du côté tribord qui risquait de s'engager dans ses hélices. Il fit alors mouvement vers le côté bâbord du pétrolier à la fois pour réduire le mou dans les lignes et pour diminuer la tension sur le brin bâbord de la patte d'oie. L'œil du brin bâbord de la remorque fut largué des bittes et les deux brins de la patte d'oie filés ensemble.

       Le remorqueur commença à reprendre le mou dans la remorque et mit en avant pour dégager ses hélices. Le poids de la remorque était important, et la tension provoqua la pénétration des amarres dans les couches inférieures sur les tambours des treuils. Les amarres se trouvèrent coincées sur les treuils et la tension sur le brin de remorque bâbord provoqua la rupture de la cravate. Le brin bâbord tomba en vrac à l'eau, ajoutant du poids à la tension existante sur le brin tribord qui raidit. Mais comme la chaîne était plus solide, une tension plus importante se développa avant qu'elle ne casse à son tour avec un claquement sec.

       L'amarre tribord revint à bord en fouettant et frappa le cuisinier qui se trouvait sur le côté tribord du gaillard. Il subit plusieurs blessures graves et fut évacué sur l'hôpital, où il resta plusieurs jours en service de réanimation.

Les leçons :
  1. Les responsables devraient tenir compte du fait que les capacités de concentration et d'action d'équipages impliqués dans des accidents diminuent, et devraient prendre les dispositions pour les relever sans préjuger des fautes ou des responsabilités.


  2. Lorsque des opérations particulières doivent être effectuées, il est indispensable de les planifier correctement et de les surveiller soigneusement. Les risques doivent être bien étudiés et réduits au maximum. Si on fait appel à des non-spécialistes du pont, il faut les surveiller plus particulièrement.


  3. L'équipage à bord des remorqueurs devrait envisager d'apporter des conseils supplémentaires et de l'aide aux navires qui ne sont pas régulièrement impliqués dans des opérations de remorquage, et s'assurer que l'on est bien d'accord sur les procédures de sécurité de prise de remorque et de remorquage avant de commencer les opérations.


  4. Des communications efficaces doivent être établies et maintenues entre les navires en remorque et les remorqueurs.

       Plus de détails pratiques et de conseils sur les opérations de manipulation des remorques sont disponibles dans le MCA's Code of Safe Working Practices for Merchant Seamen.


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