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Arrière toute ? Non !

 
Traduction libre par le Cdt J.P. DALBY du MAIB Safety Digest 3/2008



Les faits :

       Un feeder porte-conteneurs appareilla très tôt d'une de ses escales habituelles. La nuit était claire, le vent faible et la visibilité bonne. Le Commandant et le premier lieutenant se trouvaient sur la passerelle. Un pilote de port monta à bord pour l'appareillage. Le commandant, qui venait d'entrer à la compagnie, avait embarqué pour la première fois sur le navire deux semaines plus tôt. Le commandant précédent avait dû débarquer pour raison de santé. Leur passation de suite avait duré environ trois heures.

       Lorsque le navire sortit des écluses et entra dans le chenal, le capitaine transféra les commandes de gouverne et de contrôle du propulseur d'étrave depuis l'aileron bâbord vers la console centrale. Puis il mit en service le pilote automatique et le pilote donna le cap. La commande de la machine et du pas de l'hélice était habituellement transférée en même temps à la console centrale, mais cette fois là elle fut laissée à la console d'aileron.

       Un pétrolier dans le chenal, arrivant en sens inverse, devait passer sans problème puisque les deux navires se tenaient sur la droite du chenal. Quelques minutes plus tard, à l'insu du commandant et du pilote, le contrôle du pas d'hélice bâbord fut mis à zéro. Dix huit secondes plus tard, le porte-conteneurs commença à embarder vers la gauche, vers la route du pétrolier. Le pilote automatique mit la barre toute à droite pour corriger l'embardée, et presque aussitôt le pilote ordonna "à droite toute". Le commandant passa en gouverne manuelle et confirma que la barre était bien toute à droite. Voyant que le navire continuait à virer, le pilote ordonna "arrière toute". Le commandant actionna la commande machine sur arrière toute, (sans effet, parce que la commande était toujours en service sur la console bâbord et mise au pas zéro), et mit le propulseur d'étrave toute à droite.

       L'équipe passerelle continua de surveiller l'abattée, s'attendant à voir le navire venir sur tribord, et, estimant la machine en arrière toute, que la vitesse de 9 nœuds allait diminuer. Le pilote à bord du pétrolier, voyant le porte-conteneurs approchant abattre vers lui, vint sur tribord et augmenta la vitesse. Lorsqu'il réalisa que l'abordage était inévitable, il vint sur la gauche pour écarter l'arrière et réduire l'impact.

       L'abordage entre les deux navires eut lieu 2 minutes et 22 secondes après que le pas de l'hélice ait été mis à zéro. Le porte-conteneurs traversa ensuite le chenal et s'échoua sur la berge opposée. La puissance en arrière fut récupérée 12 minutes après l'abordage, lorsque le contrôle fut finalement accepté à la console centrale, et le navire se déséchoua à la marée montante suivante. Les deux navires ne subirent que des dégâts légers.

       Aussitôt après l'abordage le commandant appuya sur la commande "sauvegarde" de l'enregistreur de données de voyage. En raison du mode de stockage des données, les dernières minutes de l'accident ne furent pas enregistrées et les évènements après l'échouement ne furent pas sauvegardés.

Les leçons :

  1. Les périodes de passation sont essentielles pour permettre aux officiers de se familiariser avec le fonctionnement du navire. Dans le cas présent, le capitaine, nouveau à la compagnie et sur le navire, ne connaissait pas la méthode correcte d'utilisation de la commande machine, et il se fiait à son expérience sur les navires précédents. Le premier lieutenant était incapable de confirmer les actions correctes ou incorrectes du commandant et donc de l'assister réellement.
    Des périodes de passation doivent être prévues, y compris des traversées lorsque c'est nécessaire, pour s'assurer que chacun des officiers, avant d'assurer sa fonction, connaît le navire et les systèmes de gestion.


  2. L'échec du transfert de la commande machine de l'aileron vers la console centrale implique deux erreurs de la part du commandant : ne pas avoir transféré le contrôle depuis l'aileron, et ne pas avoir confirmé le contrôle à partir du centre.
    Une communication efficace entre le commandant et le premier lieutenant aurait pu permettre de s'assurer du transfert correct de la commande machine. Des efforts pour analyser la situation se développant aurait pu être efficaces si l'on avait contrôlé l'indicateur de pas d'hélice et l'ordre passerelle. La gestion de l'équipe passerelle nécessite la conduite par le chef, mais aussi de la ténacité.


  3. Les situations d'urgence, telles que collision et échouement, peuvent être anticipées et des plans préparés pour y réagir. Des exercices efficaces développent une réponse d'équipe à des scénarios prévisibles, et cette réponse s'améliorera avec le temps. Des vérifications effectuées par la compagnie aux réactions à des exercices d'urgence peuvent déterminer quelle sera l'efficacité de cette réponse. En outre des plans d'urgence doivent être à portée de main et non pas être enterrés dans la documentation ISM.


  4. La dimension et l'emplacement de l'indicateur de pas sur la console centrale ne montraient pas facilement à l'équipe passerelle que le pas de l'hélice était à zéro, et il n'était pas immédiat de voir que levier de commande machine n'était pas actif.
    L'ergonomie de l'équipement passerelle doit être étudiée lors de la construction, et des indicateurs doivent être ajoutés lorsque c'est nécessaire. Ce navire, qui appartient à une série, aurait dû bénéficier d'un répétiteur de pas d'hélice à proximité de l'indicateur de barre, au plafond de la passerelle, clairement visible par l'équipe passerelle.


  5. Les enregistreurs de données de voyage sont des outils très importants pour déterminer les causes des accidents. Lorsque les enregistreurs sont mal installés ou que les données ne sont pas enregistrées après un accident, leur valeur est perdue. Des instructions précises doivent être données pour que les données soient sauvegardées après un accident, et aussi pour que l'enregistreur soit contrôlé régulièrement afin de s'assurer de son bon fonctionnement.


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