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En giration vers le pire.

 
Traduction libre par le Cdt J.P. DALBY du MAIB Safety Digest 15/20093



Les faits :

       Un navire de croisière s'est échoué en cherchant à prendre un virage serré lors d'une approche de routine d'un port. Le navire fut déséchoué peu après à la marée montante. Il n'y eut pas de blessés, pas d'avaries au navire ni de pollution à la suite de cet échouement.

         Suivant les conseils d'un pilote de choix, le navire était manœuvré sur les ordres du capitaine avec une équipe passerelle au complet. Le lieu où mettre "la barre toute" pour le début du virage avait été défini d'un commun accord entre le pilote et l'équipe passerelle, en fonction des conditions météo et des courants de marée. Cependant, tous les calculs nécessaires pour effectuer la manœuvre n'avaient pas été préparés, que ce soit par le pilote ou par l'équipe passerelle afin de tenir compte de l'effet combiné du vent prévu et du courant.

       A l'approche du virage, le navire était face au courant et à un fort vent. Ses difficultés à tourner vent de travers en raison de ses superstructures importantes étaient connues, et cela était très présent à l'esprit de l'équipe passerelle lorsque l'ordre "la barre toute" fut donné pour lancer la giration. En raison du vent et du courant opposés à la route du navire, l'avant du navire est venu en grand sous le vent dès que la barre a été mise "toute". Entraîné par son moment de giration, il a continué à venir avec une vitesse de giration croissante.
       Il en est résulté que le navire s'est retrouvé hors de la trajectoire recherchée, pour terminer son virage à l'entrée d'un chenal étroit entre deux hauts fonds.

       L'équipe passerelle contrôla la giration et constata qu'il y avait danger imminent. Cependant, l'action adoptée pour ramener le navire en bonne position fut inefficace. Au contraire, elle l'aggrava par suite d'une perte de manœuvrabilité en eaux peu profondes et de la réduction de vitesse induite par la manœuvre avec la barre toute et le vent par le travers. Quand il devint évident que le navire ne pourrait prendre l'axe du chenal navigable, le commandant prit la décision de l'échouer du bord au vent sur un banc en pente douce, plutôt que de prendre le risque de le faire tourner de force et sortir ainsi du chenal, ou de faire un crash stop qui aurait alors fait dériver sous le vent, vers un banc plus abrupt et plus dur.

       Les remorqueurs, qui étaient en attente pour aider le paquebot dans sa manœuvre d'accostage, furent dépêchés rapidement à son secours. Le navire fut remis à flot dans l'heure qui suivit son échouage, et put terminer son voyage sans autre incident.

Les leçons :

  1. Les calculs effectués après l'incident, en utilisant les courbes de giration et les données vitesse de giration du navire, ont montré que la position choisie pour mettre "la barre toute" était trop sous le vent, compte tenu de la force et de la direction du vent. Le vent et les courants de marée directement opposés à la route du navire ont provoqué une accélération de la vitesse de giration, alors qu'en réalité une vitesse de giration moindre était nécessaire dans ces conditions. C'était un passage et une manoeuvre de routine pour ce navire, et ceux qui étaient concernés avaient eu largement le temps pour de préparer les caractéristiques de giration et le positionnement en fonction des différentes conditions environnementales probables. Les pilotes de choix ainsi que les équipes de passerelle devraient profiter de passages répétés pour pré-calculer, et ainsi envisager toute condition qui pourrait affecter la manoeuvrabilité du navire.


  2. Les informations sur la vitesse de giration pour un rayon de giration particulier étaient disponibles sur la passerelle, et indiquaient des vitesses de giration par beau temps. "Vent debout" demande généralement une vitesse de giration réduite pour suivre une courbe prévue. Dans ce cas, la combinaison de la barre "toute" et du vent a évidemment donné des degrés/minute supplémentaires par rapport à ceux indiqués par beau temps. Les plans de traversées devraient prendre en compte toute ces informations de telle sorte que l'on puisse réagir largement à temps si les choses ne se passent pas comme prévu.


  3. L'équipe passerelle faisait confiance à un pilote de choix et n'avait pas inclus la position où mettre "la barre toute" dans le plan de traversée. Ce n'est qu'en incluant toute les informations pertinentes dans le plan de traversée que les membres de l'équipe passerelle peuvent être en mesure de discuter des points de vue de chacun, ou du pilote.


  4. Après avoir constaté qu'il était impossible de terminer la giration, échouer le navire sur un banc identifié au préalable comme étant le plus mou et le plus sûr, était de la part du commandant une décision sensée : la marée montait, les remorqueurs étaient disponibles, et le navire risquait peu de choses en attendant de flotter de nouveau. Pour le commandant, faire régulièrement cette ligne présentait l'intérêt d'avoir conscience de la difficulté du virage pour prendre ce chenal étroit et il avait pris des dispositions pour y parer. Une bonne gestion des risques devrait inclure de telles options, partout où cela est possible.


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